Limiter le flux des migrants pour empêcher le RN d’accéder au pouvoir
De la vague migratoire à un surgissement généralisé de l’extrême-droite
Depuis 30 ou 40 ans, on est en présence d’une vague migratoire considérable des pays du Sud vers les pays du Nord (vers les Etats-Unis, vers le Canada et plus encore vers l’Europe), une vague qui s’amplifie et qui a vocation à s’amplifier. Cela est dû à plusieurs facteurs : la stratégie mercantiliste de la Chine qui prive les pays du Sud de toute industrialisation ; la conjugaison mortifère qui prévaut en Afrique entre la surnatalité et le changement climatique ; enfin l’apparition récente de nouvelles dictatures totalitaires (Afghanistan, Syrie, Erythrée, Ethiopie, sans oublier ceux des pays du Sahel qui sont désormais sous la botte du KGB).
Dans la plupart des pays européens, on en arrive à un stade où le flux migratoire annuel s’amplifie encore et ce alors même que, déjà, la proportion des personnes issues de l’immigration récente dans la population totale n’a jamais été aussi élevée.
Par ailleurs, en Europe en tout cas, il s’agit pour l’essentiel d’immigrés et de migrants qui sont de religion musulmane. Ils restent en général attachés à pratiquer leur religion comme dans leur pays d’origine où l’islam y est une religion politiquement dominatrice ; cela ne facilite pas leur intégration dans leur pays d’accueil et contribue à ce que se développe un communautarisme élevé. En France, une petite fraction de cette communauté peut même être qualifiée d’islamiste dans la mesure où elle préconise un Islam politique qui vise en particulier à abolir notre laïcité.
A mesure que cette évolution migratoire se poursuit et s’accentue, on assiste à une réaction de rejet de la part d’une fraction croissante des populations d’origine. Cette fraction de la population se tourne alors vers le ou les partis politiques qui affirment s’opposer à ce que l’immigration reste aussi intense. Pour diverses raisons, ni les partis de gouvernement (droite, centre, gauche), ni encore moins l’extrême-gauche ne se saisissent de cette question. Seule l’extrême-droite se propose et en tire alors facilement un large bénéfice électoral.
C’est ce qui explique le surgissement supplémentaire de l’extrême-droite intervenu aux élections européennes de juin 2024 : en Allemagne (AFD), en Autriche (FPO), aux Pays-Bas (Wilders), en Belgique (y compris en Wallonie), et surtout en France (RN), la progression est fulgurante.
Simultanément, on a vu surgir aux législatives britanniques, un parti d’extrême-droite, le nouveau parti Reform UK de Nigel Farage (un pion que Poutine avait instrumentalisé une première fois pour faire triompher le Brexit) réussir une percée électorale immédiate et se placer sans délai comme le troisième parti du Royaume-Uni par le nombre de voix avec 14,3% non loin du deuxième parti, le parti conservateur, avec 23,7% des voix.
N’oublions pas que, parallèlement, les sondages aux Etats-Unis créditent Trump d’une victoire prochaine aux élections de novembre 2024 et que le succès, qui lui semble promis en dépit même de sa tentative de coup d’Etat de janvier 2021, s’alimente beaucoup à une réticence trop prolongée de Biden à réduire le flux migratoire annuel vers les Etats-Unis.
Il faut absolument trouver une solution à ce problème général
Nous sommes désormais dans une configuration où nos démocraties libérales, du fait du facteur migratoire, voient surgir des partis d’extrême-droite, c’est-à-dire des partis qui projettent de se débarrasser de la démocratie libérale pour instaurer une démocratie illibérale comme celle d’Orban en Hongrie ou une dictature totalitaire comme celle de Poutine en Russie. Ce n’est pas du tout un hasard si le RN vient de rejoindre le FPO autrichien, le PIS polonais et le Fidesz de Orban pour siéger dans le même groupe au Parlement européen de Bruxelles. Ce n’est pas du tout un hasard non plus si Poutine s’est empressé de féliciter le RN pour son résultat au premier tour des élections législatives. Depuis qu’en 2015 Marine le Pen a reconnu comme légitimes l’invasion puis l’annexion de la Crimée par la Russie, elle n’a cessé de jouer, plus ou moins ouvertement, le jeu de Poutine.
Quelle est la clé du succès électoral de l’extrême-droite européenne ? Elle a compris que les populations d’origine avaient une réticence marquée à l’égard de la population d’origine étrangère. Constatant que les autres forces politiques se désintéressaient de ce sujet ou optaient pour le passer sous silence, elle a choisi d’instrumentaliser la question migratoire pour se hisser au sommet du pouvoir. Et les extrême-droites européennes savent fort bien que le temps joue en leur faveur. Tant que le flux migratoire reste à un niveau aussi élevé dans chaque pays concerné, le parti d’extrême-droite s’en trouve mécaniquement renforcé.
Le jeu des acteurs extérieurs
Ce surgissement de l’extrême-droite est amplifié par le jeu de certains acteurs extérieurs :
– Les « Frères musulmans » mènent toutes sortes de campagnes communautaristes (port du voile, port de la burqa, port de l’abaya, contre l’enseignement de la Shoah à l’école, manifestations encouragées lors d’incidents mettant en cause la police, lancement du faux concept d’islamophobie de façon à pouvoir taxer de racistes les initiatives prises pour que les musulmans respectent notre laïcité…). Par ces campagnes les Frères musulmans visent à renforcer le communautarisme. Et à son tour, cela accentue encore la progression électorale de l’extrême-droite (en France, l’épisode des émeutes de banlieue en juillet 2023 a sans aucun doute joué un rôle majeur dans la forte progression électorale du RN entre avril 2022 et juin 2024).
– Poutine encourage l’extrême-droite à s’emparer de la thématique immigration pour qu’elle accède au pouvoir et pour qu’elle établisse un régime qui serait à la fois pro-totalitaire et pro-Kremlin. Ce n’est pas un hasard si Poutine a fait venir en Russie par avion des Africains du Sahel pour les impulser ensuite autoritairement vers la Finlande ou vers la Pologne (via les forêts de la Biélorussie). Il sait fort bien qu’en accentuant le flux migratoire, il facilite dans ces pays concernés la montée de l’extrême-droite et la déstabilisation des partis de gouvernement. Même chose d’ailleurs quand Erdogan cherche à impulser des migrants à sa frontière grecque.
– Ce n’est pas un hasard non plus si Donald Tusk, qui vient de réussir de justesse à évincer le PIS du pouvoir à Varsovie, se donne les moyens de refouler les migrants que lui adresse Poutine. Donald Tusk sait fort bien qu’il s’agit d’une initiative indispensable s’il veut réussir à rétablir durablement la démocratie libérale en Pologne. Biden lui-même a fini par admettre récemment que sa position trop laxiste à l’égard du flux migratoire contribuait au succès électoral de Trump ; il a alors annoncé un renforcement des dispositifs logistiques à la frontière mexicaine.
La responsabilité des partis pro-démocratie
N’oublions jamais ceci : si les dictatures totalitaires de type communiste ont le plus souvent pris le pouvoir « par la rue » et par les armes, c’est souvent en exploitant les urnes que les dictatures totalitaires de type nationaliste-impérialiste se sont emparé du pouvoir. Le parti nazi avait réuni 34% des suffrages aux législatives de fin 1932 mais cela leur avait suffi pour obtenir ensuite du Reichstag en 1933 les pleins pouvoirs sans limitation de durée (grâce à Hindenburg, au patronat allemand et à la lâcheté des partis centristes). Il en fut de même au Japon : dans les années 30, la dictature totalitaire de l’amiral Tojo fut instaurée en couronnement d’un processus électoral. Dans les deux cas, après avoir accédé au pouvoir à travers les élections, le parti totalitaire a aboli toute élection pour établir une dictature totalitaire qui ne fut interrompue que par leur défaite militaire en 1945.
Face à un tel danger, les partis de gouvernement, que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, sont restés largement trop passifs. Le débat immigration est un sujet sensible dans lequel les partis politiques de gouvernement craignent de s’engager. Une question aussi importante que l’immigration et ses multiples conséquences mériterait pourtant un vrai débat démocratique. Les partis de gouvernement pratiquent la procrastination sur ce sujet et le débat immigration est en quelque sorte devenu « un débat interdit ». De simples propositions visant à réduire le flux migratoire sont très vite stigmatisées à tort comme « racistes » par de nombreuses associations bien-pensantes et plus encore par une extrême-gauche qui a définitivement opté pour soutenir le communautarisme.
L’idée selon laquelle le RN progresserait en France du fait d’une baisse du pouvoir d’achat ou d’une carence des services publics est une idée qui est largement erronée. C’est en réalité la thématique de l’immigration qui est manifestement le moteur essentiel de l’irruption du RN comme le confirment la plupart des analyses pré-électorales ou post-électorales. D’ailleurs ni les dirigeants du RN ni leurs électeurs ne s’y trompent : entre les élections européennes et les législatives, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont supprimé la plupart des mesures sociales de leur programme sans que pour autant leurs électeurs ne les sanctionnent et ne se détournent du RN…
Tant que, dans les capitales européennes et notamment à Bruxelles, les partis de gouvernement ne prennent pas à bras le corps la question de la réduction du flux migratoire, au niveau de leur propre pays comme au niveau de l’UE, l’extrême-droite continuera à progresser électoralement.
On en arrive alors en France à un choix crucial entre deux options :
– Soit, nous réussissons à réduire le flux migratoire et nous parvenons alors à court et à long terme à empêcher le RN et ses alliés d’accéder au pouvoir ;
– Soit, nous ne le réduisons pas du tout ; nous facilitons alors une progression supplémentaire du RN jusqu’à lui permettre d’accéder au pouvoir suprême, ce qui lui permettrait d’atteindre son objectif ultime, celui de faire basculer notre pays dans une démocratie illibérale ou pire encore, dans une dictature totalitaire. En pareil cas d’ailleurs, le RN ne manquerait pas de prendre des mesures, très abruptes celles-là, non seulement contre le flux migratoire mais aussi contre les immigrés eux-mêmes, qu’ils soient récents ou anciens.
Comment faire durablement obstacle au RN ?
Les élections européennes ont eu au moins un mérite, celui de sonner l’alarme pour les partisans de la démocratie libérale en Europe et en France.
En France, un premier sursaut républicain (dont il faut se féliciter) s’est produit entre le 9 juin (les européennes) et le 30 juin (premier tour des législatives) suivi d’un sursaut supplémentaire entre le 30 juin et le 7 juillet (deuxième tour des législatives). Mais l’heure ne doit surtout pas être au triomphalisme. Dans ces trois scrutins, l’extrême-droite a réalisé des scores en voix entre 35 et 40%, ce qui reste considérable. Ce qui à l’opposé fut remarquable, c’est le réflexe défensif qui est apparu entre les deux tours chez nombre d’électeurs et dans les appareils de partis pour barrer au RN la route du pouvoir, grâce en particulier à la mécanique des désistements républicains. Grâce à ces sursauts, les partisans de la démocratie libérale disposent d’un certain temps, malheureusement limité, pour réagir et agir à plus long terme.
Tout d’abord, il s’agit d’éviter absolument de commettre une erreur qui serait colossale. Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) qui fut négocié à la hâte entre le 9 et le 13 juin dernier propose d’élargir le droit d’asile des seules victimes de persécutions politiques ou religieuses aux victimes du changement climatique. Une proposition absolument sidérante et insensée : elle ouvrirait encore plus grandes nos frontières au moment où, pour contenir le RN à long terme, il conviendrait, bien au contraire, de les restreindre significativement.
Et LFI qui, très probablement, a dicté à l’origine cette proposition au PS, se charge maintenant d’emprisonner le PS dans cette proposition totalement inopportune en prétextant, contre toute évidence, que le vote pour le NFP n’aurait pas été un simple vote de barrage contre le RN mais serait un véritable vote d’adhésion au programme du NFP. Il faut espérer qu’une erreur aussi grossière sera évitée.
En réalité, le programme que les partis soucieux de bloquer l’accès du RN au pouvoir devraient adopter consiste à réduire le flux migratoire annuel vers notre pays. De beaux esprits réagiront à cette proposition en disant que cela ne fait qu’appliquer la politique du RN. C’est se tromper de problématique. Pour les démocrates, il serait absurde de faire systématiquement l’opposé de ce que réclame le RN ; l’enjeu est d’empêcher le RN d’arriver au pouvoir pour installer un régime détestable (une démocratie illibérale ou une dictature totalitaire) et pour opérer un renversement d’alliances de la France, se détournant de l’OTAN pour se rallier à Poutine et à ses alliés.
Or il est une chose qui est assurée : si le flux migratoire annuel restait inchangé ou, pire, s’il s’accroissait encore, les prochaines échéances électorales verraient le triomphe en France de l’extrême-droite et son accès au pouvoir par les urnes. C’est d’ailleurs parce qu’ils entendaient s’opposer à une telle dynamique que les partis démocrates au Danemark ont entrepris de réduire le flux migratoire pour contenir l’extrême-droite. Ce qui à ce jour s’avère un vrai succès.
Jean Francart , le 18 juillet 2024
[Réponse] RN et LFI : Quelle immigration peuvent-ils? Quelle immigration veulent-ils?
Cher Jean Francart,
Merci pour votre texte, trop long à mon avis pour favoriser un débat parmi nos lecteurs, mais clair et argumenté.
Soucieux de voir notre blog accueillir des points de vue sans doute différents mais visant tous à défendre nos démocraties libérales, je vous fait part de mes premières réactions.
Vous proposez donc de limiter l’immigration pour ôter au RN une des sources de son succès. En somme : le RN a raison. Disons comme lui, et nous, ses adversaires politiques, profiterons alors de l’hostilité générale à l’immigration. Récupérant une partie des voix des Français hostiles à l’immigration, nous affaiblirons le RN et donc ses capacités de nuisance comme, entre autres, la mise en place, s’il prenait le pouvoir, d’une politique étrangère complaisante envers deux ennemis majeurs de la démocratie libérale : l’impérialisme russe et l’islamisme politique.
Gardons, en somme, nos critiques envers le RN sur ses bons rapports avec Poutine et ses tendances illibérales mais approuvons son opposition à l’immigration, facteur d’insécurité, paraît-il, de refus de la laïcité, de développement du communautarisme et de l’islamisme politique.
Mais l’immigration doit-elle être rejetée si elle se limite à son niveau actuel ? Les immigrés occupent souvent des postes que les « Français de souche » refusent d’occuper dans le bâtiment, la restauration, les hôpitaux et les services à la personne. Avantageuse d’un point de vue économique, l’immigration peut aussi l’être d’un point de vue social voire culturel si nous obligeons les immigrés à tenir compte de notre droit et de nos moeurs et si nous entreprenons une politique promouvant :
– un contrôle des entrées sur notre territoire (examen des demandes d’autorisation, bon niveau de langue française, connaissance des droits et devoirs de quiconque vit en France).
– une mixité sociale plus favorisée qu’actuellement
– une rigueur accrue de la justice.
Il faut combattre l’impérialisme russe, donc le RN. Sur ce point nous sommes d’accord. Et d’accord aussi sur le fait que l’immigration peut-être, si nous n’y prenons garde, un facteur de délitement de la société françaises. Mais si nous la contrôlons et la régulons, elle peut-être un atout pour notre pays et une bonne manière de pousser la population à prendre ses distances tant avec le RN qu’avec LFI.
Vous noterez que je ne parle pas de supprimer ni même de faire baisser drastiquement l’immigration. C’est là chose impossible sauf à rejeter à la mer les immigrants ou à tirer sur leurs bateaux. La population ne l’accepterait pas…et ni vous ni moi non plus!
Ni le RN ni LFI ne proposent, eux, de changer la nature de l’immigration. Le premier n’en veut même pas, par xénophobie, repli sur soi, exaltation d’une souveraineté nationale coupée de l’Europe, et ne veut pas reconnaître son utilité.
Le second la veut telle qu’elle est, cette immigration, et même accrue, sans combattre ses tendances communautaristes, son hostilité à la laïcité, voire son antisémitisme. Il ne veut pas voir le danger immense que fait courir à notre démocratie libérale le développement, sur un tel terreau, de l’islamisme politique.
Vous voyez : nous désignons les mêmes adversaires politiques. Reste à savoir si, pour défendre la démocratie libérale, nous avons intérêt à tenter ce coup tordu qui consiste à partager la même cible que l’un d’entre eux.
Pierre Rigoulot, le 25 juillet 2024
[Réponse] Flux immigratoire et projet de démocratie illibérale du RN
Cher Pierre,
Je te remercie pour la réponse que tu as rédigée et qui m’a beaucoup intéressé.
Avant de te répondre sur le fond du sujet, je tiens à formuler quatre précisions :
1) Quand je parle de l’immigration, je parle non pas de la population issue des flux immigratoires antérieurs mais, comme la plupart des analystes d’ailleurs, du flux immigratoire.
2) Ce n’est pas parce que le RN dit NOIR sur un sujet qu’il faut nécessairement dire BLANC sur le même sujet. Une attitude que l’on peut qualifier de contrepied systématique. Ce n’est pas parce que le RN accepte le droit à l’avortement qu’il nous faudrait combattre le droit à l’avortement. Ce n’est pas parce que le RN est favorable à l’énergie nucléaire qu’il nous faudrait nous y opposer. Ce n’est pas parce que le RN est hostile au wokisme qu’il nous faudrait nous y rallier. Ce genre de positionnement mécanique est ridicule et contreproductif. Il interdit tout débat constructif
Tu auras remarqué que LFI ne justifie en aucune façon son hostilité au RN par le modèle politique dont celui-ci est porteur : celui d’une démocratie illibérale comme celle que maintient depuis 2010 en Hongrie Victor Orban (le grand ami de Bardella, de MLP et du RN), ou celui d’une dictature totalitaire comme celle qui prévaut à Moscou depuis 2012. LFI se garde aussi de justifier son hostilité au RN pour ses alliances internationales.
Au total, l’hostilité de LFI au RN est relative au seul programme du RN en matière de migrations. Une fois cela fait, LFI vient jouer ensuite du contrepied systématique : quiconque exprime une inquiétude sur l’ampleur du flux immigratoire et sur ses divers impacts négatifs se voit ostracisé par LFI comme étant pro-RN. J‘ai eu moi-même l’occasion de le constater personnellement en discutant récemment avec des partisans de LFI.
3) Par ailleurs pour ma part, je refuse de considérer le RN comme dédiabolisé. MLP s’est livrée depuis plusieurs années, à une grande opération de communication en ce sens mais je n’en suis pas dupe du tout. Il demeure beaucoup trop de personnages sulfureux, racistes et antisémites, dans l’entourage immédiat de MLP et de Bardella pour admettre une véritable dédiabolisation du RN.
4) Il est indispensable que chacun clarifie ce qui constitue son opposition principielle au RN. Pour ma part, mon opposition qui est principielle au RN est basée d’abord et avant tout sur le modèle politique dont il est porteur et qu’il manifeste à travers ses proximités internationales : proximité avec Orban, proximité avec Salvini (plutôt qu’avec Meloni) en Italie, proximité avec Trump aux Etats-Unis (avant comme après son coup d’Etat de janvier 2021), proximité avec Poutine (avant comme après l’invasion de l’Ukraine en février 2022). En cas de victoire électorale absolue (victoire à la présidentielle et majorité absolue à la Chambre des députés), le RN, parvenu au pouvoir, ne manquerait pas de porter atteinte à nos traditions démocratiques et d’embarquer, par toutes sortes de réformes institutionnelles, notre pays dans le sillage de son allié Orban, vers une démocratie illibérale.
C’est ce qui s’est confirmé dans la très courte période entre les européennes et le premier tour des législatives quand Bardella, trop assuré d’un triomphe prochain du RN aux législatives, a soudainement levé le masque et annoncé entre autres choses le projet RN de privatiser les chaînes publiques et de remettre en cause le Conseil Constitutionnel.
Une fois ces quatre précisions apportées, je me pose la question que chacun devrait se poser : qu’est ce qui est à la base des succès électoraux répétés et croissants du RN ?
J’observe qu’une grande partie de nos concitoyens s’inquiète, très légitimement, du terrorisme islamiste (celui de l’Etat islamique mais aussi celui, plus diffus, qui a assassiné un prêtre, des professeurs, de nombreux militaires, gendarmes et forces de police et qui cible et attaque la communauté juive à répétition). Les attentats au couteau qui se multiplient en France (et ailleurs en Europe) finissent par devenir synonymes d’ attentat islamiste, tellement souvent l’enquête aboutit en pareil cas à conclure à une inspiration islamiste.
De même, une grande partie de nos concitoyens s’inquiète légitimement de l’insécurité qui prévaut dans les zones où la population issue de l’immigration est devenue majoritaire (cas extrêmes : celui de l’attaque d’un commissariat de police de banlieue ou celui des émeutes urbaines simultanées de juin et juillet 2023).
Ces mêmes citoyens s’inquiètent des atteintes répétées à la laïcité dans nos écoles publiques et dans nos hôpitaux publics et des campagnes organisées par les islamophiles pour le droit à porter la burqa dans la rue, pour le port du voile à l’école, pour le port de l’abaya à l’école…
Peut-être à tort, peut-être à raison (qui peut le dire puisque les études à caractère ethnique restent prohibées en France depuis 1945), ces nombreux citoyens établissent alors un lien entre les évolutions évoquées ci-dessus d’une part et d’autre part la proportion très rapidement croissante dans la population totale de la population qui est issue de l’immigration. Ils en concluent que restreindre davantage, d’une façon ou d’une autre, le flux immigratoire serait une bonne chose parce qu’elle limiterait ces évolutions dévastatrices.
Assez normalement, ces citoyens regardent alors quel parti se manifeste le plus proche de leurs inquiétudes et de leurs souhaits. LFI leur tourne complètement le dos car elle se réjouit publiquement du flux immigratoire (depuis 2022, Mélenchon se réjouit publiquement de la créolisation) et elle s’oppose à la Chambre à toute proposition visant à restreindre le flux immigratoire. Les partis de gauche (PS, PCF, écologistes) sous la menace d’être ostracisés par LFI s’interdisent eux aussi de soutenir tout projet de restriction du flux immigratoire. Quant aux partis macronistes ou aux partis de droite, ils se montrent très prudents en cette matière par peur d’être eux-mêmes ostracisés comme pro-RN par LFI et par la gauche et aussi par certaines organisations humanitaires. Malheureusement pour nous, ces citoyens inquiets font alors la constatation que le RN est de très loin le parti le plus ardent à restreindre le flux immigratoire.
Les partis hors RN ont eu l’immense tort de laisser au RN l’exclusivité de la restriction du flux immigratoire. Pire même, ils ont fait en sorte d’occulter le plus possible cette question : un débat démocratique sur l’ampleur du flux immigratoire est pourtant tout aussi justifié qu’un débat démocratique sur l’énergie nucléaire ou sur la parité hommes/femmes.
En laissant au RN l’exclusivité de la question migratoire, on a l’a laissé capitaliser électoralement le mécontentement lié aux conséquences d’un flux immigratoire excessif. Le vote RN ne cesse d’augmenter d’élection en élection.
Si la France continuait à rester passive à l’égard du flux immigratoire, elle se placerait donc dans la pire des configurations : le flux immigratoire, en restant trop conséquent, amplifierait les problèmes évoqués, ce qui offrirait demain un ascenseur électoral au RN jusqu’à lui assurer un triomphe où il emporterait à la fois la présidentielle et la majorité absolue à la chambre. C’est d’ailleurs ce à quoi nous avons échappé de peu au début de l’été 2024 ; la tactique de désistement réciproque entre partis non-RN a permis d’éviter le pire. Mais quid si le vote RN devait continuer à progresser ?
J’espère t’avoir répondu cher Pierre et j’espère aussi avoir mieux fait comprendre l’intérêt de ma proposition. Elle me paraît indispensable si l’on veut vraiment empêcher le RN de parvenir au pouvoir et de nous imposer ensuite son projet de démocratie illibérale.
Jean Francart, le 03 septembre 2024
21 Juil 2024