Dévaluation à cuba – par Jacques Carbou

Le premier janvier 2021, Cuba a fortement dévalué le peso cubain. La dévaluation fut annoncée à la télévision cubaine le 10 décembre 2020, par le président Miguel Diaz-Canel, en présence de Raul Castro.

Cette mesure va être un remède très amer pour la population et le pays qui traverse la pire crise économique depuis la chute de l’Union Soviétique. Le taux de change du peso cubain est fixé à 24 pesos pour un dollar. Pendant presque 30 ans, deux monnaies ont circulé à Cuba : le peso et le peso convertible (CUC), arrimé au dollar.

Les taux de change variaient de 1 pour 1$ pour les entreprises d’Etat à 24 pesos pour 1 CUC pour les entreprises privées et la population. Cuba avait dévalué le CUC en 2011. Mais le taux principal n’avait pas été modifié depuis 1959. Il s’agit donc de la première dévaluation en 60 ans.

Miguel Diaz-Canel a simplement annoncé qu’il y aura un seul taux de change à partir de janvier 2021, ajoutant « qu’il n’y a pas de solution miracle pour affronter les problèmes économiques ». Les économistes s’attendent à une inflation a 3 chiffres. La mesure s’accompagne d’une augmentation des salaires d’Etat et des retraites des 7 millions d’employés d’Etat, mais celle-ci ne s’applique pas aux 2 millions de travailleurs du secteur privé et du secteur informel, ni bien entendu aux chômeurs. Selon Carmelo Mesa-Lago, professeur émérite de l’université de Pittsburg, cela va entrainer « une réévaluation de 2400% du prix du dollar et une dévaluation de 99% de la monnaie cubaine. Les économistes cubains estiment à 40% le nombre d’entreprises qui sont en déficit et travaillent à perte.

Que signifie cette première dévaluation à Cuba ?

Il s’agit d’abord d’un remède de cheval pour les Cubains, un ajustement drastique de l’économie cubaine – oxymore douloureux pour les admirateurs de la révolution cubaine. L’idée est de s’ouvrir à des capitaux étrangers dont l’île manque cruellement. Dès janvier, la participation majoritaire de capitaux étrangers sera possible dans les entreprises mixtes pour améliorer le climat des affaires. Il s’agit d’un changement dont les énormes risques expliquent qu’il ait été reporté depuis plusieurs années par la gérontocratie castriste qui refuse de suivre les ouvertures de Raul Castro.

Après la chute du communisme en Union Soviétique, Fidel Castro avait décrété un « periodo especial » ou « période spéciale », car la fin de l’aide russe a désintégré l’économie de l’Ile. Avec l’apparition de Chavez, Cuba a bénéficié des largesses du Venezuela – pétrole et autres financements et dons autorisés par Chavez. Depuis 2010, l’effondrement du Venezuela a mis en péril l’économie cubaine qui vivait, outre l’aide vénézuélienne, notamment de la vente du pétrole vénézuélien à différentes iles des Caraïbes et quelques pays d’Amérique centrale ; les « remesas », c’est-à-dire l’envoi d’argent des Cubains principalement installés aux USA, constituaient aussi une importante source de revenu, tout comme le tourisme.

La crise vénézuélienne, à l’origine du peso convertible, n’a fait qu’aggraver la situation à Cuba. Avec la pandémie, les « remesas » et le tourisme ont considérablement baissés. La situation est aggravée par le fait que Cuba importe 60% de sa nourriture. Les touristes européens, espagnols mais aussi allemands, belges, français apportaient les devises qui manquaient. Depuis quelques années, ce sont surtout les Canadiens et les Américains ( il y a annuellement 600.000 touristes américains constituant le deuxième contingent de touristes après le Canada). Mais on a observé une chute de 15% du tourisme avant même 2020. Selon la CEPAL, un observatoire économique des pays d’Amérique Latine, la croissance de l’économie cubaine était de 1% en 2015 ; elle sera négative – -8%, en 2020. Le dollar est rare à Cuba ; le marché noir s’est développé ainsi que les opérations de dessous de table, réalisées par « las mulas », comme on appelle les intermédiaires cubains de ces tractations illégales. On observe aussi le phénomène de la « pyramide inversée » selon lequel les travailleurs les moins formés, ceux qui « travaillent » dans le tourisme, par exemple, gagnent plus que les professionnels payés par l’Etat.

Tout va donc dépendre de la crédibilité des mesures annoncées. Sinon, Cuba connaitra le sort du Venezuela, c’est-à-dire un cycle inévitable de rareté et de pauvreté. Alejandro Gil, ministre de l’économie de Cuba, a dit qu’il s’attendait à d’autres dévaluations dans le futur. Selon John Kavulich, Président du Conseil économique et commercial Etats-Unis-Cuba, « si l’administration de Diaz-Canel concrétise l’unification des monnaies et la dévaluation, l’investissement étranger sera encouragé et les Gouvernements seront plus attentifs aux mesures d’ouverture ».

Jacques Carbou

Le 10 janvier 2021

20 Jan 2021

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