Liberté pour Boualem Sansal !

Le monde de la littérature se mobilise pour apporter son soutien à Boualem Sansal, à l’occasion du triste anniversaire de son arrestation et de son incarcération en Algérie. Malade, âgé de 80 ans, condamné à 5 ans d’emprisonnement pour « atteinte à l’unité nationale » [sic], son sort suscite une grande inquiétude.

En octobre dernier, Boualem Sansal était élu à l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, qui saluait « la fonction créatrice de l’écrivain qui est inséparable de la liberté dans laquelle elle s’exerce ».

Ce sont ensuite les jurés du Goncourt qui, le 4 novembre, ont réaffirmé leur solidarité avec Boualem Sansal et leur condamnation de toute atteinte à la liberté d’expression et, les jurés du Renaudot qui lui ont, le 7 novembre, unanimement décerné le prix Renaudot poche pour l’édition de « Vivre. Le compte à rebours ».

C’est l’écrivain Kamel Bencheik, proche de Boualem Sansal qui déclare dans une tribune publiée le 9 novembre (JDD) : « On ne l’a pas arrêté pour un crime car il n’y en a pas. […] On l’a enfermé pour une raison simple et terrible : il a pensé librement, et a eu l’audace de l’écrire. […] La libération de Boualem Sansal est un test moral. Elle interroge notre rapport collectif à la liberté de conscience, à la pensée, à la culture. »

Ce sera, le 15 novembre prochain à la Maison de l’Europe, le P.E.N. Club français qui attribuera son Grand Prix à Boualem Sansal, une manifestation importante dont nous publions l’annonce.

Le 20 novembre, la réunion des Amis d’Histoire & Liberté, autour de Philippe d’Iribarne, sera l’occasion de manifester, à notre tour, notre soutien à Boualem Sansal.

Boualem Sansal doit être libéré.

H&L

*

ANNONCE : Le Grand Prix du P.E.N. Club français – Cercle littéraire international décerné à Boualem Sansal le 15 novembre 2025 à la Maison de l’Europe

À l’occasion de la Journée mondiale des écrivains en prison, célébrée le 15 novembre, le P.E.N. Club français – Cercle littéraire international – décernera son Grand Prix à Boualem Sansal, à la veille du premier anniversaire de son arrestation arbitraire à Alger, survenue le 16 novembre 2024, pour l’ensemble de son œuvre et son engagement indéfectible en faveur de la liberté.

La remise officielle du Grand Prix du P.E.N. Club français aura lieu le 15 novembre 2025, à partir de 15 heures, en partenariat avec le Comité de soutien à Boualem Sansal et le journal Marianne, à la Maison de l’Europe de Paris.

10 Nov 2025


Le Hamas veut-il deux Etats?

Le mot d’ordre des deux États repose sur l’idée que le problème entre Israël et ses voisins vient de l’absence d’un État arabe de Palestine

La séduction de ce mot d’ordre vient de ce qu’il prétend réaliser le but souhaité par tous : la coexistence amicale entre des ennemis, comme c’est le cas aujourd’hui entre la France et l’Allemagne ou mieux encore entre l’Allemagne et les Juifs d’Israel. 

Mais qui aurait proposé cette coexistence amicale en 1943 ?

Il fallait d’abord que le nazisme ait été vaincu, que le peuple allemand ait été dénazifié et que l’Allemagne fédérale ait adopté une attitude de coopération. 

La solution à deux États ?…  Mais quel combattant palestinien demande là solution à 2 États ?

Admettre lEtat palestinien sans les conditions qui seules le rendent inoffensif cest l’équivalent dune acceptation de lEtat nazi en 1943.

Tenir la balance égale entre l’Etat d’Israel et le Hamas, c’est oublier que le problème vient en tout premier lieu du refus nationaliste et islamiste d’un État juif sur le sol sacré de l’Islam.

Quand Emmanuel Macron se fait applaudir par le Hamas et Mélenchon, il adopte de facto leur point-de vue.

André Senik, le 27 juillet 2025

27 Juil 2025


ADINA REVOL – Rompre avec la Russie, Le réveil énergétique européen (Odile Jacob 2024. 176 pages. 15,99 euros)

ADINA REVOL - Rompre avec la Russie, Le réveil énergétique européen (Odile Jacob 2024. 176 pages. 15,99 euros)

Plusieurs pays européens continuent d’acheter du gaz russe en 2024, malgré la volonté de l’UE de mettre fin à ces importations d’ici 2027. Parmi les plus dépendants figurent :

  • La Slovaquie : 89 % de ses importations de gaz proviennent de Russie.
  • L’Autriche : 97 % de ses importations de gaz sont russes.
  • La Hongrie : 47 % de ses importations de gaz viennent de Russie, avec un approvisionnement via le gazoduc Turkstream.
  • La France, qui a vu ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe augmenter de 80 % en 2024, le GNL russe représentant environ 32 % des entrées de GNL en France.

Au total, la Russie fournit encore environ 19 % du gaz consommé dans l’UE en 2024, principalement sous forme de gazoduc et de GNL. L’UE a prévu d’interdire les nouveaux contrats d’achat de gaz russe d’ici fin 2025 et de cesser totalement ces importations d’ici fin 2027

Dans son livre, Adina Revol propose une stratégie globale pour permettre à l’Europe de sortir de sa dépendance au gaz russe et de gagner en autonomie énergétique. Ses propositions principales sont :

  • Accélérer la transition énergétique
  • Elle plaide pour l’accélération du Pacte Vert européen, misant sur les énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.), la sobriété énergétique (réduction de la demande) et l’efficacité énergétique, notamment via la rénovation thermique des bâtiments.
  • Diversifier les sources et partenaires énergétiques
  • Revol insiste sur la nécessité de ne pas remplacer la dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz naturel liquéfié (GNL) américain ou aux technologies vertes chinoises. Elle appelle à une diversification des approvisionnements et à une politique industrielle européenne forte pour produire localement les technologies clés (batteries, panneaux solaires, etc.).
  • Développer le nucléaire et l’innovation
  • Elle soutient le développement du nucléaire, y compris les petits réacteurs modulaires, pour renforcer l’autonomie technologique et énergétique de l’UE.
  • Financer la transition par un effort public-privé massif
  • Selon elle, la rupture avec le gaz russe nécessite d’énormes investissements (estimés à 210 milliards d’euros d’ici 2027), à financer par l’UE, les États membres et le secteur privé. Elle encourage la création d’un véritable marché européen des capitaux pour soutenir ces investissements.
  • Rendre l’énergie abordable et socialement acceptable
  • Revol estime qu’une révolution des prix de l’énergie est indispensable pour garantir l’acceptabilité sociale de la transition, suggérant notamment de débattre d’une baisse des taxes sur l’électricité.
  • Agir de façon coordonnée au niveau européen
  • Elle appelle à une action coordonnée de l’UE sur les marchés internationaux et à une pression citoyenne pour éviter tout retour à la dépendance envers des partenaires peu fiables.

En résumé, Adina Revol propose une Europe énergétiquement autonome grâce à la transition verte (incluant le nucléaire), la diversification des partenariats, un financement massif et une politique industrielle ambitieuse, tout en veillant à la justice sociale et à la cohésion européenne.

Antoine Cassan, le 3 juin 2025

3 Juin 2025


Présentation de l’Université Libre Alain Besançon

Alain Besançon

Nos amis de Desk Russie ont pris une initiative originale et très utile pour mieux juger de la Russie poutinienne et des causes profondes de la guerre qu’elle a lancée contre l’Ukraine : une université libre qui portera le nom d’Alain Besançon, l’ami, le professeur, l’inspirateur, le maître, de beaucoup d’entre nous. Cette université libre sera animée par quelques uns des meilleurs spécialistes actuels de la Russie, de l’Union soviétique, du communisme et de la politique internationale. Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance des programmes et, s’ils sont disponibles, à s’inscrire à l’un des cours proposés.

H&L

Comprendre l’histoire pour éclairer le présent

Université libre Alain Besançon

« Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. »George Orwell

La guerre d’agression déclenchée par la Russie contre l’Ukraine en 2022 a brutalement mis en lumière l’ampleur du travail de sape intellectuelle et informationnelle mené par le Kremlin dans les sociétés démocratiques, ainsi que la fragilité croissante des institutions universitaires face aux pressions idéologiques. L’influence d’acteurs puissants – qu’il s’agisse de relais diplomatiques, de groupes médiatiques ou de sphères politiques – rend plus difficile l’expression d’une pensée libre, rigoureuse et lucide sur les questions stratégiques liées à la Russie, à l’Ukraine et au monde post-soviétique.

Dans ce contexte, l’Université Libre Alain Besançon entend offrir un espace d’enseignement et de transmission indépendant, inspiré par l’œuvre d’Alain Besançon, grand historien et philosophe du XXᵉ siècle, qui avait une compréhension profonde et originale de l’idéologie soviétique et de ses prolongements contemporains. Le projet s’inscrit dans une volonté de résistance intellectuelle face à la réécriture de l’histoire, à l’instrumentalisation des sciences sociales et à la désinformation systémique.

Ce contexte exige de renouveler les catégories d’analyse du monde soviétique et de ses racines dans l’histoire russe, afin de mieux comprendre ses rémanences contemporaines. Il s’agit aussi de prêter une attention accrue aux idées et aux mouvements qui ont animé et animent l’opposition à la tyrannie russe dans les nationalités non russes de l’empire, à commencer, bien entendu, par l’Ukraine.

L’Université est gérée par l’association loi 1901 À l’Est de Brest-Litovsk, qui gère également Desk Russie et la maison d’édition AEBL.

26 Mai 2025


Nicolas Revel, Ève Ricard et Matthieu Ricard ont décidé d’engager une action judiciaire contre le journal Libération qui, le 2 avril 2025, a repris les accusations qu’il avait déjà portées contre leur père, Jean-François Revel, L’article qui a provoqué leur indignation n’apportait pourtant aucun élément nouveau probant en réponse à la contre-enquête publiée le 12 mars précédent par Le Figaro.

Rappelons que Jean-François Revel fut pendant plusieurs années et jusqu’a sa mort en 2006 le président irréprochable de l’Institut d’histoire sociale.

« Lorsque nous avons pris connaissance, en juin dernier, des allégations publiées dans Libération contre notre père, Jean-François Revel, accusé d’avoir participé dans les années 1970 à des réunions pédocriminelles, nous nous sommes exprimés pour dire notre respect pour la parole de la victime, notre espoir que la justice puisse établir la vérité, mais aussi notre effroi et notre incrédulité.

Près de neuf mois plus tard, nous n’avons pas varié : nous espérons plus que jamais que la justice éclaire la réalité des faits, nous continuons de croire en la sincérité d’Inès Chatin, mais notre incrédulité s’est muée en une certitude : nous sommes maintenant convaincus que les accusations portées contre notre père sont dénuées de tout fondement et que Libération s’est livré à un travail journalistique construit sur l’insinuation, le mensonge et la manipulation. Le dernier article paru la semaine dernière nous en a persuadés définitivement et nous conduit à nous exprimer à nouveau aujourd’hui.

Il serait difficile dans ces quelques lignes de démêler tous les fils des raccourcis et amalgames dont sont tissés les articles de Libération. Pour ceux qui les liront, ils comprendront que notre père est accusé d’avoir participé à des réunions pédocriminelles qui se tenaient dans un appartement vide situé au 33-35, rue de Varenne autour des années 1977 à 1980. L’accusation se fonde sur un élément et un seul : le souvenir d’Inès Chatin. En soi, un seul témoignage pourrait suffire mais celui-ci a ceci de particulier que ce témoin avait entre 4 et 7 ans au moment des faits, indique que les auteurs de ces actes abominables étaient masqués, mais se dit pour autant certaine d’avoir reconnu parmi eux notre père à son odeur, sa corpulence et sa transpiration.

Libération n’apporte aucun élément, aucun document, aucun témoignage pour corroborer le fait que notre père ait en effet connu Jean-François Lemaire et plus encore fréquenté sa famille au moment des faits.

Une évidence s’impose : pour qu’une aussi petite fille puisse identifier nommément un homme masqué, sur la base de son odeur, elle doit forcément le connaître et le fréquenter d’une manière particulièrement proche. C’est précisément ce que Libération affirme : notre père aurait été un ami intime de Jean-François Lemaire, le père adoptif d’Inès Chatin, passant sa vie chez eux, débarquant à tout instant, comme s’il s’agissait d’une sorte de deuxième famille.

Et c’est à partir de là que la démonstration ne repose plus sur rien. Libération n’apporte aucun élément, aucun document, aucun témoignage pour corroborer le fait que notre père ait en effet connu Jean-François Lemaire et plus encore fréquenté sa famille au moment des faits. Au contraire même, comme Le Figaro  l’a montré dans sa contre-enquête publiée le 12 mars dernier, ni la lecture des agendas de notre père, fort renseignés et consultables à la BNF, ni les témoignages de ses amis proches, ni aucun autre document porté à notre connaissance, ne font état d’un quelconque lien entre les deux hommes avant le début des années 1980.

On peut en effet reconstituer qu’ils ont dû faire connaissance par la fréquentation du même club gastronomique que notre père a rejoint en mars 1980. Puis ils se voient une première fois dans un cadre privé pour un déjeuner organisé chez Lemaire en présence d’autres invités. L’agenda de notre père fait ainsi mention pour la première fois de Lemaire, à la date du 21 juin 1983 à 12 h 30 : « Dej. Dr J.F. Lemaire, 97 rue du Bac » (rappelons que Jean-François Lemaire était médecin). Drôle de formulation pour des amis supposés intimes de longue date ! Notre père a même noté méticuleusement l’adresse à laquelle il est supposé se rendre depuis des années.

À partir de là, les deux hommes nouent une relation que l’on peut qualifier d’amicale sans être ni intense ni assidue puisqu’ils se verront essentiellement dans le cadre des déjeuners mensuels du Club des cent et à l’occasion d’environ une douzaine d’autres déjeuners entre eux, étalés cependant sur une période de plus de vingt années. Ni la chronologie de cette relation ni son intensité ne viennent donc corroborer le souvenir d’Inès Chatin. Sans pour autant que cela interdise qu’elle puisse être d’une parfaite sincérité, l’hypothèse la plus probable selon nous étant qu’elle ait croisé notre père bien après les faits supposés et pour peu que sa physionomie lui ait rappelé celle de l’un des auteurs des sévices qu’elle dit avoir subis, elle s’est convaincue de ce que Jean-François Revel en faisait partie.

Ce type de mécanisme de reconstruction de la mémoire ayant déjà été observé dans bien des cas analogues, Libération aurait dû ne pas se contenter de ce seul souvenir et s’attacher à rechercher des éléments objectifs pour l’étayer. Non seulement, ils ne l’ont pas fait mais ils ont délibérément mis le nom de Revel en une de Libé dans le seul souci de mettre en avant un nom connu qui attire le lecteur, comme l’un des journalistes signataires nous en a fait l’aveu, le jour de la publication du premier article en juin dernier, dans un message écrit impressionnant de cynisme et de duplicité : « Lidée qu’une une doit parler immédiatement à un lecteur passant devant un kiosque ou une gare l’a emporté. (…) Votre père paye en quelque sorte sa notoriété. »

Une fois la contre-enquête du  Figaro  parue,  Libération  aurait pu reconnaître les limites de son enquête ou se taire. Ils ont fait le choix de s’enfoncer dans le mensonge et la manipulation.

L’article paru la semaine dernière annonce en effet qu’il apporterait enfin les preuves de la relation d’amitié qui liait Revel au père adoptif d’Inès Chatin, « y compris à l’époque » des faits incriminés situés entre 1977 et 1980. Car telle est bien la question clé en effet sur laquelle nous avions d’ailleurs plusieurs fois interrogé Libération au cours des derniers mois, sans succès.

Nous invitons chacun à lire l’article : à aucun moment, n’y figure un quelconque élément, document ou témoignage nouveau attestant de cette relation au cours de la période considérée. Les lettres retrouvées datent toutes de 1984 et 1987. Elles indiquent qu’ils se tutoient, ce qui « atteste d’une vraie proximité » selon Libération. Or il se trouve qu’au Club des cent le tutoiement est obligatoire entre les membres.

Une photo de 1982 est publiée où notre père et l’épouse de Jean-François Lemaire sont assis à une même table : il s’agissait vraisemblablement d’un grand dîner donné pour les 10 ans du Point auquel participaient plusieurs centaines de convives dont les Lemaire qui étaient de proches amis du directeur de l’hebdomadaire, Claude Imbert. Si l’amitié entre les Lemaire et notre père était si vivace et ancienne, comment expliquer qu’on n’ait retrouvé aucun courrier, aucun témoignage, aucune photo, aucun livre dédicacé datant des années antérieures ?

Faute de preuve, faute de mieux, Libération se livre alors à un festival d’arguments manipulatoires.

Si on ne retrouve rien dans les agendas, c’est qu’ils auraient été tronqués. Il est vrai que tous n’ont pas été retrouvés après le décès de notre père, mais l’essentiel y est et sur une durée de près de cinquante ans. Ainsi, sur les années 1975 à 1983, il ne manque que trois carnets trimestriels sur un total de trente-six. Rien qui ne permette d’effacer toute trace d’une fréquentation supposée quasi quotidienne. Et pourquoi notre père n’aurait-il jamais noté ces rencontres avec Lemaire, ne serait-ce que les toutes premières, puis pendant des années, pour tout d’un coup les faire apparaître à partir de 1983 ?

Libération avance alors une autre hypothèse : finalement « Revel n’avait nullement besoin de Lemaire pour converger » vers ces réunions pédocriminelles rue de Varenne puisqu’il connaissait l’un des autres protagonistes supposés, en la personne de Claude Imbert. Il est exact que les deux avaient travaillé ensemble à L’Express à la fin des années 1960. Mais alors de deux choses l’une : si Revel participait à ces réunions par l’intermédiaire d’Imbert et non de Lemaire, s’il n’était donc pas un familier de ce dernier, comment expliquer alors que sa fille ait pu le reconnaître à sa simple odeur ?

Face à de telles accusations, de tels manquements à l’éthique journalistique et pour défendre l’honneur de notre père, nous avons décidé d’engager une action judiciaire contre le journal Libération

Qu’à cela ne tienne, Libération va chercher un autre lien, cette fois-ci entre notre père et Gabriel Matzneff avec pour seul élément le fait qu’ils aient été invités en 1965 à un même déjeuner, avec quatre autres convives, chez François Mitterrand, et auraient échangé quelques propos sur saint Thomas en fin de repas. Quelle proximité accablante !

Enfin, Libération abat sa carte maîtresse. Un élément matériel antérieur à 1983 aurait été trouvé dans les agendas de notre père : « Dans les pages du mois de juin 1975, soit deux ans avant les sévices qu’elle dénonce, Inès Chatin a découvert la mention de l’adresse de la cour d’immeuble où elle résidait. » Qu’est-il réellement écrit dans l’agenda ? « Mahias 32 rue de Varenne. » Notre père se rend donc bien rue de Varenne, mais à une autre adresse que celle où les réunions pédocriminelles se seraient tenues, et pour voir quelqu’un d’autre ! En l’espèce, son ami Claude Mahias, qui est aussi son collègue au sein de la maison d’édition Robert Laffont, et a habité l’essentiel de sa vie dans cet immeuble. Libération a-t-il sciemment manipulé cet élément pour voir une preuve là où il n’y avait qu’une coïncidence ?

Reste que cet élément est à l’image de tout ce travail « d’enquête » : manipulateur et fallacieux. Comme l’illustre encore un autre passage où Libération rappelle que la famille Lemaire a emménagé dans son domicile historique « racheté à la famille de Jean d’Ormesson, fréquenté aussi par Revel ». Notre père connaissait en effet Jean d’Ormesson, sans proximité particulière d’ailleurs. La famille de Jean d’Ormesson – et non lui directement si on comprend bien – vend un appartement aux Lemaire. La boucle est bouclée, l’affaire est dans le sac !

À la fin des fins, au-delà de ces multiples raccourcis, amalgames et déformations, il ne subsiste donc que le souvenir olfactif d’Inès Chatin. Nous pourrions nous situer sur ce même terrain en apportant notre propre témoignage de ce que notre père que nous avons côtoyé bien plus intimement et longtemps que quiconque, n’avait pas la moindre odeur marquée, et encore moins désagréable, que ce soit le matin ou le soir, sous tous les climats et toutes les latitudes.

Non, en tout état de cause, cela ne saurait suffire pour jeter l’infamie sur la mémoire d’un homme dont toute la vie et la personnalité, exempte de toute forme de perversité, de cruauté et de dissimulation, se situaient aux antipodes des actes abominables qui lui sont prêtés.

Face à de telles accusations, de tels manquements à l’éthique journalistique et pour défendre l’honneur de notre père, nous avons décidé d’engager une action judiciaire contre le journal Libération. »

Nicolas Revel, Ève Ricard et Matthieu Ricard, le 7 avril 2025

23 Avr 2025


Le wokisme pratique le scandale et la diabolisation publique hors procès  en justice comme moyen révolutionnaire d’éveiller les consciences aux injustices intolérables qui ne sont pas perçues comme telles, tant leur ancienneté les fait passer pour naturelles.

Je crois que je ne caricature pas.

Cette chasse aux sorcières renoue avec l’appel qui fut lancé par Marx dans l’un de ses tout premiers écrits philosophiques : « Il faut rendre l’oppression réelle encore plus opprimante, en lui adjoignant la conscience de l’oppression, la honte encore plus honteuse, en la rendant publique. Il faut dépeindre chaque sphère de la société allemande comme la partie honteuse de cette société.. »

La démocratie libérale,  mérite-t-elle cette hostilité générale ?

Notre société promeut et pratique l’examen critique des mots et des comportements hérités du passé et qui semblent en porter des traces condamnables.

Cet examen est une mesure d’hygiène culturelle et politique, car nos mentalités et nos valeurs évoluent, et les mots de notre langue commune doivent évoluer en conséquence.

Il est bon, pour ne prendre qu’un exemple, qu’on ne dise plus « une fille-mère » pour évoquer une « mère célibataire », et il est impératif qu’une personne ayant autorité sur une autre n’abuse pas de ce rapport de forces.

Mais l’évolution de notre langue et de nos comportements ne doit pas être dénaturée et transformée en un appel à leur déconstruction systématique et globale, comme s’il nous fallait nous purifier de tout ce que nous sommes en faisant table rase de notre héritage culturel.

En particulier, la chasse aux traces linguistiques d’un passé culturel qui serait totalement au service de la domination vise à imposer la novlangue politiquement correcte au sein d’une cancel culture.

 Dans la dynamique de cette épuration culturelle,  les mots ne devraient plus porter trace de leur histoire, et ils devraient également perdre la polysémie qui caractérise les mots de toutes les langues vivantes.

Seuls les mots des langues artificielles, tels ceux qui définissent les figures de la géométrie, sont parfaitement neutres et univoques

Pour contrecarrer la guerre révolutionnaire menée par le wokisme contre notre héritage culturel, il peut être utile de réfléchir à la généalogie du wokisme, et aux éléments qui composent son ADN.

Sa première caractéristique est de suspecter, de dénoncer publiquement sans procès le mal qui se cache.

Sur ce plan, le wokisme a pour ancêtre la bien nommée Terreur de 1793, et sa terrifiante loi des suspects.

 Celle-ci fut initiée par Robespierre, et on en retrouve les principes dans les procès staliniens : à l’image de ces antécédents, le wokisme exclut lui aussi la présomption d’innocence et lui oppose la présomption de culpabilité. Il refuse lui aussi les droits de la défense.

Et il manifeste lui aussi une forme de paranoïa.

J’ajoute que la filiation du wokisme à la Terreur de 1793 se double d’une filiation au communisme de Karl Marx.

Le wokisme actuel reprend en effet la formulation marxiste de ce qui est devenu la cancel culture.

Voici un des passages du Manifeste du parti communiste qui justifie la destruction de notre héritage culturel

« L’histoire de toute la société jusqu’à nos jours était faite d’antagonismes de classes, antagonismes qui, selon les époques, ont revêtu des formes différentes. 

Mais, quelle qu’ait été la forme revêtue par ces antagonismes, l’exploitation d’une partie de la société par l’autre est un fait commun à tous les siècles passés. Donc, rien d’étonnant si la conscience sociale de tous les siècles, en dépit de toute sa variété et de sa diversité, se meut dans certaines formes communes, formes de conscience qui ne se dissoudront complètement qu’avec l’entière disparition de l’antagonisme des classes. 

La révolution communiste est la rupture la plus radicale avec le régime traditionnel de propriété; rien d’étonnant si, dans le cours de son développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles. »

Cette cancel culture repose sur le paradigme marxiste de la lutte des classes, qui déclare une guerre sans compromis entre deux ennemis dont l’un doit disparaitre : les dominés et les dominants.

L’objectif avoué de la lutte des classes n’est pas de supprimer la domination d’une classe sur l’autre : il est d’inverser la domination, d’imposer la domination de la classe dominée, en l’espèce : la dictature du prolétariat.

L’universalité et l’égalité en droits et en dignité de tous les humains n’est pas son horizon

Le wokisme applique le paradigme marxiste de l’antagonisme irréductible entre les classes sociales à tous les rapports entre les groupes sociaux

L’intersectionnalité des luttes est le mot d’ordre de cette coalition revancharde qui voue la société à une guerre civile sans fin.

Que répondre à cette conflictualité radicale, vengeresse et irréductible érigée en loi universelle ?

Qu’il est exact que tous les rapports entre les individus et les groupes humains peuvent contenir une dimension conflictuelle, des rapports de force et des risques d’abus, mais qu’il est faux et paranoïaque de les y réduire.

L’ambivalence des sentiments est dans la nature de tous les rapports entre les humains, comme on le sait mieux depuis Freud, mais cette ambivalence n’entraine pas la guerre totale entre dominants et dominés

L’examen critique des mots et des comportements doit se faire dans l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme, expression qu’il faut désormais entendre comme Déclaration des droits des êtres humains.

Tout mot, expression ou comportement qui peut paraitre contraire au principe de l’égalité en droits et en dignité de tous les êtres humains peut être examiné, et être éventuellement critiqué et corrigé, au nom de ce principe politique premier.

Tous les progrès qui ont été accomplis dans ce sens, qu’il s’agisse du rapport entre les sexes et les sexualités, ou entre les groupes ethniques et sociaux, l’ont été au nom de ce principe premier.

Les progrès accomplis sont stupéfiants. Que l’on compare la situation actuelle à celle d’il y a un siècle concernant les droits et la dignité des femmes et des personnes homosexuelles.

Ces progrès devront se poursuivre au nom de ce principe qui est le fondement de notre société.

C’est ce principe, et lui seul, qui est systémique dans le monde libre.

C’est pourquoi il faut continuer à défendre la démocratie libérale contre ses ennemis.

Il reste des progrès à faire dans les mots, dans les mentalités, dans les comportements et ailleurs, mais ce combat devra se mener en défense de la démocratie libérale à laquelle les wokistes font une guerre révolutionnaire inspirée de la Terreur et de la lutte des classes.

André Senik, le 25 mars 2025

26 Mar 2025


Conférence 21 février 2025

Diàlogo por Venezuela a le plaisir de vous convier à la rencontre débat sur Le Venezuela sous Maduro, caractérisation d’un régime autoritaire au XXIe siècle. Contractualisime mafieux: trust politique ou consortium civico-militaire ?

Les intervenants seront Marí Sol PÉREZ SCHAEL et Pierre RIGOULOT.

Lieu: Maison de l’Amérique latine, 217 Boulevard Saint Germain 75007 Paris

Date: Vendredi 21 février 2025 à 19h

12 Fév 2025


Boualem Sansal est un grand écrivain algérien, un homme courageux, qui s’est opposé à la fois à l’islamisme criminel et au régime dictatorial de son pays. C’est aussi mon ami, que je porte en mon cœur. Il a été arrêté le 16 novembre dernier à son arrivée à l’aéroport d’Alger. Durant cinq jours, personne n’a rien su de lui : il ne répondait pas au téléphone, même pas à sa femme. Il avait pratiquement disparu. Finalement, en réponse aux demandes de sa maison d’édition (Gallimard), de l’Académie française (il avait obtenu son Grand Prix en 2015 pour son roman 2084. La fin du monde) et de nombreuses associations d’intellectuels, parmi lesquelles le PEN Club, l’agence officielle de presse du régime a fini par émettre un communiqué accusant l’écrivain de contester l’intégrité territoriale de son pays, vu qu’il avait remis en cause la légitimité de ses frontières, héritées de l’ère coloniale, qui avait arraché au Maroc une partie de son territoire et, également, qualifiant la France, sa terre d’accueil, de « macronito-sioniste » (à cause de la gestion d’Emmanuel Macron pour obtenir sa libération et parce qu’il a obtenu le prix littéraire Jérusalem). Il est accusé de terrorisme… Pourtant, Boualem Sansal est l’homme le plus pacifique qui soit, comme on peut le constater avec ce qu’il m’écrivait dans un courrier électronique :

« Nous vivons un vrai drame, la machine terroriste va reprendre de plus belle. Ce monde est fou et surtout il est gouverné par des incapables qui ont une tirelire à la place du cerveau. »

     Nous nous sommes rencontrés tout à fait par hasard, le 11 septembre 2023 (la date est bien sûr hautement symbolique : c’était l’anniversaire des attaques du terrorisme djihadiste contre les Tours jumelles à New York et le Pentagone à Washington). J’étais en train de boire un café assis sur un trottoir dans mon quartier, le 11e arrondissement, et il est passé devant moi. Je l’ai abordé, ce qui a dû l’étonner car ce n’est guère courant pour un écrivain connu et reconnu seulement par d’infimes minorités. Nous avons alors communiqué entre nous comme si nous étions frères, en écriture et en combats : tant de choses rapprochent l’Algérie et Cuba, du fait de la nature de leurs régimes, celui de Cuba communiste depuis 1959, celui de l’Algérie socialiste depuis 1962, et leur complicité tout au long de cette si longue histoire : Cuba a en effet envoyé des troupes pour combattre le Maroc aux côtés de l’Algérie pendant la « guerre des sables » de 1963-1964 et a appuyé le Front Polisario dans ses revendications sur le Sahara occidental.

     De là vient sans doute la colère actuelle du régime algérien contre la France. Macron a pris parti pour le Maroc, bien que, « en même temps », il ait reconnu la culpabilité de facto de la France au cours de la guerre d’indépendance menée par le FLN. L’écrivain, à qui le président a octroyé personnellement la nationalité au début de l’année 2024, est devenu, bien malgré lui, un symbole du rejet de tout ce qu’il déteste : un gouvernement corrompu, allié à toute la racaille de la planète, particulièrement à Vladimir Poutine, et qui met en pratique une islamisation rampante, ajoutée à une arabisation permanente, contre la langue française, dont Boualem Sansal use avec délice et talent.

     Il n’est pas le seul dans le viseur du pouvoir algérien. Peu de temps auparavant, le 4 novembre, le jury du Goncourt a concédé son prix à Kamel Daoud pour son roman Houris, un livre qui aborde la cruauté sans bornes de la guerre civile initiée dans les années 1990 par le FIS et le GIA contre le régime du FLN, dirigé par Bouteflika, après avoir été gouverné par Ben Bella et Boumédiène, ainsi que par d’autres présidents plus éphémères, certains d’entre eux assassinés. Daoud est meilleur journaliste que romancier ; ses articles dénoncent la menace que représente l’islamisme pour l’Europe, pointant notamment du doigt les agressions et les viols commis par des Maghrébins contre de nombreuses femmes à Cologne et dans d’autres villes allemandes au cours de la nuit de la Saint-Sylvestre 2015.

 C’est cela que ne lui pardonnent pas les militants et sympathisants de l’extrême-gauche française, qui le traitent de « raciste » (un comble), de même que Boualem Sansal, qu’ils accusent d’être d’extrême-droite et « sioniste » pour avoir participé en Israël en 2012 à un festival littéraire où il a pu échanger avec l’un de ses romanciers de prédilection, David Grossmann, et où il a apprécié la diversité ethnique, linguistique et religieuse de Jérusalem, malgré les perpétuelles tensions. Et aussi pour avoir donné une interview à une publication confidentielle, Frontières, classée à l’extrême-droite. A quelques exceptions près, dont celle d’Annie Ernaux, prix Nobel de littérature, proche de Jean-Luc Mélenchon, le tonitruant der Máximo de La France insoumise, ami de l’ex-dirigeant de Podemos Pablo Iglesias, des frères Castro, de Hugo Chávez et de tous les dictateurs latino-américains de gauche, ils refusent de prendre la défense de l’écrivain emprisonné.

     Sans doute, dès le commencement de sa carrière littéraire, qui s’est produit tard (il était auparavant ingénieur et fonctionnaire), près de la cinquantaine, avec Le serment des barbares, et ce jusqu’à présent, Boualem Sansal ne tourne pas autour de ses convictions. Avec 2084. La fin du monde, il a créé une sinistre dystopie, prolongement de 1984, du maître George Orwell, dans laquelle Big Brother n’est plus un tyran communiste calqué sur le modèle soviétique mais un leader islamiste quelconque, comme ceux qui pullulent dans le monde arabo-musulman et en Occident, il nous prévient ainsi : « Dormez tranquilles, bonnes gens, tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle». Son roman est comme un cauchemar qui n’offre, contrairement à 1984, aucune possibilité d’amour, même trahi, sauf à la fin une ébauche fantasmée, vu que le monde islamisé écrase impitoyablement les femmes et tout ce qui peut être considéré par lui comme immoral.

     Boualem Sansal s’est refusé à abandonner l’Algérie, où il est à présent à la merci du pouvoir dictatorial et des islamistes. Il pense, en effet, que les mêmes dangers guettent la France et l’Europe en général. Il ne peut y avoir de pause dans la solidarité de tout intellectuel qui se respecte avant d’obtenir sa libération.

     Pour ma part, je souhaite que nous puissions, comme nous nous l’étions promis, aller manger un couscous et boire une bonne bière, défiant les islamistes qui essaiment de partout. Mon ami Boualem Sansal est un porte-parole de la liberté universelle.

Cette tribune, signée de notre ami Jacobo Machover, est parue dans le quotidien espagnol ABC le 3 décembre 2024.

29 Jan 2025


La bibliothèque d’histoire sociale, qui porte de nom de « Souvarine », a publié sur son site une notice nécrologique rappelant brièvement la vie du fondateur de l’Institut d’histoire sociale. Nous la reproduisons pour nos lecteurs. Rappelons son adresse – 4 avenue Benoît Frachon, 92000-Nanterre et la richesse de ses collections consacrées à l’histoire du communisme, du socialisme et du syndicalisme.

H&L

Boris Lifschitz, né à Kiev le 20 octobre 1895, est issu d’une famille juive ukrainienne qui émigre en France en 1897. Naturalisé français en 1906, il adhère à la SFIO et écrit dans Le Populaire sous le pseudonyme de « Souvarine » tiré de Germinal, le roman d’Emile Zola.

Incarcéré à la Santé, il ne peut participer au congrès de Tours  en décembre 1920 qui ouvre la voie à la fondation du PCF.

Souvarine devient membre du comité directeur du parti et participe en 1921 au 3 e congrès de l’Internationale communiste où il est élu à son comité exécutif et à son secrétariat..

Il entre au bureau politique du PCF en 1923 mais en est exclu en 1924. Souvarine fait alors paraître Le Bulletin communiste, puis La Critique sociale. Il publie en 1935 Staline.

Aperçu historique du bolchevisme, chez Plon, considérant désormais le régime soviétique comme un capitalisme d’Etat.

Il fonde en 1935 l’Institut d’histoire sociale, centre de documentation et de réflexion sur le communisme. Il collabore au Figaro, où le 7 mai 1939 il avance l’hypothèse d’un rapprochement à venir entre Hitler et Staline

En 1940 Souvarine réussit à partir aux États-Unis. A son retour il publie l’Observateur des deux mondes, puis rejoint le BEIPI, futur Est & Ouest, lancé en 1949 par Georges Albertini. Son article le plus célèbre vise Staline : « Un Caligula à Moscou » ( novembre 1953).

L’Institut d’histoire sociale est remis sur pied en 1954. Souvarine le présidera jusqu’en 1976.

En 1957, il lance le Contrat social.

Boris Souvarine est décédé le 1er novembre 1984, un hommage lui étant rendu par Emmanuel Le Roy Ladurie, alors président de l’Institut d’histoire sociale. 

On consultera en priorité son Staline, aperçu historique du bolchévisme (accessible à la Bibliothèque d’histoire sociale).

La biographie signée Jean-Louis Panné est une référence reconnue : Boris Souvarine Le premier désenchanté du communisme (Robert Laffont,1993).

On doit à Charles Jacquier les rééditions récentes, présentées et annotées de divers textes de Souvarine.

18 Nov 2024


Nous y voici; et la démocratie représentative fonctionne comme elle le doit. doit. Le gagnant a été préféré avec 72 millions de voix contre 67 millions à la perdante. Deux candidats dits indépendants prennent environ 600 mille voix. 

Dans le collège électoral – qui légalement désigne le président – le vainqueur devrait obtenir 312 voix contre 226 à la perdante.  Il faut toutefois dire et répéter que ce College Electoral est une très bonne chose qui sert de barrière à toute tyrannie majoritaire.  Il me semble qu’en effet, Donald Trump n’avait pas la majorité des voix ni en 2016 ni en 2020, mais qu’il avait gagné dans le premier cas au College.  

Ce qui nous oblige à revenir encore une fois sur la mésaventure de l’après-élection de 2020, finissant dans le désordre du 6 janvier quand une manifestation de soutien à Trump (lequel avait eu la mauvaise idée d’assurer qu’on lui avait volé des voix, avec comme résultat de perdre dans le Collège) dérapa et provoqua une émeute débordant dans les locaux du Congres dont la tâche du jour était de certifier les comptes du College et de mettre ainsi fin officiellement et légalement à la campagne.

Basse besogne, condamnée dans les pages du prestigieux journal conservateur-liberal, le Wall Sreet Journal ainsi que dans les revues de la droite raisonnable, modérée et satirique comme l’American Spectator. Mais tout le monde sait que Trump ne lit pas les journaux sauf s’ils chantent ses louanges.  Ce fut effectivement un choc brutal, mais il ne faut pas oublier que Trump avait proposé d’utiliser la Garde Nationale (qui à Washington est sous les ordres du Président alors que dans les Etats elle obéit aux gouverneurs) pour renforcer la police municipale. Il ne faut pas oublier non plus qu’il le fit non sans ambiguïté puisqu’il suggéra que le maire de Washington (Mme Muriel Bowser, Démocrate) lui demande de le faire, sachant qu’elle ne l’aimait pas et qu’elle avait déjà exprimé sa confiance dans la police de la ville pour le maintien de l’ordre. En passant et pour mémoire, elle avait donné l’ordre à la police de faire dans la dentelle avec les émeutiers organisés par le mouvement Black Lives Matter qui la remercièrent en faisant des dégâts dans la ville estimés à 24 millions de dollars.


C’est dire qu’il y avait une atmosphère de guerre civile dans la ville et dans le pays, sans doute plus dans les têtes que dans les préparatifs et intentions sérieuses, mais il n’empêche : il valait mieux être prudent. Il ne faut pas oublier du reste que Trump a subi des attaques incessantes de la part de l’opposition dès son premier jour à la tête de l’exécutif. Certes il a le profil pour les provoquer, mais une attitude discutable n’est pas illégale.  Et puis, le président est le chef et le père de la nation. Comme le disait George Washington – qui subit de la part des ses opposants des violences verbales non moins choquantes que celles de nos jours – un président, un chef, doit toujours garder son calme et s’exprimer avec courtoisie.. Cela dit, c’est la réalité de notre temps : les gens sont mal élevés en général, et en plus, des marxistes et autres fascistes veulent « faire table rase », une opération à grand risque et invariablement à mauvais résultats.

La page étant quand même tournée, non sans de terribles drames, des vies détruites et des centaines de manifestants arrêtés et jetés en prison, la majorité d’entre eux n’étant pas entrés dans le Capitole, Trump, légalement encore président, fut donc jugé par le Sénat (c’était la procédure d’ impeachment) pour incitation et à rébellion et manque de respect à la Constitution. Mais le vote du jury l’a absout. Mauvais quart d’heure. Mais les Démocrates, au lieu de tourner la page et de combattre Trump politiquement s’il venait à se présenter de nouveau à l’élection présidentielle – comme bien sûr il en avait l’intention – lancèrent contre lui plusieurs inculpations et procès sur des bases juridiques discutables pour essayer de l’arrêter.

Les procès intentés contre l’ex et futur président sont sans fondements sérieux.  Et même s’ils eussent été fondés, comme l’affirma à plusieurs reprises le Wall Street Journal, les tribunaux auraient mieux fait d’écarter les inculpations car il était trop évident que ces procès étaient voulus pour des raisons politiques, comme dans une république bananière, communiste ou fasciste. Trump restait en effet le chef de l’opposition et sans doute aucun son candidat à la prochaine élection présidentielle. 

Lors de la campagne, il est clair que Trump avait le vent en poupe contre le président sortant J. R Biden, qui apparut diminué et faible au cours de leurs premier et unique débat, et incapable de réponses cohérentes tant pour ses bavures en politique étrangère que pour les défauts de sa politique intérieure qui est de suivre le programme de l’extrême gauche qui s’est emparée du parti démocrate.  Les Démocrates ont donc opéré un « coup » au sein du parti pour se débarrasser du vieillard et installer sa vice-présidente Kamala Harris sans primaires et même sans débats dans leurs assemblées de nomination, ce qui avait tout d’une mise en scène. 

Harris n’a elle-même aucune personnalité ni principes et elle n’a rien fait pour endiguer l’invasion migratoire alors que le vieux Joe lui avait confié le dossier de l’immigration.  Il est évident que Trump sera président; il est sûr que certains observateurs (dont, je plaide coupable, moi-même) auraient préféré qu’il y ai eu une sorte de paix civile après le drame du 6 janvier et que les deux grands partis se mettent d’accord pour cesser les hostilités en mettant en avant des hommes nouveaux ou des femmes nouvelles, mais c’était surestimer les capacités de miséricorde et de conciliation d’une société qui (nous ne voulons pas l’admettre) est dangereusement divisée et où les deux camps refusent les compromis.  Il me semble toutefois que ceci a beaucoup plus à voir avec la défaillance des élites (y compris dans les médias) que dans la peuple. Trump, malgré tous ses défauts, le reconnut : il fit campagne en parlant au peuple et en l’écoutant. Harris fit campagne en comparant Trump à Hitler. 

Comme disait Lincoln: « You can’t fool all the people all the time, »  on ne trompe pas le peuple entier tout le temps…

Roger Kaplan

13 Nov 2024