Voici une prise de position qui n’engage que moi, mais que je peine à garder pour moi.


1° Les discours de Macron et de son relais au sein du gouvernement pourraient avoir été dictés à des élèves de Sciences Po sous la consigne suivante :

« À la manière et dans l’esprit des discours qui ont conduit aux accords de Munich, vous expliquerez pourquoi, au Moyen Orient d’aujourd’hui il ne faut pas répondre par la force à la violence des agresseurs.Vous insisterez sur le point suivant : pourquoi il ne faut pas armer le camp des agressés, sans empêcher l’armement des agresseurs, afin de s’en tenir à des appels à la diplomatie ?

N B : Vous éviterez de faire allusion à la seconde guerre mondiale qui a suivi les accords de Munich ».

2° Voici maintenant mon point de vue personnel :En Israël comme en France, l’islamisme conquérant fait une guerre mondiale au monde libre. Il y possède des cinquièmes colonnes, dont font partie les islamo-gauchistes.

La stratégie de ces idiots utiles à l’islamisme a été formulée au premier congrès des peuples d’Orient qui s’est tenu en 1920 dans la ville de Bakou.
Cette alliance entre ennemis de l’Occident s’est concrétisée en 1979 en Iran, par la prise du pouvoir qui a transformé l’Iran en république islamique et a réduit au silence les communistes iraniens.

Quelle est la différence entre la tentation munichoise d’aujourd’hui et celle de 1938?

En 1938 Hitler fit semblant de jouer le jeu diplomatique dont les démocraties furent les dupes. Aujourd’hui, certains dirigeants des pays démocratiques s’évertuent à se duper eux-mêmes.

Quelle leçon devons-nous en tirer ?

Pour avoir la paix, il faut d’abord mettre les agresseurs hors d’état de nuire par la force. Ceux qui ont honte d’être les plus forts et de vaincre par la force doivent quitter la politique.

André Senik, 7 octobre 2023

11 Oct 2024


Lu dans Le Figaro l’article ci dessous. Il mérite d’être porté à la connaissance de tous. Cette prose effarante peut en effet servir à rappeler et à mesurer la profondeur et la gravité du fossé qui existe entre la culture islamiste et la notre. Elle peut aussi contribuer à mettre les néo-féministes et les « intersectionnalistes » devant leur silence complaisant.

André Senik

Entre deux vidéos sur le football, un influenceur de religion musulmane a tenu à expliquer à ses 780.000 abonnés TikTok les règles auxquelles devra se plier sa future femme. Dans la vidéo publiée samedi intitulée «Ma femme naura pas le droit», Adel Sidi Yakoub, joueur au sein de l’Entente Sportive Pays d’Uzès, dans le département du Gard, liste cinq interdictions qu’il juge «très raisonnables».

À commencer par celle « d’avoir des amis garçons ». « Cest moi ton ami, cest moi ton confident, cest moi ton pire ennemi… Ya pas damis. Ça nexiste pas chez moi», assène le jeune sportif d’un ton catégorique.

Sa femme aura également interdiction de «travailler avec des hommes», quitte à «rester à la maison».

Elle ne pourra pas plus «partir en voyage sans moi», continue Adel. «Les voyages avec ses potes, elle oublie (…) Cest moi qui la protège», estime le jeune homme qui admet toutefois une exception pour «les hommes de sa famille», frère ou père.

Adel, qui compte également une communauté importante sur Instagram avec plus de 83.000 abonnés, annonce encore que sa femme se verra interdire tout «habit moulant». «Voilà, cest pas compliqué (…) le corps de ma femme il est à moi», étaye-t-il. L’influenceur estime que «le mieux serait le voile», «mais je ne veux pas forcer», concède-t-il, bon prince.

Enfin, celle qui partagera la vie du Tiktokeur aura interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux. « Moi jai le droit car cest mon travail», explique Adel, «cest comme ça que je la nourris». Et de se féliciter, en légende de sa vidéo, qui a fait en 24 heures quelque 16.000 vues : « Je trouve que mes règles sont très raisonnables».

14 Jan 2024


Derrière le conflit territorial, le fanatisme islamiste

Vu par le petit bout de la lorgnette, le conflit israélo-palestinien est territorial : une population arabe vivant en Palestine, un territoire sous mandats variables, se considère depuis toujours comme partiellement envahie par une population juive à laquelle elle refuse le droit d’y habiter.

Depuis 1948 la création d’un État juif et d’un État arabe se partageant le territoire a été refusée unilatéralement par les États Arabes.

La cause de ce refus est l’islamisme.

C’est ce fanatisme religieux islamiste qui rend la coexistence impossible.

Les fanatiques religieux juifs qui revendiquent – eux aussi- l’intégralité de la Palestine aggravent le différend mais ils ne sont pas les responsables des échecs de règlements antérieurs.

Il ne s’agit donc pas d’une guerre de religions entre le monde judéo-chrétien et le monde musulman. Il s’agit d’une guerre de l’islamisme au monde libre. Ceux qui en Occident (tel Éric Zemmour) présentent ce conflit comme une guerre de religions opposant l’Occident judéo-chrétien à l’Islam adoptent le même point de vue que leurs ennemis.

En réalité l’islamisme contemporain mène la troisième offensive mondiale contre le monde libre, et contre la liberté, après le communisme et le nazisme.

Ces trois idéologies ont en commun de ne pas reconnaître l’humanité de leurs ennemis, et de lever toutes les inhibitions civilisationnelles au déchainement de la barbarie.

La violence barbare des islamistes du 7 octobre n’a nullement pour cause la situation des habitants de Gaza.

Pas plus que la violence barbare des pogromistes d’avant la seconde guerre mondiale n’avait pour cause le comportement des Juifs à leur égard.

L’islamisme est la cause de sa barbarie.

Sa violence barbare a d’ailleurs connu des précédents qui éclairent cette déshumanisation : les atrocités commises en 1572 lors de la Saint-Barthélemy par des chrétiens catholiques contre les chrétiens protestants sont foncièrement de même natureSont coupables toutes les idéologies qui nient l’humanité de leurs « autres », et qui poussent à la jouissance transgressive de déshumaniser ces autres.

Si nous nous bénéficions en France de la sortie de ces guerres de religion, nous le devons au triomphe du principe de tolérance, à la séparation entre l’État d’un côté et, de l’autre, les religions et les idéologies, et finalement à la sécularisation des religions et des croyants.

L’évolution des catholiques s’est faite dans ce sens et elle a rendu possible leur coexistence avec les protestants et avec les Juifs.

La laïcité est la voie à suivre.

Il est hautement souhaitable que l’État d’Israël suive la même évolution, afin que la religion reste là-bas à la place qui devrait être la sienne, sans imposer son sacré particulier à la société et au reste du monde.

Cette évolution n’est pas impossible.

Tout deviendrait possible si le monde musulman suivait la même évolution.

On n’en est pas là.

Les démocraties libérales qui composent le monde libre doivent donc s’organiser pour pouvoir se défendre contre leurs ennemis archaïques et potentiellement barbares.

André Senik

18 Nov 2023


13 novembre: «Le grand absent de ce grand procès, l’idéologie islamiste»

Les coupables des attentats islamistes du 13 novembre ont été jugés. Ils l’ont été d’une façon irréprochable, et la justice française s’est montrée digne de ce qu’est un État de droit. Personne d’ailleurs n’y trouve rien à redire. Ce procès a apporté aux victimes, à la société française tout entière, et même aux accusés, tout ce qu’on pouvait attendre d’un tel procès.

Et pourtant, la cause première de la tragédie dont on a jugé les coupables humains, la responsabilité première de ces crimes aveugles n’a été ni mise en examen, ni jugée, ni condamnée. La responsabilité première de ces crimes sans justification incombe entièrement à l’idéologie islamiste conquérante, qu’il faut appeler par son nom. Sans elle, aucun des assassins qui ont été jugés ne serait devenu un criminel de masse. Les humains qui commettent ces crimes monstrueux ne sont devenus des criminels que sous l’emprise d’une des idéologies qui poussent leurs fidèles aux crimes les plus inhumains.

Au-delà du cas de l’islamisme terroriste, le rôle des idéologies totalitaires et terroristes dans les crimes de masse des XXe et XXIe siècles doit être reconnu parce que seul ce rôle permet de comprendre comment des humains ordinaires peuvent commettre des actes monstrueux qui nous paraissent impensables. Le rôle des idéologies n’est ni une circonstance aggravante, ni une circonstance atténuante dans le jugement des auteurs, mais il doit être reconnu, parce que ces idéologies doivent être condamnées et combattues en raison de leur criminalité.

Or ces idéologies ne sont ni mises en procès ni condamnées en justice, parce que les tribunaux ne sont habilités à juger que des humains. À Nuremberg, on n’a pas jugé et condamné l’idéologie nazie. La dénonciation des crimes du communisme n’a pas débouché sur le procès en bonne et due forme de l’idéologie de ce système. Mieux vaut dire que la condamnation des crimes de masse du communisme n’est pas remontée jusqu’à la source idéologique qui a rendu possibles ces crimes impensables.

Voilà pourquoi nous avons collectivement le sentiment que le procès des assassins du 13 novembre n’est pas allé jusqu’au bout, et que la condamnation des coupables humains ne suffira pas à nous faire tourner la page en nous disant que justice a été faite.

Pour que justice soit faite, il nous reste à poursuivre le combat contre l’idéologie islamiste barbare qui a mené à cette tuerie. Il nous reste à mener le combat au grand jour contre l’islamisme, en France même, avec pour objectif de faire reculer la séduction de cette idéologie parmi ceux des jeunes musulmans de France qui peuvent être tentés par une vision radicalisée de leur identité, une vision d’autant plus exaltante qu’elle est archaïque et mortifère.

Le combat culturel contre l’islamisme conquérant doit être mené dans l’École, parce qu’il est la condition de l’intégration de tous les jeunes de France à notre culture.

Le jour où le combat contre l’islamisme conquérant et pour l’intégration à notre culture sera officiellement déclaré, le procès exemplaire des assassins du 13 novembre ne nous laissera plus un arrière-goût d’inachevé.

ANDRE SENIK (FIGAROVOX/TRIBUNE le 1er juillet 2022)

André Senik est agrégé de philosophie. Il a notamment publié Le Manifeste du parti communiste aux yeux de l’histoire, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015.

Crédit photo: Rawpixel

6 Juil 2022


Afghanisan : après la victoire des talibans

Passionnante conférence organisée par le Club France-Afghanistan que préside Françoise Hostalier à la mairie du X e arrondissement lundi 15 novembre. Pas d’envolées lyriques, pas de tremolos dans la voix. Des informations et des avis de la part d’un enseignant chercheur de Paris I Sorbonne, Gilles Dorronsoro, et d’un journaliste du Monde, Jacques Folloru, spécialisé dans les questions de Renseignements et tourné, ces dernières années, sur l’Afghanistan. Leur bonne connaissance du dossier afghan et leur expérience du terrain touchèrent vivement un public de connaisseurs.

Une des grandes questions, pour Gilles Dorronsoro, est de comprendre pourquoi l’armée américaine a, en quelque sorte, sous-traité cette guerre de 20 ans en s’appuyant sur des gens peu fiables, souvent corrompus et/ou trafiquants de drogue. Il était prévisible dans ces conditions que la situation irait en se détériorant jusqu’à ces dernières négociations où au fond, il ne fut question que des modalités du retrait sans la moindre exigence adressée aux talibans.

D’autres choix stratégiques ont conduit à l’abîme actuel. On n’a rien fait pour reconstituer l’Etat afghan ni pour agir en coordination avec lui. On ne se coordonna pas avec lui : on le contourna plutôt. Les talibans ont d’une certaine façon répondu à une demande d’Etat de la part des Afghans qui tout en étant très divers souhaitent un ordre légal, une institution judiciaire ainsi que des initiatives en faveur du développement économique du pays.

Comment un tel aveuglement américain a-t-il été possible? Qui sont les conseillers de l’armée américaine ? Comme sont-il formés? Voilà un point particulièrement important à « creuser »…

Une autre affirmation paradoxale frappa bien des auditeurs : les Américains n’ont pas fait la guerre (on compte moins d’une centaine de morts en 20 ans!) mais ont mené des opérations d’éliminations individuelles incontrôlées qui n’ont pas suscité – c’est le moins qu’on puisse dire – le soutien de la population.

Les deux conférenciers insistèrent sur le fait qu’à leurs yeux la situation humanitaire actuelle était très grave et qu’on risquait une crise majeure dans les prochaines semaines. Le froid est déjà vif en novembre en Afghanistan. Il serait donc utile de discuter avec eux. Certes, le dialogue est difficile puisqu’on ne veut pas reconnaître leur régime et il est en particulier difficile de parler de « droits de l’homme » puisqu’ on ne veut pas les accueillir et qu’on ne peut, pour améliorer la situation des droits de l’homme, faire pression sur eux par des sanctions car elles risqueraient de faire crever de faim une partie d’entre eux.

Aujourd’hui, les talibans sont seuls ou presque. Ils dépendent moins qu’on l’a dit des Pakistanais. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas encore reconnu le nouveau régime de Kaboul. Et les talibans doivent attendre moins des Chinois qu’ils pourraient le souhaiter.

Comme ils sont Isolés, menacés d’une grave crise alimentaire, l’Occident pourrait négocier leur aide. mais rien n’est fait dans cette optique. On pourrait discuter aussi de la drogue produite dans le pays, de l’immigration et du terrorisme. il faudrait échanger des concessions de la part des talibans dans ces domaines contre de la nourriture. Sans doute, ce n’est pas facile : les talibans ne veulent pas voir de femmes actives dans la vie sociale. Mais cette présence est aussi une question négociable ! Après tout, la situation des « vainqueurs »est si grave qu’on peut envisager des négociations sur des thèmes très divers.

Les observateurs ont insisté beaucoup sur la diversité du mouvement taliban. Mais les conférenciers insistent quant à eux sur la discipline, la hiérarchie et la centralisation de la direction. Malgré l’anachronisme, l’un d‘eux parlera même, à propos du mouvement taliban, de mouvement « stalinien » ( ce qui permet d’envisager la possibilité de retournements stratégiques brusques) dont l’idéologie, leur horizon, est la charia…

Bref, les participants à cette soirée ont eu leur content d’informations et d’ouvertures vers de nouveaux horizons. Tout n’est peut-être pas perdu à condition de prendre des initiatives et de négocier, malgré la répugnance qu’on peut éprouver à s’y résoudre…

(crédit photo: https://www.flickr.com/photos/ipostcross/49138640673/in/photolist-2hSdnUD-9WGZkw-9WEax8-9X4WLJ-9XLDXm-9X4WFh-9X4Wzy-9WH1Wh-9X4WUE-9WEbPe-fU74y-9WEaZt-9WH7hG-9XHMHR-9XHJZP-9X25SK-9WH84G-9WGZSb-9X4Wt1-9WE7He-ML3S3-ML3RY-emEX7o-oxyG4Q-fU6Nh-9WEcCg-9WH69f-fU74V-9X26cB-9WH5qw-9X25kp-9X4Wnd-9X4WZ7-9X267n-9X4Wd5-fU75s-fU73v-fU73Q-4PwcGt-fU75g-ackjad-9X25a2-fU74g-4PArbL-4PAs3j-4xPF1N-emrrqB-emrwBi-nnz1pC-5xHKD3)

18 Nov 2021


La débandade des États-Unis en Afghanistan et le droit d’ingérence

La débandade des États-Unis en Afghanistan nous oblige à affronter une situation mondiale nouvelle pour nous, nous qui avons été partisans du devoir d’ingérence contre les États criminels.

Reconnaissons d’abord que la justesse politique d’une intervention dont les intentions sont justes se mesure à ses conséquences; or en Irak et en Afghanistan, les suites n’ont pas été probantes.

si nous conservons le devoir d’ingérence, il faut en préciser la raison et les modalités, en le distinguant du « nation building » qui vient de faire naufrage.

Le devoir d’ingérence ne se justifie selon moi que si l’on place les droits de l’homme au-dessus de la souveraineté des États et même au-dessus du droit des peuples à vivre selon leurs règles et leur culture.

L’adage « charbonnier est maitre chez lui » qui justifie le principe de la non-ingérence fut affirmé par Goebbels en 1933 à la tribune de la SDN « Messieurs, charbonnier est maître chez lui. Nous sommes un État souverain et tout ce que dit cet individu ne vous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes, de nos juifs et nous n’avons à subir de contrôle, ni de l’humanité, ni de la Société des Nations. »

Accepter que cela ne nous regarde pas alors que nous en sommes témoins, ce serait renoncer à notre principe premier : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

Nous avons donc à faire tout notre possible pour protéger les droits et la dignité des autres humains, au nom de notre principe premier.

Exemple : la population de la Corée du Nord.

Si certaines cultures préconisent la soumission totale des femmes et même leur excision, nous devons faire tout notre possible pour protéger et défendre les droits des femmes de ces pays qui le souhaitent.

Aucune trace d’impérialisme dans cette position droit de l’hommiste.

André Senik

Crédit photo: https://www.flickr.com/photos/defenceimages/6347431323

9 Sep 2021


Les talibans au pouvoir

C’est naturellement aujourd’hui un jour de deuil pour tous les partisans d’une démocratie libérale. Triomphent à Kaboul le fanatisme religieux, le machisme le plus cruel, la haine de la liberté de critique, l’hostilité au monde qu’on dit occidental.

Nous ne sommes pas spécialistes de l’Afghanistan. C’est une bonne raison pour ne pas nous lancer ici dans des prises de position péremptoires. Pire : nous ne nous sommes pas beaucoup préoccupés de l’Afghanistan quand la lutte était encore indécise contre les islamistes qui viennent de triompher. Il est vrai que nous avions beaucoup à faire dans notre propre pays et en Europe où prospèrent d’autres formes d’hostilité à la démocratie libérale : l’autoritarisme sous la conduite d’un Chef y fait recette chez certains, les pressions et la subversion feutrée d’un communisme chinois riche et mondialement ambitieux vont grandissantes, le communautarisme islamiste tente de s’imposer, tout comme les vues étroites d’une partie de la population, globalement satisfaite de son sort mais vive à dénoncer son président, bouc émissaire des effets négatifs d’une Ecole longtemps peu exigeante, d’une Justice souvent laxiste, de réseaux sociaux moins occupés de pensée, rationnelle ou raisonnable, que de rumeurs et de soupçons.

La victoire des talibans illustre une fois de plus la difficulté à faire triompher la liberté par une intervention militaire. Les peuples suivent leur chemin, dans les conditions économiques, politiques, culturelles, qui sont les leurs. On peut les aider prudemment à privilégier la liberté de critique et la raison, ou l’égalité de droit entre les sexes. On ne saurait leur imposer ni même se substituer à eux pour les défendre.

La victoire des talibans illustre aussi la courte vue des activistes politiques ou sociaux : où sont les féministes promptes sous nos cieux à dénoncer les hommes ? Elles n’ont guère fait de bruit contre ceux qui s’apprêtent à boucler loin de la vie publique la moitié – féminine – de la population.

La victoire des talibans illustre encore la puissance du nationalisme, qu’il se vête ou non de religion. Le point commun des talibans issus des différents populations d’Afghanistan, c’est le refus d’une pensée et d’un mode de vie qui viennent d’ailleurs. Minoritaires, les Afghans qui ont soutenu les efforts du monde occidental pour changer leur pays, ont évidemment perdu.

Il faut cependant se rappeler qu’une idéologie, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou marxiste-léniniste, ne suffit pas à nourrir des millions de gens. Les talibans ont rendez-vous une fois de plus avec les dures réalités économiques et sociales. A moins d’une aide économique substantielle, que la Chine, eh oui, est susceptible de fournir pour des raisons intéressées, leurs promesses d’un retour aux traditions d’un Afghanistan heureux, ne seront pas tenues.

L’histoire ne s’arrête pas à Kaboul. Si nous comprenons mieux le sens de cette victoire et en retenons les leçons, les malheureuses victimes des horribles attentats perpétrés par les talibans pendant des années, mais aussi les soldats gouvernementaux et américains tombés face aux combattants islamistes, ne seront pas morts pour rien.

Pierre Rigoulot

(crédit photo : https://www.flickr.com/photos/camafghanistancam/4423410154)

16 Août 2021


Qui sème le vent récolte la tempête

Une fois de plus, le Hamas, l’organisation palestinienne islamiste qui dirige Gaza, tire des milliers de missiles sur Israël.

Il n’est pas utile de chercher l’origine de cette poussée de violence (conflits immobiliers à Jérusalem-est ou autres), ni de désigner ceux qui en porteraient la responsabilité (manifestations d’utra-orthodoxes juifs, pierres jetées contre eux, ou intrusion par l’armée israélienne dans la mosquée d’al Aqsa). La vérité est que le Hamas veut « la peau » d’Israël et que si certains Palestiniens sont favorables à la coexistence de deux Etats, ( une solution qui ne sera pourtant viable qu’une fois mis sur pied un système garantissant que l’Etat palestinien ne pourra servir de base au terrorisme anti-israélien), le Hamas, lui, n’en veut qu’un : le sien, les Israéliens étant rejetés à la mer.

Les réactions de l’opinion publique, des médias et des politiques sont dans l’ensemble frileuses – n’a-t-on pas déjà assez de problèmes, pense-t-on ? Certains journalistes parlent explicitement d’« attaques des islamistes du Hamas », voire même soulignent les avertissements préalables lancés par l’armée israélienne aux Gazaouis pour que ses frappes ne fassent pas de victimes. Mais depuis qu’on est rassuré sur le sort immédiat d’Israël qui tient, malgré les milliers de missiles lancés contre elle, malgré les heurts opposant des Juifs et des Arabes d’Israël, et qui frappe à son tour sans relâche le territoire ennemi, domine une approche surtout compassionnelle, se contentant souvent d’indiquer le nombre de victimes et de souligner parmi elles la présence de femmes, et d’enfants.

La violence islamiste récolte ce qu’elle a semé. : l’horreur d’une guerre qu’on pourrait décrire d’ailleurs plus avant : combien de combattants du Hamas sont en train d’étouffer peu à peu dans des souterrains effondrés ?

Le Hamas fait le malheur des Palestiniens qu’il tient sous sa coupe. Et Israël est dans son droit quand il cherche à détruire les capacités de nuisances du Hamas, ses centres de commandement, des bases de lancements de missiles, ses souterrains. Il fait leur malheur et c’est ce que pensent nombre de pays arabo-musulmans, favorables à une solution négociée comme le montre la reconnaissance diplomatique récemment décidée par plusieurs d’entre eux.

(crédit photo : gaza strip | Flickr)

18 Mai 2021


[Point de Vue] L’islamo-gauchisme à la fac et ailleurs – par Pierre Rigoulot

L’islamo-gauchisme fait donc la une des gazettes. Le gouvernement, régulièrement accusé de se contenter de belles paroles et d’actions insuffisantes, comme ce fut le cas après le discours présidentiel de Poissy, est maintenant mis en cause pour ses mots. Il y a ceux qu’il oublie trop souvent, selon la droite, comme « islamisme » par exemple. Leur absence aurait pour fonction, selon ses soutiens, de ne pas « stigmatiser » une partie de la population mais elle a aussi pour conséquence de lui valoir le reproche de lâcheté et pour le moins d’imprécision. On a pu le constater quand une loi sur le « séparatisme » puis sur le « confortement du respect des principes démocratiques » fut préférée à une « loi contre l’islamisme ».

En dénonçant le développement de l’islamo-gauchisme à l’université, Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa évitaient le premier reproche, celui de ne pas nommer l’ennemi, mais se voyaient mis en cause (par la gauche, surtout) pour le flou, l’inadaptation, voire l’origine politique du terme qu’ils employaient, celui d’ « islamo-gauchisme », par lequel ils pensaient désigner la complaisance, le rapprochement, voire l’alliance tout particulièrement dans les milieux universitaires d’une certaine extrême-gauche avec l’islamisme politique.

Huit cents enseignants et chercheurs de l’enseignement supérieur signèrent en réponse à ces mises en cause ministérielles un texte qui dénonçait la pertinence du terme et l’idée même d’un tel rapprochement : sorti des tiroirs d’une pensée d’extrême droite, l’« islamo-gauchisme » n’avait aucune légitimité scientifique. Il disait mal, en somme, ce qui n’existait pas. Pour les signataires, il n’y avait ni complaisance ni rapprochement et encore moins d’alliance de la gauche militante et radicale actuelle avec l’islamisme.

Les éclaircissements n’ont pourtant pas tardé de la part des défenseurs de l’utilisation de cette notion (il y en a, hors le gouvernement !), éclaircissements tant sémantiques qu’historiques. L’alliance entre révolutionnaires bolcheviks et musulmans hostiles à l’Occident ne date pas d’aujourd’hui : elle a été théorisée, développée et défendue il y a une centaine d’années, au Congrès de Bakou, congrès dit « des Peuples d’Orient », entièrement mis sur pied par l’Internationale communiste. L’islam, comme toute religion, restait aux yeux des communistes une illusion renvoyant dans un monde imaginaire la réalisation de la paix et de la justice entre les hommes. Mais, étant un système de croyances partagé par nombre de colonisés du monde capitaliste, l’islam devait être perçu aussi et surtout, dans cette conjoncture, comme une religion opprimée qui devait en conséquence bénéficier de l’aide des révolutionnaires. Ceux-ci partageaient – et partagent encore aujourd’hui – avec ses propagateurs les plus radicaux l’hostilité aux pays « impérialistes ». Après André Senik dans Histoire & Liberté, on peut citer l’étude historique de Matthieu Renault, L’empire de la révolution – Lénine et les musulmans de Russie, Pour le Chef des bolcheviks, « l’islam, en tant que religion d’une nationalité opprimée, devait elle-même être considérée comme une religion opprimée – thèse qu’allait bientôt retrouver et approfondir le militant bolchevique tatar Mirsaid Sultan Galiev. »1

Selon ce dernier (et ce n’était pas une simple opinion, Sultan Galiev étant un cadre communiste important , lié à Staline, « on accèderait à la société communiste en terre d’islam par la révolution nationale et le « djihad », par la lutte contre les impérialistes … »

L’islamo-gauchisme a donc bel et bien existé et s’afficha officiellement un temps.2 Reste à savoir s’il existe encore aujourd’hui en France et notamment dans ses universités. Pierre-André Taguieff a utilisé ce terme, il y a plus de vingt ans, pour désigner le rapprochement qu’il constatait entre certains courants d’extrême-gauche et l’islamisme politique dans le soutien à la cause palestinienne et dans l’hostilité à (le mot est faible : la volonté de destruction de) l’Etat d’Israël. Sans doute, le « gauchisme » que vise Taguieff n’a pas chez lui le sens péjoratif que Lénine lui donnait pour désigner des militants incapables de souplesse tactique. En parlant d’islamo-gauchistes, Taguieff désignait des courants d’extrême gauche ennemis de la démocratie libérale, opposés en l’occurrence à la critique de l’islam car désireux d’associer à leur combat global certains courants parmi les islamistes politiques. L’idée d’une convergence possible, voire d’une alliance volontaire entre les islamistes politiques et les « gauchistes » (au sens où en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis on parle de leftists, c’est-à-dire de militants de gauche et où en France, on distingue la gauche « classique » des gauchistes, méprisant la démocratie parlementaires et rejetant l’économie capitaliste) est bien présente aujourd’hui comme elle l’était hier au début des années 1920. L’expression d’islamo-gauchisme reste même valable pour désigner une certaine passivité face à la religion musulmane elle-même qu’on s’interdit de pouvoir critiquer, tournant le dos – fait gravissime – à des siècles d’exercice de la pensée critique et libre.

Comment ces militants d’extrême gauche justifient-ils ce rapprochement ? L’islam serait à leurs yeux  « la religion des pauvres » ou des « exclus », des « damnés de la terre » opprimés par l’impérialisme, susceptibles de remplacer un prolétariat occidental peu à peu diminué en nombre et aux aspirations révolutionnaires de plus en plus réduites. Cette dernière idée, soulignée par le conflit sino-soviétique et active dans le tiers-mondisme des années 1960, est aujourd’hui complétée par une nouvelle sensibilité hostile au racisme, se manifestant par la dénonciation de la poursuite d’une conception colonialiste des rapports avec les populations immigrées et par une certaine compréhension sinon approbation de la lutte radicale menée par les islamistes politiques. Sans doute, les gauchistes n’applaudissent pas ouvertement aux actions terroristes. Mais celles-ci sont considérées comme de mauvaises réponses ou des réponses maladroites à l’agression permanente subie par les musulmans, victimes par exemple en France d’un racisme d’Etat, d’une islamophobie rampante et de « discriminations systémiques ». L’islamisme politique qui s’y oppose serait ainsi porteur d’un « potentiel révolutionnaire » justifiant que l’on puisse passer des alliances avec certains de ses militants.

On peut même souligner, comme le fait Pierre-André Taguieff, un point commun aux islamistes et aux révolutionnaires d’extrême gauche qui rend plus plausible encore ce terme d’islamo-gauchisme : il constate chez les deux catégories de militants un vécu analogue, une certaine « préférence pour l’extrémisme », une certaine communauté de perception de notre réalité sociale, jugée « intolérable » et une aspiration à un monde juste, pour ainsi dire purifié, sans discriminations – substitut de la « société sans classes » ;–il souligne aussi la même propension même propension à idéaliser le sacrifice de soi pour une grande cause, qui nourrit l’admiration pour l’héroïsme révolutionnaire projeté sur la mort en « martyr » de l’islamiste politique. Voilà cerné un nouveau rapprochement, plus affectif, plus « moral » que les précédents.

Le terme d’islamo-gauchisme n’est donc ni une invention de l’extrême droite ni une catégorie particulièrement confuse, en tout cas elle ne l‘est pas plus que ne l’est « populisme » ou « complotisme », voire même « fascisme » ou « racisme », et il l’est certainement moins qu’« islamophobie ». Sans doute, comporte-t-il sa part d’obscurité comme tant d’autres catégories politiques et il faut continuer à l’évaluer, à le circonscrire et à l’utiliser prudemment, comme toutes les catégories politiques. Pourquoi, dans ces conditions, Le Monde dans son éditorial du 20 février 2021 affirme-t-il qu’il s’agit d’une «notion aussi hasardeuse que fourre-tout» ?

Bien au contraire, nous l’avons vu, historiquement, factuellement, et psychologiquement, cette expression d’islamo-gauchisme fait sens.

C’est l’université qui a été plus particulièrement désignée du doigt par Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, comme lieu d’épanouissement particulier de l’islamo-gauchisme. Il nous faut donc passer maintenant des lieux et des thèmes de « La France insoumise » et du NPA en général à ce qui se passe spécifiquement dans les universités. Là, les protestations du milieu ont été importantes (pas moins de 800 personnes, nous l’avons déjà souligné, ont signé un appel à la démission du Ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal) et elles ne visaient pas seulement à nier l’existence de ce que pointaient du doigt les Ministres. On pouvait aussi constater un ton extrêmement violent dans ce texte (qui accusait entre autres Frédérique Vidal d’ « ânonner » ses critiques). Voilà qui montrait que les signataires avaient été piqués au vif. Même si « islamo-gauchisme » n’est pas une expression légitime, comme ils le prétendent, elle désigne une réalité problématique qu’il convient de détailler pour elle-même, même si la vieille revendication universitaire d’être un espace d’autonomie de liberté et de refus des contrôles doit être pour quelque chose dans cette vivacité du discours des enseignants et dans l’importance numérique des signataires. Ces « libertés » semblent menacées, la Ministre souhaitant « enquêter » sur le développement de cette idéologie au sein de l’Université.

En fait, même sans tenir compte des réactions aux « menaces » contre les libertés traditionnellement accordées aux campus, l’accusation a tapé dans le mille : l’islamo-gauchisme anime un grand nombre d’enseignements et de recherches qu’il faut préciser ici. Bien des « chercheurs » ou des « enseignants-chercheurs » sont des militants décoloniaux, indigénistes et pseudo-antiracistes, pro-islamistes et parfois même antijuifs, comme l’explique Taguieff, qui craignent que soit établie la médiocrité de leurs prétendus « travaux scientifiques » et dévoilées leurs actions d’endoctrinement et de propagande dans le cadre de leur enseignement ou sous couvert de colloques ou de séminaires militants. Leur confusion – volontaire, il faut le noter – entre recherche et combat idéologique les amène à refuser la liberté d’expression à leurs contradicteurs au sein du champ universitaire. Jetant aux orties les libertés académiques qu’ils revendiquent si fort face aux tentatives de contrôles, ils n’hésitent pas à empêcher les conférenciers dont ils n’aiment pas les idées de les exprimer librement .

Ce terrorisme intellectuel est clairement assumé par beaucoup, et même justifié « théoriquement » : la « cancel culture », prônée sur bien des campus américains, soutient qu’il faut annuler, supprimer (to cancel) la voix des ses adversaires. Paradoxalement, souligne encore Taguieff, on constate une inversion des accusations : les censeurs jouent les censurés, les destructeurs des libertés académiques prétendent les défendre, les vrais maccarthystes que sont les partisans du « woke » et de la « cancel culture » osent traiter de « maccarthystes » les défenseurs de la liberté d’expression.

Non seulement les adversaires n’ont pas à s’exprimer, mais ils devraient battre leur coulpe. Dans la pensée anhistorique qui est celle de nos islamo-gauchistes, une Faute morale a été commise avec la colonisation. Et tel le pêché originel, elle marque toutes les générations postérieures. Les « Blancs » de 2020 sont coupables de ce qu’ont fait les Blancs de 1830 ! Jean-François Braunstein évoque le cas de Houria Bouteldja, une des animatrices du Parti des Indigènes de la République, bien implanté à l’Université. Perçue comme «antiraciste» par de nombreux chercheurs de l’université, elle affirme que même le plus innocent devra quand même assumer « son histoire » depuis 1830. Pour elle, n’importe quel « Blanc », le plus antiraciste des antiracistes, le moins paternaliste des moins paternalistes, le plus sympa des sympas, devra subir comme les autres (…) Demain, il n’est pas dit que la génération qui suit acceptera la présence des Blancs.»

C’est ainsi que le racialisme devient une sorte de racisme à l’envers, les Blancs étant tous coupables, quoi qu’ils fassent ou disent.

Certaines universités, comme Sorbonne Paris-Nord, sont même particulièrement touchées par le prosélytisme islamiste. Ce que ne veulent précisément pas voir certains « gauchistes ». Les théories de chercheurs islamistes comme le Pakistano-américain Talal Asad ou la « spécialiste » du genre, l’Américaine Joan Scott sont leurs grandes références, explique Jean-François Braunstein et permettent d’envisager une « décolonisation de la laïcité » (sic)

Telle est la fourmilière dans laquelle le gouvernement vient de donner un coup de pied ; adepte d’un plaquage simpliste de réalités différentes, ces « indigénistes » et ces « décoloniaux » soutiennent que les immigrés ou leur enfants sont aujourd’hui encore traités en France comme des indigènes : le système colonial perdurerait dans les banlieues françaises.

Le simplisme des accusations, la violence avec laquelle elles sont formulées apportent de l’eau au moulin de ceux qui utilisent l’expression d’islamo-gauchisme et qui pensent être en droit de dénoncer son implantation et sa progression en milieu universitaire. Il y a quelque chose dans leur manière de s’exprimer qui n’est pas sans rappeler la propagande du temps de la Guerre froide. Mme Vidal « ânonne », à lire le texte des 800 universitaires ; le bestiaire communiste était seulement plus exotique. Les hitlériens américains allaient payer pour leurs crimes. Les Blancs se verront interdire d’aller et venir librement pendant des générations.

Il fut même un temps où les communistes opposaient une science bourgeoise et une science prolétarienne. De la même façon, la « vraie » science, c’est la science qui dénonce, qui milite. Elle est même une science du fait qu’elle dénonce et qu’elle milite.

Dans les nouvelles spécialités universitaires : études sur la race, études décoloniales, études sur le genre, l’ennemi (le mâle blanc hétérosexuel) est analogue au bourgeois occidental. Comme ce dernier, il est « essentialisé », c’est à dire que le fait d’être blanc est son identité dominante sinon unique – comme ses victimes le sont aussi et comme l’étaient jadis les prolétaires caractérisés par leur position sociale. La science n’a plus affaire à des objets de recherche : ce qui compte c’est l’adhésion à certains présupposés – hier la mission eschatologique du prolétariat, aujourd’hui le rôle émancipateur des femmes noires et lesbiennes, étant entendu que ne pourront parler de ces sujets que ceux qui sont en accord avec l’approche militante et victimaire de ces études, de la même façon qu’hier ne pouvaient parler de la marche de l’Histoire vers le communisme que les ouvriers « conscients » et de rares intellectuels qui étaient parvenus à se débarrasser de leur gangue bourgeoise.

Comme on le voit, l’islamo-gauchisme ne se réduit ni à une alliance volontaire ni même à une approche naïve de l’islamisme politique par une partie de la gauche et de l’extrême-gauche. C’est toute une nébuleuse qui peut s’associer (elle n’y participe pas nécessairement cependant) aux simplismes du « racialisme » (avec sa détermination de l’individu par la couleur de peau) ou du néo-féminisme agressifs et incompatibles l’un comme l’autre avec la déontologie de l’enseignement universitaire; une nébuleuse qui retrouve aussi un ton et des cibles analogues à ceux du mouvement communiste d’hier, lors de ses phases les plus sectaires.

Pierre Rigoulot

1. Alain Gresh a fait une recension de cet ouvrage dans la revue Politis

2. Quand le parti communiste privilégie d’autres alliances, l’islam est abandonné sans état d’âme : Sultan Galiev est exclu en 1923 et finalement fusillé en 1940.

24 Mar 2021


[Point de Vue] A propos de l’islamo-gauchisme : le concept de lutte des classes est le virus souche qui prolifère et qui mute – par André Senik

S’il est vrai que l’expression islamo-gauchisme mérite d’être analysée et discutée sur le plan sémantique, comme tout néologisme articulant deux termes issus de champs lexicaux différents, elle n’en désigne pas moins très clairement sa cible : ceux qui sont qualifiés de gauchistes non pas au sens péjoratif que Lénine donnait à ce qualificatif mais au sens d’ennemis de de la démocratie libérale se situant sur la gauche de la gauche et qui s’opposent à toute critique de l’Islam auquel ils veulent s’associer dans leur combat global.

Pour ceux qui connaissent l’histoire du mouvement communiste, la réalité historique et politique de cette alliance paradoxale ne tolère pas le moindre doute. Dans les années 20 du siècle dernier, à l’occasion du congrès de Bakou, Lénine en fut le premier défenseur.

Pour répondre à ceux qui récusent l’expression comme n’étant pas un concept scientifique, le mieux est de convoquer à la barre des témoins des partisans assumés de cette ligne politique marxiste-léniniste.

J’en ai repéré un dans la livraison de novembre 2020 des Nouveaux Cahiers du Socialisme. Il s’agit de Matthieu Renault, qui vient de publier L’empire de la révolution – Lénine et les musulmans de Russie. À la question  » Y a-t-il eu, chez Lénine, des différences dans la façon d’aborder les préjugés religieux orthodoxes et musulmans ? », il répond. « Oui clairement. La différence fondamentale à ses yeux peut être résumée simplement : l’islam, en tant que religion d’une « nationalité » opprimée, devait elle-même être considérée comme une religion opprimée – une thèse qu’allait bientôt retrouver et approfondir le militant bolchevique tatar Mirsaid Sultan Galiev. »

Dans la même interview, on peut lire plus bas :  « Peu de temps après la publication de mon petit livre sur Lénine, Alain Gresh en a fait une recension dans la revue Politis, sous le titre « Lénine, précurseur de l’islamo-gauchisme ». Pour ne rien cacher, j’ai pensé qu’il avait dit tout haut ce que j’avais pensé tout bas, ou presque, puisqu’il y a bien une référence à l’« islamo-gauchisme » dès la première page du livre (…). »

Si le concept ainsi assumé n’apparaît toujours pas assez clairement à certains intellects, l’illustration ci-dessous pourra peut-être ouvrir quelques yeux.

André Senik

Quand les communistes d’Iran se rallièrent à Khomeiny par hostilité aux États Unis, ils firent preuve d’un islamo-gauchisme caractérisé.

Quand Michel Foucault fit comme eux, il confirma la validité de l’expression.

Quand Edwy Plenel, Emmanuel Todd et Jean-Luc Mélenchon défendent les Musulmans qui seraient les damnés de la terre d’Occident, ils sont des islamo-gauchistes, c’est-à-dire les idiots utiles de l’islamisme qui est anti-occidental comme eux, bien que tout le reste les oppose.

La véritable difficulté de l’expression forgée par Pierre-André Taguieff ne réside d’ailleurs pas dans la compréhension du concept – dans la définition que ses utilisateurs lui donnent – mais dans son extension, dans son application à des courants qui ne se revendiquent ni du gauchisme ni de l’Islam, mais qui font néanmoins partie d’une même mouvance victimaire agressive et anti-système. Cette mouvance disparate tente de s’unifier en invoquant l’image de l’intersectionnalité.

On ne peut pas apposer l’étiquette d’islamo-gauchistes aux néo-féministes qui mènent la lutte contre tous les hommes, ni à tous ceux qui mènent la guerre contre l’homme blanc hétérosexuel, ni aux islamistes eux-mêmes.

Ce qui permet de les ranger sous une même catégorie c’est leur commun rejet de la société démocratique, républicaine et libérale qu’ils appellent le système.

Tous mènent la guerre sociétale, culturelle et politique contre notre société, contre ce système qu’ils accusent de les dominer. Cette guerre civile, qui est culturelle et politique, est menée sur divers fronts, mais chacun des segments de cette mouvance reprend à son compte la vision de la lutte des classes qui fut conceptualisée par Marx à propos du conflit entre prolétaires et capitalistes.

Le virus souche de la guerre civile se trouve chez Marx, mais il a proliféré et il a muté.

Cela nous invite à rappeler les traits principaux qui caractérisent la lutte de classe du prolétariat selon Marx.

Cas unique dans les classifications, cette classe de la société n’existe que par son antagonisme avec celle qui l’exploite.

les membres d’une classe sociale en lutte sont entièrement déterminés par cette appartenance.

Ils n’ont rien en commun avec les autres classes et donc avec les autres humains : ni intérêts réciproques, ni intérêt général, ni patrie, ni culture, ni langage.

La société de classes qui se présente comme une association n’est en réalité qu’un théâtre d’une guerre civile sans merci et sans compromis.

l’État, le Droit, la culture, les institutions ne sont QUE des instruments au service de la classe exploiteuse et dominante.

La classe des prolétaires ne se bat pas pour l’abolition de privilèges, pour de nouveaux droits, pour l’égalité ou pour la justice, au nom d’une conception universaliste des droits des humains. Elle revendique la dictature totale et la disparition de son autre.

La classe révolutionnaire traite les autres idées que les siennes comme des ennemis avec lesquels on pratique la lutte des classes.
Enfin, quand la classe des exploités recourt à la violence, c’est par principe et toujours en réponse à la violence que la société exerce sur les exploités, que cette violence soit physique ou mentale.

Les différents segments de la mouvance qui mène une guerre culturelle contre la société démocratique reprennent à leur compte cet antagonisme total et radical qui caractérise le paradigme marxiste de la lutte des classes, tout en l’appliquant à d’autres domaines de lutte.

Le virus marxiste a viré en ceci : le critère marxiste de l’exploitation du travail a été remplacé par celui d’une domination imputée au système; la prolifération du virus à des segments totalement hétérogènes aboutit à une intersectionnalité illusoire des ennemis de la société démocratique, républicaine et libérale.

Les trotskistes du NPA peuvent laisser les filles portant le voile islamique faire de l’entrisme au sein de leurs organisations, cela ne rapprochera pas ces musulmanes respectueuses de la charia de la vision du monde trotskiste. Cela ne fera pas naître le mythique front commun – dont les trotskistes rêvent sans jamais se réveiller- unissant dans la lutte les néo-féministes radicalement misandres et les jeunes filles voilées radicalement musulmanes.

L’alliance des gauchistes avec l’Islam et les autres foyers révolutionnaires ne peut être que négative : une seule détestation , la démocratie libérale. Elle produit de l’anomie et ne peut déboucher sur aucun projet alternatif de société.

Si le virus déconstructionniste qui nous est revenu des universités américaines parvenait un jour à désagréger nos sociétés, ce ne serait ni l’islam ni le gauchisme qui ramasseraient la mise.

Quelles mesures barrières peut-on opposer à ce virus mutant et polymorphe?

À la lumière de notre expérience du communisme, nous devons défendre sans inhibition notre société, parce qu’elle est celle qui proclame et promeut plus que toute autre dans le monde et dans l’histoire les droits des groupes qui prétendent que cette société les domine et les discrimine.

Les progrès de toutes sortes que notre société doit accomplir pour éviter l’aggravation de toutes les frustrations, elle doit et elle peut les accomplir sur la base de ses propres principes.

3 Mar 2021