Entretien avec Galia Ackerman, directrice de rédaction de Desk Russie

H&L Chère Galia, vous venez avec quelques amis de lancer Desk Russie. Pourquoi?

GA Nous avions depuis longtemps le projet d’un site consacré à la politique russe, intérieure et extérieure, à la société russe, à sa culture. Une petite équipe s’est constituée autour de ce projet – le trio porteur comprenant Nicolas Tenzer, Nathalie Nougayrède et moi – sans grands moyens mais avec l’idée que si nous proposions des textes de qualité, nous pourrions sans doute trouver des fonds plus tard. Nous n’avions pas les moyens matériels et humains, pour le moment, de créer un site de poids mais nous pouvions au moins créer une newsletter bimensuelle, dont l’utilité nous semble indéniable à un an des élections présidentielles françaises. Nous nous attendons en effet à une politique russe active en France afin de privilégier les candidats qui prôneront une politique plus amicale de la France envers la Russie, un peu comme cela s’est fait aux Etats-Unis…Nous sommes tous bénévoles, mais bien décidés non seulement à dénoncer la politique de Poutine, mais aussi à favoriser la compréhension de ce qu’est le régime de Poutine et le danger qu’il représente pour les démocraties libérales. Cela manque en Europe. Bref, il s’agit de contenir l’influence du régime russe qui passe par le biais de gens comme Schroeder, Thierry Mariani, François Fillon, Karin Kneissl en Europe, et de faire comprendre sa nature

H&L Et vous avez un écho favorable?

GA Oui, certainement. On frôle déjà le millier d’abonnés! Il faut dire que c’est très simple. Pour s’abonner, il suffit d’aller sur le site desk-russie.eu. C’est gratuit. Les textes que nous publions sont rédigés ou traduits en français, mais nous commencerons très bientôt de publier certains de nos textes en anglais.

H&L Et vous comptez aussi toucher la population russe?

GA Pourquoi pas? Certains sites russes d’opposition ont l’intention de commencer à traduire nos articles. Mais l’essentiel est d’informer le public français. Il s’agit d’éclairer l’opinion publique française et francophone sur ce qui se passe en Russie et sur la politique étrangère russe. Malgré toute la répression, Internet marche encore en Russie et ceux qui veulent être informés, sans se fier à la propagande officielle, ont les moyens de le faire.

H&L Les Russes vivent-ils donc dans un cadre informatif différent de celui des Chinois où tout est fait pour former une nouvelle conception du monde ? La question est importante pour les démocraties libérales : elles n’auraient pas alors à adopter la même attitude envers la Russie, dirigée par un quasi-dictateur qui flatte l’orgueil national de la population russe qu’envers la Chine, soumise à un système de parti unique se référant au seul marxisme-léninisme, certes « à la chinoise »!

GA D’où la possibilité d’enfoncer un coin entre les deux alliés hostiles aux démocraties libérales ? Je vous arrête tout de suite : je pense qu’est trop tard. La Russie de Poutine s’est mise à la remorque de la propagande chinoise. On n’y hésite pas à reprendre par exemple la propagande démente de la Chine sur les Ouighours. Vous savez : non, il n’y a pas de camps mais des écoles de rééducation présentées comme des modèles pédagogiques. Outre le bonheur des Ouighours, on parle en ce moment à la télévision russe du centenaire du PC chinois, de l’avenir radieux que les Chinois peuvent espérer sous l’impulsion du Parti communiste qui parachève l’œuvre positive des empereurs pendant les siècles précédents. La Chine et le Russie se sont mises d’accord pour diffuser mutuellement leurs propagandes. Mais l’accord se réalise en fait à l’avantage de la Chine qui ne passe pas tout ce que les Russes leur demandent, loin de là. Certes le régime russe diffère du régime chinois mais je crois que ses dirigeants regrettent de ne pas avoir suivi la voie chinoise après Tiananmen et d’avoir été tentés par la voie occidentale ; ainsi les élites auraient pu s’enrichir plus sûrement en maintenant le contrôle du Parti. D’ailleurs, les amendements constitutionnels récents adoptés en Russie vont dans ce sens. La Russie n’est pas encore totalitaire, mais elle avance dans ce sens. Elle n’est pas comme la Chine, mais son modèle est chinois. C’est pourquoi, je le répète, il est trop tard pour tenter de rapprocher l’Occident et la Russie. Un « reset » est possible de la part de Biden, encore faudrait-il que la Russie y réponde positivement. Or la Russie est entrée dans une phase de militarisation à outrance. On y fête l’apparition de nouveaux armements, on salue le jour des Gardes-Frontières, celui des services secrets, celui de la police. Ce rapprochement avec le monde communiste chinois, on s’en rendra compte bientôt, j’en suis sûr, avec de nouvelles mesures sociales que le régime de Poutine sera obligé de prendre et la place plus grande qu’il va accorder aux idées et aux partis de gauche.

9 Juin 2021

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