Lettre d’Amérique
Roger Kaplan intervient peu sur notre blog. L’intérêt et l’originalité de son commentaire sur la situation américaine expliquent que nous dépassions exceptionnellement la longueur maximum acceptée pour les textes reçus ici. Il va de soi qu’il s’agit d’un document, susceptible comme tel de recevoir vos remarques, vos critiques et vos questions à notre ami américain.
P.R.
Aux élections partielles (de mi-mandat) qui approchent, les Républicains ont l’ambition de se retrouver majoritaires a la Chambre des Représentants ainsi qu’au Sénat. Ils cherchent aussi à renforcer leur majorité dans les Etats et les municipalités qui sont en ballotage.…
Ce sont des élections, comment dire, sous surveillance et même sous menace. Et pour les personnalités politiques, les menaces peuvent passer à l’acte, comme on l’a vu dans l’agression au marteau contre l’époux de la députée de Californie Nancy Pelosi, présidente de la Chambre et titulaire du troisième rang en cas d’incapacité du Président Joe Biden.
M. Pelosi, homme d’affaires natif de San Francisco dont il est un des piliers économiques, bon vivant et plutôt dangereux comme conducteur d’autos de luxe (son permis lui a été confisqué après la dernière des catastrophes qu’il a provoquée en état d’ivresse aux commandes de sa Porsche), est à l’hôpital suite à une opération urgente pour une fracture du crâne. Son agresseur a l’habitude d’écrire des tracts de type conspirationiste sur les affaires courantes. Des que possible — il est également hospitalise — il sera inculpé, selon le chef de police de San Francisco, pour tentative de meurtre et mauvais traitements sur personnes âgées (Paul Pelosi a 82 ans). Il a affirmé vouloir casser les genoux de Mme Pelosi, qui était à Washington mais elle s’est empressée de revenir en Californie pour se rendre au chevet de son mari. L’agresseur, un ancien gauchiste, nudiste militantet montrant des signes de déséquilibre mental — encore que, pour une telle description, on pourrait être accusé « d’agression verbale » en Californie –, était passé à l’acte avec son marteau, la moitié du symbole communiste.
Ce crime pourrait-il apporter un sursaut « de compassion » au Parti Démocrate? Nancy Pelosi elle-même se (re)présente dans une circonscription sûre à San Francisco, ville démocrate dans un Etat très libéral au sens américain.
Il semble que, malgré l’acharnement des Démocrates, Biden en tête, à faire porter la responsabilité de cette agression sur les leaders républicains et sur Trump lui-même, les électeurs se soucient plutôt de l’incertaine orientation des affaires publiques. Selon les sondages, qui évidemment ne sont pas des certitudes, bien au contraire, les Démocrates, en tant que parti de gouvernement, sont tenus responsables pour l’inflation, l’insécurité urbaine et le chaos aux frontières (notamment entre les Etats du sud-ouest et le Mexique, la confusion autour des politiques d’immigration allant d’ailleurs au delà du problème de la police des frontières. Et ce ne sont là que les thèmes majeurs.
Qui plus est, les Démocrates sont perçus comme incohérents. Biden lui même peine à articuler ses positions. Il semble souvent incapable de savoir de quoi il parle. Il insistait l’autre jour sur un « vote » qu’il aurait fait passer par la Chambre pour réduire les dettes des étudiants, ce qui en pratique donnerait une facture de plusieurs milliards adressée au contribuable. Or il ne s’agissait nullement d’un vote mais d’un « executive order », un ordre présidentiel ayant une fonction comparable au 49-3 francais – ce qui d’ailleurs pourrait éventuellement mener à une annulation puisque le Congres, selon la Constitution, est seul en charge des allocations et impôts.
La vice-présidente Kamala Harris, est d’un niveau intellectuel réellement choquant, qui dépasse toute explication, au vu de son c.v.. Elle prétend, sans aucun appui sur des faits, que la frontière est sécurisée ou que les transports d’enfants (habituels dans beaucoup de systèmes scolaires) se font actuellement dans des autocars électriques, ce qui est formidable pour l’environnement, puisque, dit-elle sans s’excuser pour le contresens, cela permet aux enfants, comme aux conducteurs, de respirer habituellement un air « toxique » ! Et cela n’est qu’un exemple parmi les moins étonnants de sa façon de parler. Bref, si Biden semble ne pas savoir où il est ou ce qui se passe, elle ne sait pas communiquer sans s’embrouiller et donner l’impression, avec les ricanements inexplicables qui ponctuent ses discours, d’une frivolité sans bornes.
A force d’entendre de telles bêtises, les gens se disent inévitablement que les Démocrates sont des abrutis, des menteurs, ou qu’ils se fichent des faits, sans parler de la Constitution.
L’agression contre M. Pelosi est, certes, inquiétante, et en tant que crime ordinaire, il n’y a rien à en dire sauf que le malfaiteur mérite ce qui lui arrivera, et qui pourrait être au moins vingt ans de prison. On ne peut toutefois s’empêcher de remarquer que San Francisco, et les Démocrates qui gèrent cette ville et l’Etat dont elle était jadis un des joyaux (et d’ailleurs elle l’est toujours à condition d’éviter les voyous, les ivrognes et les drogues et de pouvoir payer des impôts astronomiques), pourraient faire leur examen de conscience au lieu d’accuser la « rhétorique de droite » d’inciter les gens à la violence. Apres tout, c’est un partisan du sénateur stalinoïde Bernie Sanders qui a tiré en 2017 une balle sur d’un des chefs Républicains au Congrès , le député de Louisiane Steve Scalise, et c’est un autre gauchiste qui s’en est pris, avec un couteau, au candidat républicain aux élections du gouverneur de New York, le député Lee Zeldin, il y a peine quelques semaines.
Sans doute est-il exact que le ton n’est pas poli dans la, ou les, luttes politiques en Amérique. Ce n’est en rien une nouveauté. En fait, cela date des origines, de même que la violence physique (agressions, duels…) entre hommes politiques et entre leurs partisans. Parmi les cas célèbres, le grand homme d’Etat Alexandre Hamilton, lieutenant de George Washington et premier secrétaire au Trésor, fut tué dans un duel par un rival, Aaron Burr. Un des grands orateurs anti-esclavagistes, le sénateur Charles Sumner (Massachusetts), un des chefs de file Républicains pendant la Guerre Civile, fut attaqué avec une canne et grièvement blessé par un député de Caroline du Sud, Preston Brooks, en 1856. Mais il est vrai, aussi, que les partisans de Donald Trump ressemblent parfois plus à des supporteurs surexcités dans un stade de football qu’à des gens écoutant des orateurs s’exprimant sur des questions d’actualité. Il est non moins vrai que les Démocrates ont, depuis bien longtemps (bien avant Trump), pratiqué la politique de la délégitimisation, en accusant les Républicains d’être extrémistes et dangereux et une menace pour l’ordre constitutionnel et la démocratie. C’est ce que répétait encore M. Biden la semaine dernière, sans aucune référence aux squadristi de son propre parti qui appellent à modifier radicalement les institutions constitutionnelles. Au passage, — on ne peut que noter le choix du terme qu’ils ont choisi eux-mêmes pour designer leurs courant : les « squadristi » étaient les groupes paramilitaires mussoliniens !
Dans cette période électorale, les Démocrates se présentent comme les défenseur de « notre » démocratie, ce qui signifierait qu’eux seuls ont les capacités, et les politiques pour la sauvegarder. Or, c’est eux qui ont, sous couvert d’un anti-racisme cynique et mensonger, ont oeuvré pour déconsidérer et désarmer les services de police. En font les frais les quartiers populaires, souvent à majorité noire, comme à Minneapolis (la ville ou le malheureux George Floyd fut tué lors d’une arrestation musclée) ou à Chicago (dont le maire et le chef de police sont des Noirs).
S’ajoutant à leur mauvaise gestion dont les conséquences sont un mélange malsain d’apologie active de la criminalité (des catégories entières de crimes ne sont plus punies de prison), de démagogie, et assistanat, avec comme conséquence la migration des entreprises hors des villes comme Chicago et New York, le désespoir ou du moins l’exaspération des classes moyenne, le parti Démocrate n’a rien de mieux comme mot d’ordre électoral que d’accuser les Républicains d’être des extrémistes. Ses propositions, d’ailleurs, montrent à quel point les Démocrates n’ont aucune volonté de redresser les désastres urbains (et pas seulement urbains) qu’ils ont créés: ils veulent « fédéraliser » (c’est a dire nationaliser) le droit à l’avortement et, de même, mettre les procédures de vote sous un seul régime, géré par le gouvernement fédéral. Dans ces deux cas, ce ne serait qu’un pas de plus dans leur longue campagne pour détruire le système fédéral proprement dit, qui suppose la souveraineté des Etats et la gestion locale.
Les élections pourraient-elles mener à un changement de cap? Rien n’est impossible en Amérique. Les Républicains ont le vent en poupe en partie parce que la Californie représente pour beaucoup d’électeurs un contre-exemple de gestion, responsable d’une forte dégradation de la sécurité, de l’infrastructure, des services municipaux.
Le parti Républicain est divisé entre une apparente majorité d’élus et d’autres officiels qui soutiennent, ou du moins se gardent de critiquer, l’ex-président Donald Trump et ceux qui, sans le dire carrément, préféreraient qu’il disparaisse de la scène politique. C’est le cas du gouverneur Républicain de Floride, Ron de Santis, qui brigue un deuxième mandat et pourrait se présenter à l’investiture pour la présidentielle en 2024.
Il y a aussi un petit carré de Républicains « never-Trump » qui, depuis leur déception de 2016, cherchent la défaite de l’affairiste-politicien, mais leur influence parait négligeable. Leur étoile la plus connue, Liz Cheney, fille du vice-président de G. W. Bush, a été battue dans la primaire pour le siège qu’elle occupe jusqu’à la convocation de la nouvelle Chambre en Janvier, et se prépare une nouvelle carrière. Adam Kinzinger, un autre farouche « never-Trumper » qui représente une circonscription dans l’Etat de l’Illinois, ne s’est pas présenté à sa propre réélection et cherchera également un nouvel emploi. Un certain Evan McMullin, qui avait joué un rôle de figurant dans l’élection de 2016 sous l’impulsion du groupuscule « never Trump », est en lice dans son Etat natal de Utah. Il semble qu’il ait fait une bonne campagne contre le sénateur sortant, Mike Lee, qui est plus ou moins trumpiste sans être jusqu’auboutiste, mais ses chances de l’emporter restent assez modestes.
Les élections sont importantes, comme toujours. Le programme du President Biden est couteux à plusieurs égards, et il serait sans doute utile de le bloquer, ou au moins le freiner, en donnant au Congrès le veto qu’il aurait avec une majorité à droite. De ce point de vue, d’ailleurs, les Républicains sont en bonne position car pour ce qui du Congrès, la Chambre a plus de poids dans les questions budgétaires que le Sénat, dans la mesure où c’est à elle d’écrire les législations autorisant les dépenses.
Il faut toutefois noter que les Républicains, tout « Messieurs Austerite Fiscale » qu’ils voudraient paraitre, peuvent être aussi dépensiers que leurs rivaux. Dès qu’on tient les clefs du Trésor public, on a la tentation de l’ouvrir pour des intérêts locaux, afin d’ être, justement, réélu dans sa circonscription. Les sénateurs, eux, sont dépensiers par bêtise et vanité.
Nombre de candidats Républicains dans les deux chambres du Congres, tant sortants que challengers, ont le soutien de l’ex président, en échange de quoi ce dernier exige d’eux fidélité et approbation de son opinion sur l’élection de 2020. Ce soutien est à double tranchant, ou mieux dit, à tranchant ambigu. Obligerait-il les politiciens qui en bénéficient de soutenir une éventuelle candidature de Trump pour l’investiture Républicaine en 2024? Et, si celle-ci lui échappait et qu’il se lançait dans une campagne de troisième voie, qu’arriverait-il? En général, les « third-party candidacies » favorisent le perdant : leurs voix sont perdues d’un seul côté plutôt qu’entre les deux candidats principaux (ce qui aurait un effet neutre). Par exemple, la candidature de Ross Perot donna la victoire à Bill Clinton lors de l’élection de 1992 au détriment du président sortant, G.W. Bush. Mais la candidature de l’écologiste Ralph Nader donna une mince majorité à G. W. Bush en Floride contre Al Gore (le vice-président de Clinton). Apres des déboires fort embarrassants pour les inconditionnels de la démocratie, la Floride fut déclarée favorable à Bush par la Cour Suprême.
La raison pour laquelle ces souvenirs historiques et ces incertitudes sur l’élection de 2024 ont de l’importance est que le régime américain souffre d’un manque de respect. Certes, les Américains se sont toujours méfiés de leurs politiciens, mais rarement ont-ils éprouvé comme aujourd’hui, le sentiment que la classe politique est composée d’une bande de voyous qui se sont emparés du gouvernement avec l’aide de dirigeants non-élus de « l’Etat administratif », maintenant invulnérables à leurs postes de direction, qu’ils gagnent des élections ou non.
Il est à noter que le concept de « administrative state » ne date pas d’hier. Depuis au moins l’administration de Woodrow Wilson, un des débats les plus sérieux et en même temps peu connus sur le système politique américain est celui qui oppose les partisans d’un étatisme des élites (comme Wilson lui-même, qui était par ailleurs favorable à la ségrégation raciale) et ceux qui insistent sur l’impérieux besoin de maintenir les prérogatives – et responsabilités – des élus. Les représentants les plus connus de cette position anti-étatiste à l’heure actuelle sont sans doute Philip Hamburger, professeur à la faculté de droit de Columbia University (New York) et le juge Clarence Thomas (de la Cour Suprême). Mais le concept est sorti des cercles érudits (science politique, droit, histoire, presque toujours des savants ou juristes éminents) pendant la présidence de Donald Trump, quand ses partisans ont, en quelque sorte, fait le lien entre ce débat constitutionnel et l’agacement anti-Washington sur lequel misait l’ex-président qui agaçait tant lui-même.
Il faut noter aussi que ce débat et cet agacement, sont intrinsèque à la démocratie, et je pense qu’on en retrouvera sans peine la version française. En Amérique nous sommes arrivés à un point qu’on peut appeler critique sans exagérer, car le conflit entre Etat administratif et République mettant en avant les libertés et la gouvernance décentralisée est sur le point de devenir insupportable ou de forcer une mutation de notre régime constitutionnel. C’est pour cela que l’élection « mid-term », en d’autres temps banale et une sorte de répétition de la prochaine présidentielle, prend une plus ample signification.
En bref, ce qui se joue est le choix entre un « trumpisme » sans Trump et une démocratisation radicale, socialiste, égalitaire, et tyrannique. En fait, ce serait le passage de la démocratie à la tyrannie dont se méfiaient les Grecs et Romains avant leurs déchéances.
Sur fond d’inflation galopante, d’insécurité croissante, et d’inquiétude quant à la l’immigration clandestine venant du Sud, il semble que les Républicains peuvent gagner les élections sinon mettre de nouvelles politiques en place, et au moins d’atténuer les effets des politiques démocrates qui ont la plus grande part de responsabilité dans les fléaux du moment.
Roger Kaplan
Il y a pas mal de choses qui me déplaisent chez les démocrates américains mais il y a des ordres de priorité et d’urgence.
Actuellement, pour un Européen normalement humaniste et pour quiconque, dans le monde entier, est attaché aux valeurs fondamentales de la démocratie et au respect des libertés et des droits fondamentaux de la personne humaine, la priorité des priorités est de mettre à mal le psychopathe du Kremlin et de l’empêcher, lui et sa bande, de continuer à détruire, assassiner, torturer, violer, mentir, semer la zizanie, avec l’appui de tous les régimes terroristes de la planète.
Or il se fait que Trump, le clown frappé d’une psychose blanche et d’un sévère trouble de la personnalité histrionique-narcissique, n’aurait jamais contaminé la Maison Blanche sans l’appui du psychopathe prémentionné, lequel, de toute évidence, tient Trump, Dieu sait comment. Une marionnette du KGB Président des Etats-Unis, jamais un tchékiste n’avait osé rêver d’un tel prodige !
Or je constate que, dans l’article de Roger Kaplan, il n’y a pas un mot sur la politique étrangère des USA telle qu’elle deviendrait en cas de victoire d’un parti républicain qui n’en finit pas de se galvauder au profit du guignol ignare matamore précité.
Par ailleurs traiter Kamala Harris de déficiente intellectuelle et Bernie Sanders de stalinien me fait m’interroger sur le niveau des capacités cognitives de l’auteur.
Avec humeur fumante,
Pierre Druez
Sans disserter sur la personnalité de Donald Trump qui, certes, a un côté narcissique assez prononcé pour attirer l’attention de ceux qui confondent étude psychologique et commentaire politique, je ne peux qu’observer que les démocrates ont tenté pendant quatre ans de détruire Donald Trump sur la base d’accusations émanant d’un dossier fantaisiste commandité et subventionné par eux-mêmes, provoquant des investigations couteuses en argent et en confiance accordée à nos institutions. Ces investigations ont été menées par un procureur irréprochable, ancien patron du FBI (Robert Mueller). Rien n’en est sorti, à part la découverte que certains agents de la police fédérale, partisans en cela, malgré leur devoir de réserve, avaient faussé des rapports dans un sens qui infléchissait le dossier au détriment du président .
Il serait donc prudent de ne pas faire de cet acharnement obsessionnel à penser que Trump serait la marionnette de Poutine, la pièce centrale d’une comparaison entre les politiques étrangères des deux grands partis politique américains. Il y a des courants « interventionnistes » et « isolationnistes » chez les uns et les autres et, pour le moment, il existe un consensus opérationnel sur les bons et les méchants dans le conflit entre Russes et Ukrainiens. Si une tendance « isolationniste » se développait à l’avenir et poussait au désengagement, il n’est nullement sure qu’elle viendrait plus d’un parti que de l’autre.
Par ailleurs, on peut sans ironie se demander si Mme Kamala Harris sait contre qui nous luttions par exemple, pendant la Guerre de Corée, ou même la Deuxième Guerre Mondiale.
J’ajoute que Donald Trump, tout pécheur et narcissique qu’il soit, a quand même des réflexes de bon sens en politique internationale. Il est vrai que son manque de culture entrave ces réflexes, tout comme son mépris pour ceux qui n’avalisent pas ses réactions hâtives aux dossiers. Ce fut notamment le cas de son premier secrétaire à la Défense James Mathis,
Roger Kaplan
La contribution de Roger Kaplan à ce blog me heurte à triple titre :
1) Roger est beaucoup trop indulgent à l’égard de Trump. Il est maintenant établi que le 6 janvier 2021 était bel et bien une tentative de coup d’Etat de la part de Trump et des trumpistes. L’objet principal consistait à terroriser non seulement les responsables du Parti Démocrate mais aussi et surtout des personnalités du Parti Républicain comme Mc Donnel et surtout Mike Pence. Souvenons nous des slogans des émeutiers « Hang Mike Pence ». Le but était que Mike Pence invalide le résultat des présidentielles en sorte que se substitue un autre vote (à raison de deux représentants par Etat fédéré élus par le Congrès de chaque Etat) qui aurait désigné Trump comme Président. Ce coup d’Etat aurait peut-être été le préambule à instaurer un régime totalitaire aux Etats Unis mêmes. Trump avait alors un soutien électoral marqué (35% environ des suffrages exprimés). Rappels. A la constituante de septembre 1917, à la veille de son coup d’Etat, le parti bolchevique, n’avait recueilli que 23% des suffrages exprimés. Aux dernières législatives loyales en Allemagne, le parti nazi n’avait recueilli que 34% des suffrages exprimés. Dans les deux cas, une base électorale, significative bien que minoritaire, avait beaucoup contribué à instaurer un régime totalitaire prolongé.
2) Roger néglige délibérément la relation très spéciale qui s’est nouée entre Trump et le FSB dès le milieu des années 90 et qui a conduit ensuite à une relation de complicité et plus précisément de subordination de Trump à Poutine. Les deux chambres du Congrès avaient, par un vote très majoritaire, début 2017, désavoué les interférences du FSB et de Poutine dans l’élection présidentielle américaine de 2016. Et Trump a fini par renoncer à contester l’appui que le FSB lui avait donné en 2016. Si dans une interview récente au New York Times (22/07/22), Karaganov, conseiller géopolitique de Poutine, a déclaré qu’il aurait mieux valu envahir l’Ukraine avant la pandémie, c’est à l’évidence parce qu’il pense que Trump serait resté passif face à l’invasion de l’Ukraine.
3) Roger néglige l’agression dont sont l’objet les Etats Unis et leurs alliés de la part de l’axe Pékin-Moscou depuis la crise de 2008-2012. Si Trump a eu un seul mérite, c’est d’avoir amorcé en 2018 la guerre commerciale qui était indispensable avec Pékin. Mais quelle grave incohérence de sa part : s’opposer frontalement à Pékin tout en entretenant des relations très particulières avec Moscou, le meilleur allié de Pékin ! La proposition de Roger pour revigorer la démocratie américaine se devrait de rappeler aux deux grands partis américains qu’ils ont une tâche historique, sauver les Etats Unis, leurs alliés et la démocratie dans le monde face à la menace que l’axe des pays totalitaires fait peser sur eux. L’éviction de Trump du parti républicain et l’émergence de nouveaux responsables au sein du parti républicain favoriseraient fortement l’établissement d’un pacte entre les deux partis face à la menace totalitaire.
Antoine Brunet
Je ne sais que dire. J’ai essayé d’éclairer un peu les élections américaines avec une ébauche d’analyse plutôt conventionnelle, et voici qu’on accuse ce pauvre Donald de coup d’Etat en vue d’un régime totalitaire ! Trump, certes, par paresse, narcissisme, bêtise, et mépris pour tout le monde, a blessé l’ordre constitutionnel le 6 janvier, et il a continué de se moquer de ses compatriotes avec son déni du résultat des présidentielles de 2020. Il est vrai que les organisateurs de coup d’Etat ne pensent pas souvent très loin. Mais je doute qu’il s’agissait de cela. Trop inculte pour connaitre la Constitution, il laissa des illuminés le convaincre que l’on pouvait « décertifier » le vote des Grands Electeurs (Electoral College) après qu’ils eurent voté. Or c’est tout simplement faux. On peut mettre un vote en cause, et cela se fait assez souvent, mais la « certification » par le Congres réuni, comme il l’était le 6 janvier, est un rite, ou une formalité certes solennelle mais pas sujette à contradiction.
Mais il s’agit, dans le cas de notre ami, d’erreur d’appréciation sur l’imaginaire américain, et pas seulement américain. Il y a une sorte de paranoïa qui se répand et qui peut être instrumentalisé, c’est ce que comprenait très bien l’auteur du livre The Manchurian Candidate (1959) Richard Condon. Le film avec Frank Sinatra qui en a été tiré est mieux connu est en quelque sorte tout à fait actuel même s’il est nourri des expériences (et craintes) du temps de la guerre de Corée.
Enfin, voici quand même quelques mots pour faire parade sans, j’espère, être trop impoli.
Je suis reconnaissant envers ceux qui s’inquiètent de la bonne santé de notre régime. Mais il ne faut pas, même si le réflexe est naturel, gonfler les évènements. Ce faisant, on les dénature. L’assassinat de John Kennedy n’était pas le fait du KGB ni de la Sécurité cubaine. L’émeute sur le Capitole n’était pas une tentative de coup d’Etat.
On voudrait croire au drame digne de Shakespeare lorsqu’il s’agit d’un jeune président dont on espérait tant; on avait du mal à admettre qu’il avait pu être détruit par la balle d’un garçon perdu qui se voyait en héros d’un système de tyrannie qu’il confondait avec un mouvement d’émancipation qui ne voulait pas de lui. Lui même fut fauché par un type sans conséquence qui se vit acclamé par la nation reconnaissante.
Et comment serait-il possible que la patrie de la liberté, dont la Constitution est un modèle de sagesse libérale et républicaine, soit mise en danger par des émeutiers ignares et sans autre objectif que de mettre le désordre dans un bâtiment dont ils comprenaient à peine la fonction ? On préfère croire qu’il y eût conspiration, plan élaboré et une suite prévue. Mais il n’y eût aucune suite, ni dans ce cas ni dans l’autre. Il y eût, par contre, un boom dans l’industrie complotiste. Ce qui est d’ailleurs normal, les USA étant, en plus du foyer de la liberté et l’arsenal de la démocratie, une grande foire de l’entreprise. Le complotisme paye : voyez le succès en librairie ou au cinéma des adeptes du genre.
Il n’empêche que jusqu’à une nouvelle découverte sensationnelle, par exemple un document crédible trouvé dans une boite oubliée dans une cave à Moscou ou à la Havane, le meurtrier de John Kennedy a agi seul. Et si le 6 janvier était vraiment une tentative de coup d’Etat, il faut parler comme de Gaulle pendant la mutinerie du malheureux quarteron : ce qui est sérieux c’est que ce n’est pas sérieux.
Roger Kaplan