La France selon Zemmour-Zelig
Zemmour veut rendre à la France sa pureté catholique en la débarrassant des musulmans qui l’envahiraient dans le but planifié de l’occuper et de l’islamiser intégralement.
Il faut voir dans ce programme épurateur un hommage implicite à une épuration menée dans un dessein comparable, en Espagne, par Isabelle la catholique et Ferdinand III, immédiatement après l’achèvement de la Reconquista au détriments du dernier royaume musulman en Espagne.
Quand Éric Zemmour reprend à son compte, sans toutefois le mentionner, ce programme national-catholique d’épuration, il prouve qu’il ne tient pas rigueur à Isabelle la catholique d’avoir expulsé non seulement les musulmans, mais les Juifs d’Espagne, ses ancêtres, en 1492, et d’avoir persécuté sans pitié ceux des Juifs qui feignaient de se convertir au catholicisme tout en restant juifs en cachette.
C’est en tout cas sans doute grâce à cette « épuration » impitoyable qu’Éric Zemmour est né de parents juifs vivant dans Algérie française.
Éric Zemmour n’en veut pas non plus aux antidreyfusards qui condamnèrent un capitaine juif français innocent, parce qu’ils agissaient, dit-il, dans l’intérêt de l’armée française. Un intérêt national que Zemmour, adepte fervent de la real-politik et de la raison d’État, place au-dessus des droits de l’homme et de toute considération morale ou juridique.
Éric Zemmour prend ainsi le contrepied des Juifs qui, comme les parents d’Emmanuel Levinas, vinrent en France parce qu’elle était le pays qui s’était dressé pour innocenter un Juif.
À chacun sa France.
Mais Zemmour, pas rancunier pour deux sous, n’en veut pas non plus à l’État français de Vichy d’avoir abrogé le décret Crémieux, qui en 1870 avait attribué « la citoyenneté française aux Israélites indigènes » c’est-à-dire, sans dire le mot juif, aux Juifs d’Algérie. Suite à l’abrogation de ce décret par le gouvernement de Vichy le 7 octobre 1940, les « Israélites d’Algérie » redevinrent des Juifs, et leur sort fut aggravé par l’application sur ce territoire des multiples interdictions imposées par la loi portant statut des Juifs du 3 octobre 1940.
Il fallut attendre l’après seconde guerre mondiale pour qu’en France le mot Juif cesse d’être soit banni soit injurieux, pour qu’il acquière droit de cité et honorabilité dans le vocabulaire de la République française.
De nos jours, en France, on peut se dire Juif et Français, dans les deux sens.
Éric Zemmour, nostalgique de la France d’avant, a choisi de se définir dans la France d’aujourd’hui en tant que Français de confession israélite, et pas comme un Français juif ou un Juif français.
L’idée qu’un être humain puisse provenir de deux histoires et se reconnaitre dans une double appartenance lui parait aussi contradictoire qu’un cercle carré. Pour lui, s’assimiler c’est « changer d’arbre généalogique ».
Pour le dire autrement, s’assimiler, selon lui, ce n’est pas assimiler la culture du pays d’accueil sans renier son passé : c’est être assimilé, comme un aliment qui a été ingéré et métamorphosé. S’assimiler, c’est faire un trou dans son passé et s’infliger une sorte de trépanation.
Si les Juifs s’étaient assimilés au sens que Zemmour donne à ce terme, le peuple juif n’existerait plus.
On voit qu’Éric Zemmour ne se noie pas dans les nuances et la complexité. Son discours est carrément carré.
C’est là sa force.
Mais c’est aussi sa faille.
Son choix de s’identifier publiquement en tant que « Français de confession israélite », l’oppose au choix du cardinal Lustiger, qui, lui, se revendiquait comme un Français juif de confession catholique.
Pourquoi ?
Mais pourquoi le « Français israélite » Zemmour n’en veut-il pas à ceux qui ont persécuté les Juifs au nom de la pureté catholique de leur pays ?
Pourquoi les blanchit-il?
Certains commentateurs ont allégué le syndrome de Stockholm, qui pousse les victimes à prendre le parti de leurs bourreaux pour s’imaginer être du côté du manche.
D’autres ont cherché la clé de ce rejet de sa judéité originelle dans l’aspiration à échapper à la dangereuse condition qui est celle des Juifs de la diaspora, en jouant la carte de l’autodissolution par assimilation intégrale.
Ce fut déjà le pari avant 1933 de nombreux Juifs allemands qui se voulurent plus allemands que les Allemands de souche. On connait la suite.
On trouve d’ailleurs une illustration de cette assimilation forcenée chez l’un des meilleurs spécialistes de l’âme juive, Woody Allen.
Le personnage qui porte le nom de Zelig dans son film éponyme est un homme-caméléon, capable de prendre totalement l’apparence des individus avec lesquels il est en relation. En présence de gros, il devient gros ; à côté d’un noir, son teint se fonce ; parmi les médecins, il fait comme s’il avait travaillé à Vienne avec Freud, et ainsi de suite. Jusqu’à ce que le spectateur du film le retrouve à l’époque de l’Allemagne hitlérienne, à une tribune dans le rôle d’un nazi forcené et vociférateur.
Heureusement pour lui, Zemmour n’est pas un Allemand d’origine juive des années 30 et 40, et sa pathologie assimilationniste ne le métamorphosera pas en nazi.
Mais cette pathologie aide à comprendre que notre Zelig-Zemmour reprenne à son compte le combat purificateur d’Isabelle la catholique, cette fois contre les musulmans. Qu’il justifie les Français antidreyfusards. Qu’il remercie l’État français de Vichy de n’avoir collaboré à la Shoah qu’en maintenant autant que possible les déportations de Juifs de France dans les limites de la préférence nationale pour les Juifs français. Et finalement qu’il conteste leur nationalité française aux enfants juifs français assassinés en France et enterrés en Israël.
La raison en est que, aux yeux de ce Français de confession israélite, les Juifs de France ne peuvent simplement pas être à la fois, et sans contradiction aucune, et Français et Juifs.
À partir de cette alternative imposée, que réserve son programme d’assimilation intégrale – un modèle qu’il oppose au modèle d’intégration sans déni des origines- à tous les Français non juifs dont les ascendants sont, eux aussi, venus d’ailleurs, chargés de leur histoire et de leur mémoire ?
Son modèle d’assimilation intégrale et exclusive leur propose d’effacer toutes les traces de leur passé, d’adopter les Gaulois pour seuls ascendants, et le catholicisme pour seule origine culturelle de leur identité française.
Voir par exemple ce qu’il propose aux musulmans vivant en France et qui voudraient y demeurer. Zemmour ne leur demande pas de s’adapter à la France des Lumières, à la France des droits de l’homme, à la France de la République et de la modernité, en laïcisant et en sécularisant leur appartenance religieuse. Il leur tend généreusement une main hospitalière, sous la condition, précise-t-il, qu’ils « s’assimilent » intégralement et exclusivement à la France catholique, en « christianisant », c’est le mot qu’il a choisi, leur mode d’appartenance à leur religion
Si Zelig-Zemmour devenait Président, et s’il tenait parole sans fléchir, il pourrait mettre en application la définition de la France qu’il dit emprunter à De Gaulle : » Un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
En application de cette définition de la France éternelle, les Juifs de France pratiquants redeviendraient des israélites. Les Juifs de France non croyants ne seraient plus des Juifs. Les musulmans de France devraient se christianiser. Quant aux Asiatiques de France, ils devraient au minimum se blanchir et se convertir à une religion chrétienne.
Pour inaugurer son élection par un geste symbolique, le Président Zemmour pourrait déchoir de la nationalité française, , en grande pompe et en leur arrachant leurs décorations, et Joséphine Baker, qui chantait « j’ai deux amours, mon pays et Paris« , et Charles Aznavour, qui, tout en chantant dans la langue de Molière, accepta d’être l’ambassadeur officiel de l’Arménie à l’Unesco.
Telle est son idée de la France.
On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenus.
André Senik
Cher André, j’ai lu, un peu ahuri, ton article sur Zemmour, je n’imaginais pas ça en démocratie occidentale au XXIème siècle, des « idées » archaïques absurdes et simplistes qui vont à l’encontre de tout progrès, de toute évolution constatable, de toute solution pratiquement applicable aux problèmes issus de l’immigration, du moins sans créer des dommages majeurs. Mais j’ai surtout apprécié tes pertinentes références à Zelig de Woody Allen. J’avais vu ce film à sa sortie, jamais un film ne m’avait autant plu et fait rire et à l’époque j’avais été étonné de son peu de retentissement et de son succès mitigé. La différence, c’est que Zemmour, lui, a l’air de se prendre au sérieux ! Il croit vraiment à ce qu’il raconte ? Docteur, une urgence !
Bravo à toi en tout cas !
Pierre Druez
Le courroux d’André
Je suis surpris de voir qu’André Senik adopte la technique de l’amalgame pour marquer sa violente opposition aux idées politiques d’Eric Zemmour. Senik, ancien professeur de philosophie, auteur d’un remarquable essai critique sur Karl Marx (1), plein d’exigence et de rigueur analytique, abandonne néanmoins cette fois ces bonnes habitudes pour se jeter à plat ventre dans une confuse diatribe contre le courageux journaliste et polémiste (2). Senik remet en question les opinions bien connues, lancées sans langue de bois, d’Éric Zemmour sur des sujets comme la liberté, la France, sa perte d’identité, l’islamisme, l’immigration, l’assimilation, le catholicisme, le grand remplacement, etc.
Mais cette fois, Senik s’avance avec une facilité déconcertante dans la méthode de la reductio ad hitlerum, usant et abusant de la conjecture et du langage subliminal. Rien ne manque à sa harangue. Zemmour serait, nous dit-il, un «épurateur impitoyable », un agent du « national-catholique d’épuration » et un «nostalgique de la France d’avant ». Senik invente que « S’assimiler [selon Zemmour] c’est faire un trou dans son passé » et « s’infliger une sorte de trépanation » (comme celles du Dr. Mengele ?). Et, enfin, Zemmour serait une espèce d’exterminateur de Juifs. Voici la phrase atroce de Senik: « Si les Juifs sont assimilés au sens que Zemmour donne à ce terme, le peuple juif n’existerait plus. »
Dans son article, André Senik martèle quatre fois le mot «épuration». Il reproche au polémiste sa « pathologie assimilationniste ». Tout cela est excessif et motivé par une haine sans fard.
Tout en essayant de nous faire croire qu’il manie « les nuances et la complexité », André Senik fait dire à Zemmour ce qu’il n’a jamais dit et prend comme des faits des phrases inexistantes.
Tente-t-il de s’inscrire dans la course aux fadaises prononcées, il y a quelques semaines, par BHL et par le grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui affirmait – en clivant encore plus la communauté juive de France- que Zemmour était « antisémite certainement, raciste évidemment » ? Prenant comme un signal ces fariboles, les « bien-pensants » et les progressistes se liguent et essaient de faire boule de neige contre le pre-candidat conservateur, la révélation politique de l’année. Ils ne font pas cela sans réinstaller, aux yeux de tous, une machine staliniste de désinformation et de liquidation « des ennemis ».
D’une certaine façon, Senik devient le défenseur, par contrecoup, de causes rétrogrades. Par exemple, il déplore, dans sa diatribe, la chute du « dernier royaume musulman d’Espagne », et fulmine contre l’admirable action d’Etat d’Isabelle la Catholique.
Il nous dépeint un Zemmour qui n’existe que dans sa tête. Il le présente comme un « impitoyable épurateur », comme un être obsédé par une seule chose : une supposée « pureté catholique », pour laquelle il expulserait « les musulmans » et « les Juifs de France ».
Et ce n’est pas tout. Senik croit savoir que « le Président Zemmour pourrait déchoir de la nationalité française, en grande pompe et en leur arrachant leurs décorations, à Joséphine Baker, qui chantait ‘j’ai deux amours, mon pays et Paris’, et à Charles Aznavour ». On frôle la paranoïa.
Etrange manière de débattre : appelant à la dramatisation, ou plus exactement à un catastrophisme digne de réalisateurs de fictions comme Mimi Leder et Matt Reeves.
Non, cher André Senik, pour s’engager contre les idées d’Éric Zemmour, il faut respecter au moins une règle d’or: citer méticuleusement ses textes et déclarations. Vous ne le faites pas. Vous vous contentez d’interpréter et de simplifier cette pensée, afin de pouvoir tirer les conclusions les plus aberrantes.
Senik demande : «pourquoi le ‘Français israélite’ Zemmour n’en veut-il pas à ceux qui ont persécuté les Juifs au nom de la pureté catholique de leur pays ? ». Où est le paragraphe ou la déclaration exprimant cette position?
La préoccupation d’André Senik semble tourner autour de la vieille question de l’assimilation et de ses effets sur les Français de confession juive et, à présent, sur les musulmans. Il prétend que Zemmour exige, aux uns et aux autres, l’assimilation « intégralement et exclusivement à la France catholique ».
Rien de tel. Zemmour n’a jamais mené bataille contre les « Français juifs » ni les « Juifs de France ». Au contraire, il combat la brutale remontée de l’antisémitisme, d’origine islamiste, et ses sanglants effets en France et en Europe. Zemmour, ne sort pas de la doctrine française traditionnelle et des principes du constituant Clermont-Tonnerre de soumettre la loi juive au Code Civil (et pas à la France catholique) et il dit que cette doctrine devrait être appliquée également vis-à-vis des musulmans: « Il faut refuser tout aux Juifs comme nation et accorder tout aux Juifs comme individus ; il faut qu’ils ne fassent dans l’Etat ni un corps politique ni un ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens. »
Senik semble incommodé par ce vieux principe français. Aussi par les exigences du Premier Consul Bonaparte au Sanhédrin, en 1807, et par les modifications aux dogmes de l’islam –sur l’égalité homme-femme et la laïcité–, exigées par le ministre de l’Intérieur Chevènement en 1997. Idem sur la caractérisation de la France du général de Gaulle : « Un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
En prétendant polémiquer avec Zemmour, Senik détourne, en réalité, les propos de Clermont-Tonnerre, en disant : « Zemmour ne leur demande pas [aux musulmans vivant en France ] de s’adapter à la France des Lumières, à la France des droits de l’homme, à la France de la République et de la modernité, en laïcisant et en sécularisant leur appartenance religieuse. Il leur tend généreusement une main hospitalière, sous la condition, précise-t-il, qu’ils ‘s’assimilent’ intégralement et exclusivement à la France catholique, en ‘christianisant’, c’est le mot qu’il a choisi, leur mode d’appartenance à leur religion. »
Et de conclure : « En application de cette définition de la France éternelle, les Juifs de France pratiquants redeviendraient des israélites. Les Juifs de France non croyants ne seraient plus des Juifs. Les musulmans de France devraient se christianiser. Quant aux Asiatiques de France, ils devraient au minimum se blanchir et se convertir à une religion chrétienne. » Ainsi, Senik, par un insolent tour de passe-passe, transforme l’assimilation en conversion religieuse, en un procès de «christianisation» massive. Or, cela n’est aucunement la vision d’Eric Zemmour. Mais faire croire que cela est un fait avéré –comme font ceux qui l’accusent de « réhabiliter Pétain », par exemple-, fait partie de la stratégie des petits et grands coups bas que l’islamo-gauchisme pratique pour tenter de démolir ses adversaires sans discuter le fond des choses.
Je déplore de voir André Senik, admirable analyste et fin observateur, se laisser entraîner par les fureurs des contempteurs d’Eric Zemmour. De sa part, j’espérais pouvoir une nouvelle fois voir sa puissante capacité de recul se mettre en œuvre et reconnaitre à Zemmour une sincérité et un courage dont les hommes politiques actuels nous ont privés depuis trop longtemps.
(1) Marx, les Juifs et les droits de l’homme (Denoël, Paris 2011).
Eduardo Mackenzie
Cher Eduardo
Merci pour ce mélange d’éloges et de critiques.
Le mot « courroux » me convient.
Et en deçà des arguments, en voici la réponse de fond.
Je suis un Juif intégré et un Français juif assumé comme tel
Je n’ai aucune nostalgie pour a longue histoire de la France républicaine fidèle à Rousseau et à Clermont-Tonnerre , pendant laquelle les Juifs ne pouvaient être désignés et reconnus que comme des israélites, c’est-à-dire par leur confession.
Les antisémites (dont Marx) ont eu cet unique mérite de révéler que c’est la judéité qu’ils haïssent. Cette judéité, cet héritage, et l’appartenance au peuple juif; sont un patrimoine que je refuse d’effacer rn m’assimilant sans reste.
Je me proclame Juif français à 100% et Français juif à 100% comme le cardinal Lustiger et pour les mêmes raisons.
C’est pourquoi je me bagarre depuis des années avec certains de nos amis les plus proches en faveur de l’intégration à la culture français, au sens le plus large du mot culture, et contre le modèle assimilationniste.
Je suis très favorable à l’existence du CRIF qui est effectivement incompatible avec le principe de Clermont-Tonnerre/
Je souhaite qu’on offre et qu’on fasse accepter ce modèle d’intégration aux nouveaux venus des autres cultures, en exigeant d’eux qu’ils renoncent seulement à ce qui est incompatible avec la culture de leur pays d’accueil.
C’est pourquoi je prends pour exemples de cette intégration Joséphine Baker et Charles Aznavour.
Deux choses dites par Zemmour suffiraient à provoquer mon courroux.
1° Il a reproché à De Gaulle d’avoir soutenu la loi Neuwirth qui légalisa la contraception.
Cette nostalgie de France d’avant-hier me fait horreur.
2° il a critiqué le refus de « commémore »r Maurras.
Or la commémoration est définie comme étant « un type particulier de célébration »
:Voici ce que Charles Maurras à écrit
« Le 9 avril 1935, Charles Maurras écrit dans son journal, L’Action française , à propos de Léon Blum, leader du Parti socialiste : « Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé[…] n’est pas à traiter comme une personne naturelle. C’est un monstre de la République démocratique. Et c’est un hircocerf de la dialectique heimatlos1. Détritus humain, à traiter comme tel[…] . L’heure est assez tragique pour comporter la réunion d’une cour martiale qui ne saurait fléchir. [Un député] demande la peine de mort contre les espions. Est-elle imméritée des traîtres ? Vous me direz qu’un traître doit être de notre pays : M. Blum en est-il ? Il suffit qu’il ait usurpé notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire qu’un acte de naissance, aggrave son cas. C’est un homme à fusiller, mais dans le dos. »
Le fait que Zemmour désinhibe les antidreyfusards me stupéfie.
M’enrage le fait qu’il désinhibe les nostalgique de Pétain (qui aurait eu le mérite de préserver les Juifs francais de la déportation en livrant de bon coeur aux nazis les Juifs étrangers.
Je suis né en 1938 à Paris et je n’ai été naturalisé français qu’en 1947 en même temps que mes parents, qui étaient des Juifs polonais athées et non des Israélites.
Je n’ai pas assez d’humour (juif), je l’avoue, pour trouver des circonstances atténuantes à Pétain.
Les historiens ont le devoir de dire toute la complexité sur cette période, et sur la différence de traitement entre les Juifs français et les Juifs étrangers, mais l’usage politique que Zemmour fait de cette différence est proprement répugnant.
En un mot, je n’ai pas la nostalgie de la France d’avant-hie ni de sympathie pour les amis de Viktor Orban.
Je te salue
André
Bonjour Eduardo,
Je viens de recevoir ton mail à propos du texte d’André et je te donne mon avis, non sur l’ensemble de ton propre texte – avec lequel je ne suis pas d’accord- mais sur deux pointe.
-tout d’abord je suis étonnée de ta virulence qui montre une absence de respect pour l’auteur dont le seul tort est de penser différemment de toi. Je ne trouve pas cela très sympathique malgré le rappel récurrent des qualités intellectuelles manifestées jusqu’ici par André. Il « se jette à plat ventre », il manifeste une « haine sans fard », la référence absurde à Mengelé…Ce n’est pas cela un débat.
-de plus, la question de Pétain et le fait que Zemmour cherche à le réhabiliter ne peuvent être écartés comme tu le fais. Cette réhabilitation est bien dans la pensée de Zemmour qui affirme que Pétain a protégé les Juifs français. C’est une erreur historique. Certes, le fait qu’il y ait eu pendant deux ans une zone non occupée a permis à un certain nombre de Juifs de s’y réfugier, mais ce n’était en rien le but de Pétain de les protéger.Les mesures antisémites d’octobre 1940 puis les suivantes visaient tout autant les Juifs français que les Juifs étrangers. Puis l’obligation qui leur a été faite par le gouvernement de Vichy de se déclarer comme Juifs à la mairie (avec le tampon « juif » sur leur carte d’identité) n’avait pas pour but de les protéger, a au contraire permis de les désigner aux persécutions nazies.
Zemmour, Juif d’Algérie, ne connait pas vraiment la situation en France pendant la guerre et son goût de la provocation l’amène à faire de graves erreurs historiques.
Pour le reste de ton mail, c’est ton opinion, rien à dire, mais je ne crois pas que les Juifs de France soient ravis de voir au premier plan de l’actualité un Juif raciste, c’est une image bien négative.
Florence
J’ai relu l’article d’André et je ne comprends pas bien la virulence de la diatribe – bien écrite – d’Eduardo Mackenzie. Un amour immodéré pour Zemmour ? La nostalgie d’une époque révolue ?
Tout à fait d’accord avec Florence dont j’ai apprécié l’ensemble du texte. J’ajoute que le gouvernement de Vichy a été de son propre chef plus loin que ce que demandait Berlin, qui excluait les enfants de la déportation, c’est Vichy qui a proposé la déportation des enfants aussi. Selon Jean-François Revel (de mémoire mais je ne me rappelle plus où il a écrit ça, longtemps avant la reconnaissance officielle de ces faits), les nazis ont été tellement surpris qu’ils ont mis quinze jours avant de répondre : « Oui » – bien sûr, les nazis, restaient les nazis, ajoutait Revel.
Plus largement, je crois que le grand danger en cours en ce qui concerne les Occidentaux est la haine de soi, l’ignorance et même le rejet et la haine de notre propre Histoire, de notre culture et de notre œuvre de civilisation universelle qui fut et reste bien réelle.
La mauvaise réaction aux menées anti-occidentales est de diaboliser à notre tour , tant l’autre que les mésinformateurs. S’en suivent des contre-réactions etc. , et on n’a plus que fermetures, blocages et chute des échanges dans des polémiques de cours de récré (ou pire !)
Il me parait essentiel d’œuvrer à un enseignement éclairé, serein et ouvert en la matière.
Je crois que les retours aux nationalismes dévastateurs d’antan et l’obsession en vogue de l’identité s’appuient sur l’imaginaire d’une pureté originelle qui n’a jamais existé. Démarche palpable tant chez les racistes inversés à la mode que chez les racistes traditionnels « naturels » et aussi chez les nationalistes nostalgiques d’une « grandeur » mythique.
Tout cela me parait fort archaïque tant sur le plan personnel que sur celui de l’Histoire. Ces aspirations se nourrissent de peurs profondes enfouies en tout un chacun : la peur de se perdre (souvent parce qu’ on ne s’est jamais vraiment trouvé), la peur d’être privé de ses supports familiers d’identification, d’idéalisation et de haine, la terreur inconsciente d’être dévoré et métabolisé si on laisse une culture différente et des idées incompatibles avec les siennes pénétrer son environnement, son entourage et finalement soi-même !
Comme le dit André, s’assimiler c’est assimiler la culture du pays d’accueil sans renier sa culture d’origine.
Les exemples de coexistence pacifique entre religions et cultures différentes au sein d’un même ensemble politique (Empire ottoman, Autriche-Hongrie) ne manquent pas.
De même les exemples d’assimilation réussie sans reniement des origines : aux USA bien sûr mais aussi en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique…
Pourquoi n’en irait-il pas de même avec les musulmans et Africains de France et de Belgique malgré toutes les difficultés bien concrètes auxquelles cette immigration massive nous confronte ?
Détail important : pourquoi continuer à interdire la tenue de statistiques sur l’ethnie, la race, la religion en France et en Belgique ? Par peur de l’instrumentation raciste et de faire le jeu de l’extrême-droite, on se prive de la référence au réel pour prendre les mesures correctrices adéquates en matière d’inégalité et on laisse libre cours à toutes les extrapolations abusives, aux fantasmes et aux rumeurs. Les USA et le Royaume-Uni ne s’ handicapent pas de la sorte et ont le courage de regarder la réalité en face.
Que nous le voulions ou non, nous allons vers un monde supranational et multiculturel universel, nous y sommes déjà pour une grande part. Toute évolution porteuse de mutations génère résistances, crises, retours en arrière mais je crois que rien ni personne n’empêchera le progrès de se poursuivre tendanciellement que ce soit sur le plan dont nous discutons ou les autres (progrès technologiques et économiques) qui entrainent eux aussi de très fortes réactions archaïques. Les revendications nationalistes, régionalistes et religieuses sont des combats d’arrière-garde nuisibles quand elles mettent à mal des démocraties (islamistes, intégristes, Catalogne, Pays basque, Corse, Lombardie… ) mais PAS quand ce sont de simples revendications destinées à pouvoir exercer ses libertés et droits fondamentaux en matière de religion, d’expression, d’information, de circulation et de justice indépendante, ainsi qu’Antoine et Pierre l’ont fait remarquer en distinguant l’action de #Me Too en RP de Chine et en Occident.
Pierre Druez
25 novembre 2021
Cher André,
Je me félicite de constater que dans ta « réponse de fond » à mon article tu abandonnes ton horrible caractérisation d’Eric Zemmour comme un « impitoyable épurateur », comme quelqu’un obsédé par l’expulsion de France «des musulmans » et « des Juifs de France ». Il y a du progrès.
Toutefois, tu arrimes de nouveaux éléments à la controverse, comme Marx, le CRIF, la loi Neuwirth, la condition féminine, ta judéité, Charles Maurras et Viktor Orban, entre autres. Je ne veux pas, excuse-moi, discuter de tout cela et te laisser disperser la discussion dans un foutoir, bien que j’aie des opinions bien affirmées sur ces sujets. Il faut savoir mener et terminer une discussion, camarade, pour parodier l’autre.
Néanmoins, le thème de Maurras et les commémorations m’intéresse, ainsi que tes affirmations sur l’« assimilation sans reste » et l’intégration de « nouveaux venus des autres cultures », comme tu dis, par antiphrase, pour ne pas utiliser la formule immigration incontrôlée, car cela c’est, je pense, le noyau dur de notre conversation.
Tu dis que « Zemmour a critiqué le refus de ‘commémorer’ Maurras » et que cela suffit pour « provoquer [ton] courroux ». Cet épisode est très intéressant. Il est, à mon avis, une curieuse anticipation, en janvier 2018, de l’aberration qui explosera quelque mois après aux Etats Unis sous l’appellation du wokisme/cancel culture.
En janvier 2018, Françoise Nyssen, ministre de la Culture, sous la pression, semble-t-il, des réseaux sociaux, et des injonctions de Manuel Valls et de la LICRA, décide de retirer le nom de Charles Maurras du livre de commémorations d’Etat. Le 5 février, Éric Zemmour, dans une interview de Figaro/Live, critique, en effet, cette décision. Il admet que les propos antisémites de Maurras contre Léon Blum sont d’une « cruauté impardonnable» car ils tombent dans un moment où l’Allemagne nazie « procède à l’extermination des juifs ». Il dit que, pourtant, la République « a le devoir de commémorer (pas forcement célébrer) toutes les figures qui ont marqué la vie intellectuelle de la France, sinon elle risque de dériver vers le sectarisme ».
Je suis d’accord avec cette vision de Zemmour. Ce que tu ne dis pas c’est que Zemmour n’est pas la seule personne qui voit les choses ainsi. Une semaine avant Zemmour, deux historiens –Pascal Ory et Jean-Noël Jeanneney— avaient critiqué la décision de Mme Nyssen à l’égard de Maurras. Dans la même semaine, cinq autres personnalités –Pascal Perrineau, Philippe Meyer, Lucile Schmid, Karl Meus et Jean Christophe Buisson–, déclarent, sur Figaro/Live, être favorables au maintien de Maurras dans la liste de commémorations, en raison de l’importance considérable de celui-ci dans la politique de son temps et parce que la liste de commémorations ne pouvait pas devenir le catalogue des « gens bien » selon une chapelle du moment.
M. Perrineau a évoqué même un détail intéressant : le déserteur Maurice Thorez, le chef « historique » du PCF, avait écrit aussi, à Moscou, en janvier 1940, des « propos ignobles » du même acabit de Maurras à l’encontre de Léon Blum : «agent de l’Angleterre capitaliste », « égoïste jouisseur », « misérable créature », « répugnant reptile », « la hyène Blum », « chien de garde, il aboie à gorge déployée », etc. (1).
Pourtant, le chef staliniste n’est pas l’objet, bien entendu, du châtiment mémoriel infligé à l’heure actuelle à Charles Maurras. Louis-Ferdinand Céline doit-il aussi être banni de l’histoire littéraire de France pour ses pamphlets antisémites? As-tu, André, cédé aux sirènes de cette exécrable mode de la cancel culture ?
Pourquoi ne dénonces-tu pas Thorez et Céline ? Pourquoi ta bronca contre Éric Zemmour est-elle sélective et exclusive? Pourquoi ce deux poids-deux mesures ? Pourquoi te fais-tu violent contre le polémiste conservateur et aveugle face à l’appel au meurtre de Jean-Christophe Lagarde contre Zemmour ? La phrase «Si Monsieur Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête», ne t’a donc pas ému ? Le voyou centriste n’a pas présenté ses excuses (il a regretté uniquement son expression « inappropriée ») et tout le progressisme a vite passé à autre chose. Mais pas Éric Zemmour.
Tu avances que l’assimilation est une « idée terrifiante » et que la seule chose qui aille c’est l’intégration. Pour toi, l’assimilation est « faire table rase du passé » de chaque personne. Dans ta définition de l’assimilation il y a autant d’invention que de fantasme. Pour toi, l’intégration serait « faire sien l’héritage du peuple français ». Toutefois, tu es contre l’interdiction du port du voile islamique à l’université ou du burkini sur les plages, car pour toi ces deux gestes apparaissent comme des libertés individuelles, et seraient donc seulement des « particularismes» et des « phénomènes communautaires » (qui doivent, selon toi, être tolérés dans une société libérale). Tu ne vois pas dans ces gestes ce qu’ils sont : des drapeaux et des symboles d’un système politico-religieux et d’une offensive à long terme qui vise à islamiser la France.
Dans ton long article de décembre 2016 (2), où tu n’abordes pas une seule fois le problème de l’immigration en France, tu dis être d’accord avec le philosophe Etienne Balibar qui défend « le droit des musulmans contre les mesures visant le voile et le burkini », car il, Balibar, estime que « notre société libérale n’aurait pas une identité à défendre ». Porter le voile islamique à l’université ou le burkini sur les plages est-il, pour toi, « faire sien l’héritage du peuple français » ?
Ta vision de « l’assimilation » est aussi inexacte. La France n’a jamais exigé aux Juifs d’« effacer l’appartenance au peuple juif » comme tu l’écris. La loi française n’a jamais exigé l’apostasie, l’abjuration, la conversion, le lavage de cerveaux pour faire l’assimilation. Tu crois à cela, mais tu te trompes. Il y a de nombreuses générations d’immigrés italiens, espagnols, polonais, portugais, qui ont réussi non seulement une rapide intégration mais aussi une assimilation parfaite, sans « s’infliger une sorte de trépanation », pour utiliser ta formule.
Tu estimes que «…en ce qui concerne les musulmans, l’identité à laquelle doivent impérativement s’adapter (…) c’est avant tout l’identité des valeurs libérales, et pas obligatoirement des valeurs ‘nationales’ ou ‘républicaines’ ». Faire cette distinction (artificielle) entre « valeurs libérales » et « valeurs nationales ou républicaines », te permet de résoudre l’équation par une voie imparfaite : en évacuant de l’analyse la civilisation judéo-chrétienne, rien de moins, c’est-à-dire en renonçant à voir quelque chose de fondamental et qui fait partie, en France, des « valeurs nationales » et du socle du roman national.
On devrait dire merci à Éric Zemmour car il a ouvert le débat sur certaines de ces notions importantes, ensevelies pendant des années de soumission vis-à-vis des constructions idéologiques de la gauche. Il a mis sur la table les thèmes qui préoccupent le plus les Français et les acteurs politiques s’engouffrent déjà dans la brèche en ce début de campagne présidentielle.
Eduardo Mackenzie
Je suis d’accord avec toi sur un point : il faut centrer nos propos.
Je vais donc essayer d’être concis;
Je peux néanmoins préciser quelques points de détail
Cela fait soixante ans que j’ai jamais ménagé mes critiques de Thorez et j’eusse été hostile à ce que l’on commémore l’auteur de Fils du peuple (une auto-biographie qu’il a d’ailleurs fait écrire par un « nègre » Jean Fréville).
Je n’ai évidemment jamais donné raison à Balibar, avec lequel je suis en total désaccord depuis nos années étudiantes.
Ce n’est pas moi qui ai défini i l’assimilation comme un renoncement total au passé, c’est Zemmour qui la définit comme un changement d’arbre généalogique. C’est selon moi un déni pathologique
Enfin, je me souviens que plusieurs intellectuels respectables ont souhaité que les Français commémorent Maurras, alors qu’il n’a pas contribué à autre chose qu’au déshonneur de la France.
Ces intellectuels respectables prétendaient que la commémoration n’était pas une célébration.
En quoi ils se trompaient. La commémoration est définie comme une forme de célébration.
Entre commémorer et effacer, il y a place pour éventuellement rappeler et condamner.
Les livres d’histoire dans laquelle ils ont joué un rôle important doivent évidemment parler de Maurras et de Staline et de Hitler et de Pétain. Mais les célébrer, non!
Je veux bien célébrer la loi Neuwirth qui donna aux femmes le droit à la contraception, et rappeler, sans les commémorer les discours de ceux qui regrettent cette loi (dont le PCF qui combattit le « birth control ».
Je crois que nous sommes au clair.
Porte toi bien
André
Aveu d’accablement
Je suis quelque peu accablé par la tournure prise par ce qui devait être un débat sur les affirmations d’Eric Zemmour.
Un animateur central de notre blog, un participant depuis des années aux activités de l’Institut d’histoire sociale, à sa revue Histoire & Liberté, à ses colloques, à ses réunions, André Senik pour ne pas le nommer, a pu ainsi être, par un autre participant à cette histoire, auteur notamment de nombreux articles sur la Colombie dans la même revue, accusé de pratiquer l’ « amalgame », de « rejeter à plat ventre (sic) dans une confuse diatribe », d’ « user et abuser de la conjecture et du langage subliminal », d’ « inventer », d’être « motivé par une haine sans fard » et même – ce sera la touche comique – de « déplorer dans sa diatribe – la chute du dernier royaume musulman d’Espagne » et de « fulminer contre l’admirable action d’Etat d’Isabelle la catholique ».
Pour s’en tenir à la forme, il y a une manière digne, respectueuse, d’échanger des arguments politiques, moraux, historiques, qui émane des valeurs que nous disons tous défendre. Il y en a une autre qui vise à écraser l’adversaire, à le caricaturer voire à le ridiculiser, qui signe une incivilité impropre au cadre démocratique et libéral.
Mais peut-être est-ce là que le bât blesse? André Senik défend, je défends, d’autres défendent dans notre cercle d’Amis d’Histoire & Liberté la démocratie libérale. D’autres, visiblement, défendent l’illibéralisme, une conception de la démocratie qui favorise la conduite incontestable, en tout cas très difficilement contestable, du pouvoir politique. C’est celle de Viktor Orban, apprécié de Zemmour; c’est celle de Vladimir Poutine, défendu par le même Zemmour.
Dans cette conception, l’intérêt de l’Etat, contrôlé par un « leader » et un parti au service de ce dernier, prévaut et tend à rendre impossible l’alternance. Cette chasse aux oppositions se drape ostensiblement dans une posture de défense de l’intérêt national. Ostensiblement mais fantasmatiquement. Car on peut contester le service que rendent à leur propre nation les positions sur l’islamisme, l’identité nationale, l’immigration, les religions, d’un Orban, d’un Poutine, ainsi que celles d’un Eric Zemmour.
Contre l’islamisme, la tentative de constituer un « islam de France » compatible avec les règles de la démocratie libérales me semble respectable. Elle est encore dans les limbes il est vrai, et les conflits entre les musulmans, l’influence qu’ont sur chacune de ces parties mutuellement hostiles, des pays étrangers, rendent cette tâche particulièrement difficile. Mais le renseignement et les opérations policières ne suffisent pas. C’est pourquoi cette tentative de constituer un islam compatible avec nos valeurs politiques, morales et intellectuelles, est appréciable, tout comme l’est l’action contre le « séparatisme », même si l’on sait parfaitement que ce séparatisme n’est qu’un moyen en vue d’une fin : la prise de pouvoir.
On aimerait savoir quelles mesures lui, Eric Zemmour, compte prendre, pour faire reculer l’islamisme politique et pour faciliter l’intégration progressive des musulmans dans la société française- si tant est qu’il la souhaite. Lui prône plutôt l’assimilation, autrement dit la suppression imaginaire, malsaine ou impossible de son arbre généalogique. Et il la prône dans une France qui n’existe pas. Décidément, Zemmour met la barre trop haute pour la majorité de nos compatriotes musulmans.
Pourquoi une France qui n’existe pas? C’est que, pour cerner et défendre l’identité française, il faudrait, ce que ne fait guère Zemmour, reconnaître en même temps et son passé et son évolution et son avenir. La France n’est pas une essence. L’identité de cette société évolue – comme toute société – lentement, avec le temps. Son intégration dans l’Union européenne, son affaiblissement démographique, son besoin de main d’oeuvre, son respect des droits de l’homme qui la conduisent à accueillir les réfugiés et à favoriser les regroupements familiaux conduisent sans doute à des excès et à des tensions, mais aussi à une ouverture nouvelle sur le monde qui l’oblige à repenser ses modèles nationaux et culturels antérieurs.
Un Zemmour ne peut entendre de telles propositions. La France d’hier et la France d’aujourd’hui expriment pour lui une réalité identique, forgée – et confirmée – pendant des siècles par une histoire dont nous devons être totalement et continûment fiers.
En fait, la France d’aujourd’hui se mondialise, comme la plupart des sociétés modernes économiquement développées. Ses fils et ses filles voyagent, se marient avec des étrangers et des étrangères, vivent parfois au loin. Peut-on s’imaginer que dans de telles conditions l’identité du pays pourrait ne pas changer ? Et que le sentiment national, forgé pour beaucoup par les confrontations voire les guerres, puisse rester aussi aigu qu’hier ? S’adapter à nos valeurs, à nos principes et à nos moeurs, est une demande légitime aux nouveaux venus. Mais les valeurs, et surtout les moeurs ( laissons cependant les principes, énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme!) ne sont pas immuables. Il n’y a pas de France éternelle à laquelle il faille s’adapter. Et l’équation, on le voit, est complexe et bien éloignée des simplissimes positions « zémmouriennes » : au moment même où l’acuité du sentiment national s’émousse au contact de l’Europe et du monde, et du fait de près de huit décennies de paix, il convient de faire accepter aux immigrés les valeurs et les moeurs qui caractérisent la France!
Le problème est évidemment autre pour Eric Zemmour qui, désireux de faire coïncider ses fantasmes d’invasion migratoire criminogène et la réalité actuelle, rejette en quelques formules à l’emporte-pièce la Cour européenne des droits de l’homme, la « bureaucratie de Bruxelles », la levée des frontières au sein de l’U.E. et invente un socle catholique unifié où ensuite se fondent – condition sine qua non pour être Français – divers groupes tard venus.
De Clovis sacré roi à Reims à de Gaulle en passant par Louis XIV et Napoléon Ier, tous rappellent, à entendre Zemmour, que les minorités – sexuelles, religieuses, ethniques, venues d’ailleurs ou pas – ne forment pas le socle du pays. Si notre journaliste veut dire qu’elles sont minoritaires, il enfonce une porte ouverte. Et s’il veut dire qu’elles comptent pour rien dans l’identité française en évolution, il se trompe. Tout particulièrement aujourd’hui.
Je ne sais trop si le débat doit continuer. Ce que je sais en revanche, c’est que covid ou pas, flux migratoires ou pas, nous traversons une période difficile : une menace totalitaire chinoise plus une menace totalitaire islamiste, cela fait beaucoup pour un pays et une Europe divisés et contestés de l’intérieur comme de l’extérieur. Et que le temps est plutôt à se serrer les coudes qu’à s’accuser de malhonnêteté intellectuelle.
Pierre Rigoulot