Marxisme et idéologie – par Pierre Druez (Partie 2)
On trouvera ci-dessous la 2ème partie de la réflexion de notre ami Pierre Druez sur l’idéologie marxiste.
Ce qui empêche les masses populaires d’emprunter le chemin qui nous mènera au nouveau paradis terrestre, à Utopia, ce sont les gens choisis comme supports de projection. Pire que des boucs-émissaires, leur seule existence est une injure au camp du Bien. Le fonctionnement mental des écologistes, altermondialistes, woke, décolonialistes et autres bien-pensants à la mode rejoint ici celui des marxistes. On trouve des supports de projection, on les désigne et on y fait croire facilement car tous nous nous débarrassons des pulsions et tendances que nous ne supportons pas en nous sur des objets extérieurs. Chacun a les siens : pour le nazisme, c’était les Juifs et quelques autres. Pour le communisme, c’est très particulier : le support de projection, c’est TOUT LE MONDE. Pas seulement les bourgeois, les patrons, les nantis, les dominants, les privilégiés etc. Car celui qui fait obstacle à la pertinence de l’idéologie et à son triomphe, c’est l’humain, l’humain tel qu’il est; c’est celui qui pense librement en dehors des dogmes de l’idéologie, c’est celui qui entend défendre ses intérêts et ceux de ses proches davantage que ceux du Parti, c’est tout un chacun qui conserve un instinct de propriété et d’aspiration au bonheur individuel, c’est chacun qui ose exister tel qu’il est en propre.
Ne pas croire et ne pas servir l’idéologie marxiste, c’est être constituant de sa négation, c’est être un obstacle à éliminer. Pour être éliminable par le Parti-Etat (Parti>Etat), gardien du dogme, il ne faut pas nécessairement être opposant mais seulement non partisan, et même en se comportant comme un serviteur sincère, fidèle, parfaitement obéissant, on peut être éliminé dans l’intérêt supérieur du Parti (procès gags, auto-confessions publiques, etc). Pour un objectif aussi grandiose que l’instauration du paradis sur terre, tout est permis, même le pire. « Du passé faisons table rase » = Du réel et de l’humain faisons table rase. Du réel et de la vérité faisons table rase.
Pour y arriver, Lénine a mis en place une machine géniale, invention sans précédent, appelée le centralisme démocratique. Un Parti-Etat tout puissant doté de tous les pouvoirs, strictement hiérarchisé qui tente incessamment de contrôler tout, tous et chacun du sommet à la base. La tête du Parti est censée représenter la Volonté du prolétariat, de l’humanité en marche vers l’avenir radieux, du Peuple, peuple concret encore trop aliéné, trop stupide ou trop obscurantiste pour avoir droit à la libre parole, à l’autonomie, pour être capable de décider lui-même de son destin.
Néanmoins, comme le système se nourrit du réel, et s’entretient via des humains humains bien réels, il doit faire des concessions au réel et à la nature humaine, comme l’explique Alain Besançon : de la NEP de Lénine au capitalisme de l’Etat-Parti en Chine depuis Deng Xiao Ping.
La création de la surréalité ne se fait pas qu’en mots. Elle tente de s’inscrire dans le réel par la violence et le viol permanent au sens large. Elle se réalise surtout en spectacle, en images, par une mise en scène, un théâtre, une désinformation, sans précédent dans l’Histoire et de très loin supérieurs à la propagande et aux mises en scène nazie et fasciste, par son ampleur, ses domaines d’application, son caractère incessant et son efficacité sur les esprits y compris en dehors des nations occupées.
La mise en pratique du dogme a permis d’atteindre des résultats « fantastiques » : par exemple, les premiers Etats entourés de défenses non tournées vers un agresseur extérieur éventuel mais installées avant tout pour empêcher les gens de fuir le paradis en construction, des Etats transformés en prisons à ciel ouvert, un quadrillage et un contrôle de la population inédits dans l’Histoire, une subordination de tout au pouvoir central sur tous les plans et dans tous les domaines, un lavage de cerveau à nul autre pareil, un arbitraire absolu sur la vie, les déplacements, les relations, les communications de chacun, la culture et les richesses en expansion accélérées de maints pays détruites (tous les pays communistes et marxisants), la dernière grande famine de l’Europe dans ses terres les plus riches (Ukraine, la Russie était le premier producteur et exportateur de céréales du monde avant la Première guerre mondiale), la croyance pendant des décennies de presque tous les non-soviétiques au progrès réel engendré par l’Etat-Parti (même Raymond Aron y a cru !). Et puis l’extension au centre et à l’est de l’Europe, en Corée du Nord, au Nord-Vietnam, en Chine, à Cuba, au Sud-Vietnam, au Laos et au Cambodge (premier Etat de l’Histoire à être transformé en quelque chose de pire qu’un camp de concentration à ciel ouvert) et l’extension aussi en pseudo états marxisants imparfaits, par exemple en Ethiopie, au Zimbabwe ou au Venezuela, le plus riche Etat pétrolier dont l’exode de la population a été la plus grande et rapide vague d’émigrés en temps de paix. Imaginez que ce soit le fait d’une dictature militaire latino-américaine …
La grande majorité des étudiants occidentaux semble ignorer le nom de Pol Pot mais connaît celui de Pinochet alors que le Cambodge a connu le régime le plus psychopathe de l’Histoire, créé par des gens formés par les marxistes français, et qu’Hun Sen, dictateur actuel depuis 35 ans et ancien Khmer rouge, puis collaborateur des envahisseurs et occupants vietnamiens, écrase toute contestation et vend son pays à la Chine. Où entend-on les cris d’orfraie des nobles consciences et autres indignés ?
La dernière grande famine du monde en Corée du Nord en 94-96, laquelle est toujours victime de malnutrition et a longtemps absorbé la majorité de l’aide du FAO (comme le Zimbabwe en un autre temps proche) pendant que la Corée du Sud, historiquement plus pauvre que le Nord, l’un des pays les plus pauvres de la planète au début des années 60, nous rejoint ou nous dépasse en tous domaines tout en préservant sa culture.
La plus grande famine de l’histoire de l’humanité en Chine lors du « Grand bond en avant » alors que, souvenons-nous (pour les plus âgés), tout le monde pensait que le communisme avait non seulement apporté son bol de riz à chacun mais bien au-delà. Il a fallu 40 ans pour qu’émerge le savoir, sans images, de ces dizaines de millions de morts de faim provoqués par le maoïsme et ses « communes populaires ».
La RPC utilise depuis Deng Xiao Ping la stimulation par l’intérêt personnel, le libre-échange contrôlé et les recettes économiques dites capitalistes avec de superbes résultats mais le pouvoir, fort de l’expérience de la chute de l’URSS, y met au point un système de contrôle de la vie et de la pensée qui fait ressembler les écrits d’Orwell à des contes pour enfants. Orwell visait le communisme tel qu’il l’a vécu en Catalogne et en URSS. Récemment dans Le Monde, les 3 premières pages du supplément littéraire étaient consacrées à George Orwell. Pas une seule fois on y lit les mots communisme ou marxisme !
Partout, en régions occupées par le marxisme : abominations, malheur, l’horreur, gratuites, bien pires que le négatif éternel qui se produit forcément partout où il y a vie, mensonge omniprésent obligatoire, double pensée comme mode de survie psychique, etignorance du reste du monde quant à l’étendue des désastres en raison des distorsions systémiques dans la production de matière informative et aussi de l’a priori encore majoritairement favorable chez les intellectuels, dès qu’il y a une étiquette de gauche ; et surtout : sous-estimation systématique des tragédies vécues par les nations soumises à un Parti-Etat communiste par nos médias, notre enseignement et nos productions culturelles. Cette édulcoration et cette complaisance sont aussi le fait des esprits les plus brillants, eux-mêmes confrontés à l’absence d’images à fort impact émotionnel, à l’inverse de celles des camps nazis par exemple.
Et ce, alors que nous, et pas seulement les médias, ne manquons pas de sauter avidement sur tout le négatif (biais cognitif naturel de négativité) qui advient, surtout chez nous, en Occident « capitaliste » et encore davantage aux USA, Etat le plus ouvert à l’exposition de ses manques, tares et défauts. Nous traquons le négatif dans le passé, le présent ou le futur supposé, de préférence si l’on peut en attribuer la « faute » à l’Occident et surtout aux USA. Cette distorsion s’accentue encore davantage dans les milieux académiques américains qu’ailleurs. Les quelque 400.000 étudiants chinois actuellement aux USA ne doivent pas se sentir trop déconnectés d’avec ce que le Parti leur a appris !
Tel est l’air du temps que l’interaction cumulative médias/enseignement/opinion publique dominante/politiques ne cesse de renforcer. Jusqu’à l’absurde, commenterait un observateur objectif extra-terrestre doté d’une macro vision évolutive complète.
Je crois que le relais idéologique du marxisme chez nous est maintenant l’écologisme. Il n’est heureusement pas représenté par des Partis totalitaires mais les motivations sont du même ordre : sous prétexte de sauvetage de la terre, on fait appel aux pulsions de haine, d’envie, de jalousie, à l’égard des plus privilégiés ou soi-disant tels, contre le « capitalisme », le « libéralisme », la « mondialisation », le « consumérisme » sans rien comprendre ni connaître des réalités socio-économiques et de l’évolution positive accélérée de la vie réelle concrète moyenne des gens à l’échelle de la planète.
L’idée de fond de départ de l’écologisme trouve aussi sa source inconsciente dans le fantasme d’assomption narcissique et ressemble à l’utopie marxiste : la Mère-terre qui serait paradisiaque sans l’action humaine, la bonne Nature, la dénonciation d’un « capitalisme » en grande partie imaginaire, le dogmatisme, le refus du réel, le rejet du nucléaire alors que forcément la fusion thermonucléaire est l’avenir de l’humanité, le déni du progrès, parfois même le rejet de la science et de la technologie, et toutes ces exacerbations d’antagonismes qui font fi de la réalité historique : accroissement des inégalités, pauvres de plus en plus pauvres/riches de plus en plus riches, anciens colonisés et esclaves versus anciens esclavagistes blancs (rien sur les esclavagistes arabes, noirs, jaunes), hommes versus femmes, LGBT versus hétéros et autres caricatures émotionnelles surréelles sinistrogènes, conflictuelles, dépressives, démotivantes, mortifères, désespérantes.
Oui car ils ne promettent plus le paradis mais les catastrophes, l’apocalypse, la mort de la Mère-terre. Ils rejoignent aussi les marxistes, me semble-t-il, par un singulier manque d’humour et d’autodérision ainsi que par la détestation du bonheur des gens ordinaires.
La recette, la solution, le traitement recommandé font aussi penser aux marxistes : Mort aux possédants ! A bas les heureux et les optimistes ! Vive les illusions ! A bas le réel ! Et finalement : Mort à l’humanité !
Pierre Druez
Il me semble que le « Libéralisme » et le « Capitalisme » n’ont jamais eu besoin d’un penseur pour les fonder, les initier, les créer les imposer. En caricaturant : « le lion n’a pas eu besoin de lire une thèse pour dévorer l’antilope. Par contre, je me risque à dire que le nazisme est une idéologie au sens où un homme a écrit préalablement un texte pour décrire ce qu’il devrait être lorsqu’il serait mis en oeuvre dans la réalité. Plus tard. On a vu……
Il y a eu d’une certaine manière un « manifeste », une déclaration officielle du nazisme publiée et rendue publique.Imprimée.
Ceci dit sans la moindre sympathie.
Revoir par exemple Braudel dans la « Dynamique du Capitalisme » qui est — me semble t il–une observation, une analyse du Capitalisme, mais pas une doctrine, avant sa mise en pratique, comme le sera le « Kapital » et les textes qui le suivent et conduisent au Communisme. « Prolétaires de tous les pays… » etc .
Il n’y a pas eu de « Mode d’Emploi » du libéralisme ou du capitalisme avant leur mise en oeuvre (les deux mots sont proches mais pas identiques).
Voilà ce qui me semble, mais ce débat sémantique n’est il pas vain ?…Je le dis librement.
D’une certaine manière, je me risque à dire que le virus Covid 19 est « libéral » car il ravage sans avoir besoin d’une idéologie pour le guider, il n’a pas de « guide » (=Fürher en allemand) ni de doctrinaire.
Il « est ». Le Marxisme, puis le Communisme ont eu besoin d’un penseur, d’un homme qui les pense et les écrive sur le papier avant d’être mis en oeuvre concrètement. Me semble t il.
C’est une différence substantielle, essentielle, intrinsèque. »
Didier
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D’accord avec l’essentiel de votre commentaire, Didier.
Ma motivation pour écrire ce texte venait d’un certain agacement devant ce que j’estime l’usage abusif du mot capitalisme qui n’est en effet nullement un système imposé de l’extérieur, à partir d’un ou de quelques penseurs.
Il est absurde de parler de capitalisme V/S communisme comme on l’observe si souvent. Stricto sensu, il n’existe pas d’idéologie capitaliste.
C’est évident mais il ne faut pas nier que la publicité, le marketing, le sponsoring et le merchandising, une infinité de stratégies d’influences visent à exacerber de façon finalement artificielle nos besoins de consommation, d’argent, de démonstration, de compétition, de montée dans les hiérarchies de l’avoir.
Comme dit dans l’article, la propriété privée et la pulsion de posséder n’ont nullement été inventées à un moment de l’histoire, elles sont liées à notre nature, mais une part du climat « idéologique » dans lequel nous vivons, accentue ces tendances qui ne sont pas les plus élevées de la nature humaine.
Ce sont cependant les moteurs les plus efficaces de la croissance de l’économie qui permet de produire toujours mieux, et, éventuellement, plus, avec de moins en moins de facteurs de production (matières premières, énergie, travail) et de moins en moins de déséconomies externes (pollution, déchets, gaspillages, appauvrissements corrélatifs temporaire, inégalités de revenus accentuées mais si les riches deviennent parfois plus riches, la tendance la plus marquante et inédite dans l’Histoire est que les plus pauvres deviennent de moins en moins pauvres et de moins en moins nombreux, et ce de façon accélérée malgré le recul dû à la crise sanitaire actuelle(1)).
Par ailleurs cette façon de voir les choses (on peut dire ça plutôt qu’idéologie) en les sociétés occidentales n’est nullement imposée ni les dissidents sanctionnés ou éliminés.
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Cette « idéologie » (j’espère qu’on s’est compris) est, temporairement en tout cas, seule à même de garantir la continuation de la croissance qui permettra d’éradiquer le reste d’extrême pauvreté dans le monde (1)
Au vu des progrès scientifiques, technologiques exponentiels et de la multiplication des échanges en fonctions des avantages comparatifs (que beaucoup critiquent sans, manifestement, les comprendre), dans un futur lointain, on peut imaginer, non le paradis, qui n’est qu’illusion, souvenir inconscient, aspiration et fantasme universels, mais un monde à construire où le travail ne sera plus aussi indispensable, et où la nécessité, pour l’ensemble de la société, de se conformer à des standards dictés d’abord (mais pas exclusivement) par les impératifs économiques, se trouvera, naturellement, peu à peu, dissoute.
Vous citez le nazisme comme idéologie stricto senso, oui, mais idéologie seulement ébauchée, fondée sur un petit texte, simpliste, primitive, monstrueuse, inepte et aisément compréhensible. Le marxisme est autrement plus complexe et est susceptible de drainer l’adhésion d’esprits brillants et d’âmes nobles, ce qui n’est pas sa moindre perversion ; il crée, en mots, en chiffres, en images et en décors, un monde passé, présent et futur fictifs, une humanité, une réalité, imaginaires, surréels auquel il entend conformer le réel et l’humain par la seule voie possible : la force, la violence, la destruction, le mensonge, la peur, la contrainte, le contrôle omniprésent, le conditionnement continu. Comme il est hors humain et hors réel, alors qu’il s’en nourrit, et que ceux qui tiennent les commandes des Partis-Etats communistes sont tout ce qu’il y a de plus humain, il doit néanmoins pour survivre faire des concessions au réel et au moteur de développement économique dit capitaliste, comme on le constate dans les Etats communistes qui subsistent, y compris en Corée du Nord.
J’ai aussi parlé d’idéologie au sujet du « capitalisme démocratique », ce n’est peut-être pas une bonne formule, mieux vaut employer, je crois, le terme de démocratie sociale-libérale, c’est peut-être abusif aussi de l’englober dans les idéologies, mais il n’est pas sûr que la démocratie aille de soi, elle est constamment à créer et à renouveler. La défense des libertés et droits fondamentaux, de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice et des médias, de la limitation des abus de l’exécutif, de l’entretien de pouvoirs compensateurs, de la liberté d’innovation, d’expression et d’expérimentations en tous domaines, reste un combat incessant !
(1) voir les données de « Global Poverty » détaillées dans https://ourworldindata.org,
Sur le site de la Banque Mondiale https://donnees.banquemondiale.org
Dans la bibliographie et les notes de l’ouvrage de Stephen Pinker « Le triomphe des Lumières. Pourquoi il faut défendre la raison, la science et l’humanisme » entre autres.
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