Le Grand colloque de L’Express

Le 13 octobre dernier, Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, président du groupe « Les indépendants », est intervenu au Grand colloque de l’hebdomadaire L’Express. Les démocraties ont-elles perdu la partie ? s’est-il demandé. Les problèmes semblent en effet s’accumuler contre elles en ce début de XXIe siècle. Et de manière de plus en plus inquiétante : problèmes écologiques, problèmes posés par la haute technologie, problèmes liés au surgissement de puissances régionales agressives, problèmes posés par la Russie et par la Chine, mais aussi problèmes posés par le refus des démocraties de regarder en face les dangers qu’elles courent, les menaces qu’on lui adresse, voire les guerres qu’on lui fait, qu’elles soient chaudes, froides ou hybrides.

De plus, les démocraties se voient menacées en leur sein même par des « cinquièmes colonnes » qui font preuve de complaisance envers des États ou les courants idéologiques qui n’aspirent qu’à leur perte.

Heureusement, ces États et ces courants hostiles connaissent eux-mêmes des difficultés considérables, ce pourquoi Claude Malhuret peut en appeler à faire preuve de lucidité, de courage et à renforcer avec confiance l’unité et la puissance européenne.

Certes, les démocraties sont en danger aujourd’hui. Mais elles l’ont toujours été.

Nous suggérons fortement à nos lecteurs d’écouter ce fort et beau discours qui ne minimise pas les difficultés mais souligne la nécessité pour les démocrates de se défendre contre les dictatures et les totalitarismes qui la menacent de l’extérieur et même de l’intérieur.

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Ce discours de Claude Malhuret est facilement accessible sur internet. Les organisateurs du colloque n’y font pas obstacle et nous les en remercions.

– pour aller sur la page du site de l’Express, cliquer ici ‌– pour écouter et voir le discours de Claude Malhuret (sur Youtube) : cliquer ici

H&L, le 27 octobre 2025

27 Oct 2025


Un monument aux victimes du communisme

Le 23 août dernier, date anniversaire de la signature du pacte germano-soviétique de 1939, Frédéric Mercadier, maire de Saint-Raphaël, a présidé une cérémonie accompagnant l’inauguration d’un monument aux victimes du communisme. Son discours fut remarquable de nuances et de contextualisations, mais aussi de distinctions entre militants communistes, persuadés de s’engager pour un monde plus humain et fraternel et une doctrine marxiste-léniniste – et pas seulement stalinienne – engendrant inexorablement des régimes totalitaires.

Quelques réactions venimeuses sont venues du Parti communiste et notamment du sénateur Ian Brossat qui conduisit une manifestation de protestation et trouva ensuite dans Le Monde du 25 août une oreille pour le moins attentive.

On lira dans Figarovox du 27 août une tribune signée Pierre Rigoulot apportant son appui à l’initiative de Frédéric Mercadier et, ci-après, une lettre d’André Senik, qui appuie, lui aussi, l’initiative du maire de Saint-Raphaël en remontant aux racines de la pensée communiste moderne et notamment à deux textes de Karl Marx : Sur la Question juive, de 1843 et Le Manifeste du Parti communiste, de 1848.

On trouvera enfin quelques mots saluant la publication (il y a 9 ans, déjà) de l’ouvrage d’André Senik consacré à l’étude du dit Manifeste.

H&L

En tant qu’ex-stalinien ayant viré sa cuti et prof de philo sachant lire le jargon marxiste, j’ai décidé un jour de remonter ma relecture jusqu’à Marx, alors qu’il reste massivement hors de cause chez les critiques du communisme

Le hasard a voulu que je commence à relire Marx par son commencement, l’article « Sur la question juive » paru en 1843

J’y ai découvert qu’au-delà de la judéophobie pathologique de Marx (« Marx était un Juif pur sang » écrira Engels seulement en 1890, après la mort de Marx) sa cible était la Déclaration des droits de l’homme, et plus précisément l’individu humain.

Le noyau dur initial de la pensée de Marx est l’hostilité à la démocratie libérale, c’est-à-dire au socle actuel du monde libre. Et cela en l’absence de la moindre allusion à la lutte des classes, au prolétariat et au capitalisme.

J’ai ensuite compris son refus de l’humanité de tout homme dans les Thèses sur Feuerbach, (1845). L’anti-humanisme fait partie du noyau dur initial de la pensée de Marx.

Quand je me suis mis à relire le Manifeste, j’y ai découvert que Marx avait recouvert (et maintenu au niveau de son soubassement) son hostilité à la démocratie libérale fondée sur les droits de l’homme au moyen d’un grand récit mythologique conduisant à la dictature du prolétariat, présenté comme réduit par le capitalisme à une forme moderne d’esclavage.

Cette réécriture opportuniste et ce déguisement expliquent que le communisme de Marx ait été reçu comme porteur des idéaux humanistes (voir par exemple la préface d’Humanisme et Terreur de Merleau-Ponty, paru en 1947).

Ma conclusion est que le communisme de Marx doit être combattu comme idéologie totalitaire et terroriste.

André Senik, le 29 août 2025

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A lire ou à relire : Le Manifeste du Parti communiste aux yeux de l’histoire

Responsables de millions de morts, Staline, Mao et Lénine ont fini par être discrédités. Pour autant, une question reste posée: Staline, Mao et Lénine ont-ils trahi la pensée de Karl Marx ou bien les catastrophes qu’ont engendrées tous les régimes communistes sont-elles en germe dès le Manifeste du Parti communiste pourtant souvent qualifié d’œuvre «visionnaire», d’« appel à la justice sociale » ou d’ « hymne à l’humanité».

Divers auteurs avaient déjà démontré que la prophétie marxiste sur l’écroulement de la société capitaliste avait été démentie ; que la théorie marxiste de l’appauvrissement continu de la classe ouvrière, qui finirait par absorber les classes moyennes et lutterait finalement avec elle contre un seul adversaire (la bourgeoisie), était un conte à dormir debout ; et que la promesse d’une société communiste permettant le plein développement de chacun et de tous représentait une sinistre plaisanterie.

Senik, lui, dans son étude critique du Manifeste Communiste parue en 2015, reconnaît que si l’on a pu lutter sous la bannière du marxisme pour une société idéale, juste et fraternelle, ce n’est pas dans le Manifeste qu’on en trouvera la promesse. L’ouvrage de Marx préconise au contraire d’accorder le monopole du pouvoir politique au Parti communiste, détenteur d’un savoir absolu sur l’histoire, et de conférer à l’État tous les moyens coercitifs nécessaires pour faire triompher ses vues et contrôler toutes les activités économiques. Il n’y a là rien de sublime: juste les éléments nécessaires à l’établissement d’un État totalitaire.

Certes, on n’y trouve «l’annonce d’aucun des crimes commis en son nom» et seulement «les prémisses de ces crimes et leur justification». Aussi se trouve-t-on plus à l’aise chez un certain nombre d’intellectuels de gauche pour continuer d’opposer systématiquement un pôle négatif (patronal, exploiteur, dominant) et un pôle positif (travailleur, exploité, dominé). Pour eux, ces oppositions sociales et économiques expliquent tout, «comme si la culture, la religion et les passions n’étaient pas, elles aussi, des facteurs déterminants des conflits qui déchirent la société et le monde» Incapables de mettre à distance le matérialisme historique du Manifeste, nombre de nos experts en sociologie sont ainsi persuadés que les difficiles conditions matérielles d’existence des jeunes issus de l’immigration constituent le facteur primordial de leur hostilité à notre société et de l’attirance de certains pour le djihadisme.

Les communiste n’avaient pas revu leur copie après cette remise en cause radicale et pertinente du «logiciel» de Marx. Neuf ans plus tard, Ian Brossat, ne fait que répéter les mêmes arguments que ses coreligionnaires ( j’emploie le mot à dessein) d’hier, quand parut le Livre Noir du Communisme, et d’avant-hier quand fut publié le premier tome de L’Archipel du Goulag. Il est vrai que les communistes sont de moins en moins nombreux. Le religion se fait secte peu à peu.

PS : Ce texte reprend quelques lignes d’un article que j’avais publié dans Le Figaro le 14 janvier 2016 pour souligner l’importance de l’ouvrage d’André Senik : Le Manifeste du Parti communiste aux yeux de l’histoire, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2015

Pierre Rigoulot, le 27 août 2025

29 Août 2025


Le Figaro a rapporté les moments importants de l’allocution prononcée par l’animateur de télévision Arthur (de son vrai nom Jacques Essebag), après qu’il eût reçu ce prix pour son engagement contre l’antisémitisme.

« Loin, si loin des rires de Vendredi tout est permis ou des Touristes, les divertissements légers qu’il anime sur TF1,

Benjamin Puech, l’auteur de l’article, rapporte qu’Arthur a vécu le massacre du 7 octobre 2023 comme un déchirement, qui l’a convaincu de sortir de sa réserve pour s’exprimer, sur les réseaux sociaux et dans les médias notamment pour dénoncer le lourd silence qu’il a perçu dans le milieu artistique, et pour « épingler les ambiguïtés de l’extrême gauche à l’égard de l’antisémitisme ».

« Il est vrai que depuis le 7 octobre j’ai parlé. Fort, parfois avec maladresse, souvent en colère, reconnut Arthur, mais j’ai parlé pour rester debout, pour ne pas tomber, pour ne pas devenir fou. Parce que comme tous les Juifs de France, je vis avec une peur qui ne me quitte plus, pas une peur abstraite, une peur intime, qui vous réveille la nuit, qu’on avoue à demi-mot même à ses proches », a expliqué l’animateur, qui évoqua ensuite l’agression du rabbin Arié Engelberg, à Orléans et ses parents, « qui changent leur nom lorsqu’ils commandent un taxi. »

Après avoir regretté un manque d’engagement de la part de « grandes voix » silencieuses, ou pire : floues, tièdes, ambigües, l’homme de télévision qui vit sous protection rapprochée s’est adressé au chef de l’État :

« Monsieur le Président, cher Emmanuel, chers amis, je ne vous demande pas de ressentir ce que nous ressentons (…) mais de tenir votre place, celle qui engage, qui protège pour que l’histoire ne se répète pas. (…) Tenez la ligne avant que les dernières digues ne cèdent, tenez-la comme on tient la main d’un enfant, une promesse qu’on ne peut pas trahir, parce que ça commence toujours par les Juifs et puis ça déborde, ça engloutit, ça emporte tout. »

Arthur a eu un mot chaleureux pour Sophia Aram, récompensée également par le Prix Jean Pierre-Bloch, puis pour son épouse, Mareva Galanter, ancienne Miss France : « Pendant que la République parfois hésite, la haine avance, elle s’installe. Elle ne rase plus les murs, elle les peint, elle les signe », s’inquiète

encore l’animateur. Pour qui l’antisémitisme se drape désormais dans l’antisionisme afin de paraître « acceptable ».

Ce qu’Emmanuel Macron a dénoncé également au cours de cette cérémonie.

Le chef de l’État a salué en Sophia Aram et Arthur deux visages de la «fraternité française». «Être Français aujourd’hui (..) ce n’est ni votre sang, ni votre origine, ni votre religion (..) C’est une volonté !», a-t-il dit. «Comme tous les Juifs de France, je vis désormais avec une peur qui ne me quitte plus», a lancé Arthur, dénonçant «le silence» de ceux qui «se levaient (autrefois) pour toutes les causes» (…) L’humanisme ne se divise pas en races et la République ne se divise pas en communautés parce que la République ne se divise pas», a renchéri Sophia Aram, fervente défenseure de la laïcité ».

Jean-Louis Carillon, le 15 mai 2025

15 Mai 2025


Article journal la provence
Article du journal La Provence du samedi 5 mars 2025
Article de l’Yonne Républicaine du 3 avril 2025

Les bombardements russes sur les villes d’Ukraine se poursuivent. Ces jours derniers ils se font même plus intenses.

Quelques politiciens irresponsables acceptent cette agression contre un Etat indépendant qui ne demande qu’à se rapprocher des démocraties libérales européennes. A les entendre, l’Ukraine, comme jadis la Finlande, doit donner au contraire des gages de neutralité à Vladimir Poutine.

N’abandonnons pas l’Ukraine à ce triste sort. Qu’elle sache  que dans toute l’Europe des gens se sentent solidaires de la résistance qu’elle oppose à l’impérialisme russe. Solidaires au point de se sentir frappés eux-mêmes quand un missile s’abat sur des gens qui font leurs courses, se rendent à leur travail ou se promènent avec leurs enfants. Solidaires au point de prendre sur leur temps et leur argent pour apporter aux Ukrainiens leur aide matérielle, leur présence et pour partager, face à la brutalité d’un Etat russe avide de conquêtes et de revanches, un sentiment d’humanité commune et une liberté menacée par la barbarie.

Deux exemples parmi beaucoup d’autres : dans l’Yonne, deux associations, Kiev-Avallon et Ukraine 89, ont pris l’initiative d’envoyer le 3 avril dernier un convoi humanitaire  en direction de l’Ukraine transportant des casques de pompiers, des tenues anti-feu et du matériel médical.

Par ailleurs, l‘association SOS Ouman (du nom d’une ville située au centre du pays) que nous avait présentée notre ami Nicolas Miletitch, un de ses animateurs, a expédié également au début avril en Ukraine du matériel, médical et autre, dont ont besoin leurs amis et connaissances.

Ce courant d’aide spontané ne faiblit pas, bien au contraire. Jamais, selon un des responsables de l’association, autant de contributions financières ou matérielles ont été reçues – comme si bien des gens souhaitaient répondre avec détermination à « la volte-face de Trump », pour reprendre l’expression du journal La Provence dans un article consacré à cette aide et tout particulièrement à SOS-Ouman qui fait régulièrement l’aller-retour France-Ukraine.

Nous aussi, lecteurs d’Histoire & Liberté, nous pouvons entrer dans cette chaine de solidarité en adressant nos dons à SOS-Ouman. (Toutes les précisions pour effectuer cette opération simple  sont accessibles sur internet).

Pierre Rigoulot, le 16 avril 2025

20 Avr 2025


Pris la main dans le bocal de confiture, Marine Le Pen et quelques autres cadres de son parti viennent d’être condamnés par la Justice. Les réactions scandalisées de leurs amis et de leurs partisans valaient la peine d’être entendues, le soir du 31 mars !

D’abord – la formule est usée jusqu’à la corde mais pourquoi ne pas s’en servir encore ? – « ce n’est pas un hasard si elle a été condamnée », disent-ils. Bien des magistrats sont membres du Syndicat de la Magistrature. Ils ont donc fait parler leur opposition (gauchiste) au Rassemblement National.

N’ont-ils pas seulement appliqué le code pénal, répondez-vous ? Pas du tout ! Leur condamnation, même conforme aux articles du code pénal, a été tout ce qu’il y a de plus politique ! Sans éprouver de gêne à l’idée que la France puisse être dirigée par quelqu’un qui a admis et couvert le détournement de l’argent du contribuable, amis et partisans de Mme Le Pen préfèrent mettre en cause les options politiques des juges. Ce sont elles qu’ils accusent ouvertement d’être en dernière instance à l’origine de la condamnation de Mme Le Pen et non le fait que celle-ci ait enfreint la loi, un fait qui entraîne logiquement le verdict que nous connaissons.

En ces temps de « déconstruction », en cette époque de triomphe du soupçon d’intérêts à défendre, de volonté de puissance, de désirs cachés mais à l’œuvre; en ces temps d’abandon (et pas seulement par Donald Trump !) de toute référence au vrai ou au faux, au bon ou au mauvais; en ces jours de rejet des propos fondés sur le raisonnement et l’expérience au profit des rumeurs « complotistes » les plus folles, le contraire eut été, il est vrai,  étonnant.

Les partisans de Mme Le Pen ne se contentent pas, hélas, de ce premier pas. Ils en franchissent un second en passant du soupçon à la mise en cause en nous assurant que la décision des juges est un déni de démocratie. Les juges rendent la justice « au nom du peuple français ». Ce n’est donc pas à eux, en ce moment important de notre vie politique, de décider si Marine Le Pen peut ou non être condamnée à l’inéligibilité mais au Peuple. Si celui-ci s’apprête en effet à voter pour elle, c’est qu’il ne la tient pas pour inéligible contrairement à ce que prétendent les magistrats. Et comme il vaut mieux s’adresser au bon dieu (le Peuple français) qu’à ses saints (les juges), le désaccord patent entre ces deux instances doit être tranché en faveur de la première.

Joli tour de passe-passe et posture propagandiste car les juges, et les juges seuls, se prononcent légitimement de par leur connaissance reconnue des règles du droit, ce qui n’est pas le cas de tout un chacun, fut-il électeur, et parce que le peuple leur a délégué cette légitimité …

D’autres arguments secondaires, annexes, ont été entendus sur le fait par exemple qu’il n’y a pas eu volonté d’enrichissement personnel. Comme si le détournement d’argent public en faveur d’un parti et d’une certaine idée de la France n’était pas tout autant condamnable que la recherche d’avantages personnels ! Les hommes politiques usant de moyens prohibés pour faire triompher leurs idées paraîtraient-ils plus sympathiques que ceux qui se servent les premiers ? De Savonarole à Staline, la liste est longue des tyrans « désintéressés » !

Pierre Rigoulot, le 31 mars 2025

2 Avr 2025


Programmation artistique riche et éclectique ces 14 et 15 septembre à la Fête de L’Humanité : Calogero, Louise Attaque, MC Solaar, Angélique Kidjo et beaucoup d’autres chanteurs et groupes musicaux parmi lesquels certains détonnent notablement : HEUSS L’ENFOIRE, KALASH CRIMINEL, LES VULVES ASSASSINES, VOYOU, VLADIMIR CAUCHEMAR …

CAUCHEMAR se dissimule sous un masque à tête de mort, VOYOU joue un personnage, LES VULVES ASSASSINES en veulent à mort à ladite extrême droite, KALASH CRIMINEL, lui,« fustige de son verbe cru, dru, la rude condition imposée aux cités populaires » (L’Humanité, 1er mars 2019). Il vivait alors à Sevran.

Le rappeur franco-congolais s’est fait connaître en 2018 sur les réseaux sociaux avec son clip « Cougar gang » moquant sans détour le couple présidentiel. D’où succès (deux millions de vues !), fortune, déménagement et créations d’entreprises fort rentables (disques, parfums, vêtements), qui lui permettent de soutenir des associations de lutte contre la pauvreté …Sa « réussite » et sa générosité font, paraît-il, la fierté de son ancien quartier. Il y revient, de temps en temps, pour tourner des clips d’épouvante : lui et ses potes, tous en cagoule et en

treillis, couteau ou kalachnikov (des vraies ?) en main, hurlant « Sauvages ! Sauvages ! Sauvages ! » ou « T’es mort, t’es mort, t’es mort ». « Ce que je dis est violent parce qu’on vit dans un monde violent … je retranscris » explique-t-il (22/11/2018) à l’AFP, laquelle salue « sa rage sur fond d’histoires de violence et de sexe, avec talent et second degré » (bien sûr !)

Ses fan’s prennent feu et flamme sur les « réseaux » : « Les autres menacent avec un pistolet et lui,  il menace avec une grenade » – « Quand j’écoute Kalash, j’ai envie de braquer mon voisin » -« On l’écoute en New Calédonie » – « Sauvagerie absolue » – « Roi des sauvages comme Attila », etc., etc..

KALASH a des amis choisis : « Je connais très bien Hadama Traoré, un ex-rappeur. J’ai enregistré mes premiers sons dans le studio qu’il fréquentait, à Saint-Denis. Il avait adoré mon rap » (Le Parisien , 19/11/2018).

… Voilà les gens que met en scène L’Humanité, par rivalité électorale avec l’intempérant Mélenchon : de faux rebelles mais vrais porteurs de haine raciale (ici anti-Blancs), des individus sans scrupules, arrivistes et cyniques qui « racisent » les habitants des banlieues et les auto-stigmatisent. Au moment même où la France est endeuillée et révoltée contre la succession d’agressions et de meurtres envers des enfants, des gardiens de la paix, des agents municipaux, des soignants, de simples passants …

« Mes frères pourraient te le dire, depuis petit je tabasse

Mon côté sauvage a pris le dessus, mec dangereux et tenace »

(KALASH CRIMINEL, single « Enterrez-les », 2017)

« Je rêve de la démocratie

Mais j’ai un comportement dictateur »

(« T’es mort », 2017)

« Le respect c’est quand tout le monde se tait quand je parle » (KALASH)

(KALASH aime se faire photographier assis sur un trône, comme le tyrannique Mobutu.)

D’une certaine façon, à rebours du vrai respect, celui des subordonnés envers les autorités légitimes, et réciproquement, les irresponsables de la Fête de L’Humanité  continuent à vénérer la violence et la domination, germes de totalitarisme. 

Guy Barbier, le 13 septembre 2024 

12 Sep 2024


Réponse à: RN et LFI : Quelle immigration peuvent-ils? Quelle immigration veulent-ils?

Cher Pierre,

Je te remercie pour la réponse que tu as rédigée et qui m’a beaucoup intéressé.

 Avant de te répondre sur le fond du sujet, je tiens à formuler quatre précisions :

1) Quand je parle de l’immigration, je parle non pas de la population issue des flux immigratoires antérieurs mais, comme la plupart des analystes d’ailleurs, du flux immigratoire. 

2) Ce n’est pas parce que le RN dit NOIR sur un sujet qu’il faut nécessairement dire BLANC sur le même sujet. Une attitude que l’on peut qualifier de contrepied systématique. Ce n’est pas parce que le RN accepte le droit à l’avortement qu’il nous faudrait combattre le droit à l’avortement. Ce n’est pas parce que le RN est favorable à l’énergie nucléaire qu’il nous faudrait nous y opposer. Ce n’est pas parce que le RN est hostile au wokisme qu’il nous faudrait nous y rallier. Ce genre de positionnement mécanique est ridicule et contreproductif. Il interdit tout débat constructif 

Tu auras remarqué que LFI ne justifie en aucune façon son hostilité au RN par le modèle politique dont celui-ci est porteur : celui d’une démocratie illibérale comme celle que maintient depuis 2010 en Hongrie Victor Orban (le grand ami de Bardella, de MLP et du RN), ou celui d’une dictature totalitaire comme celle qui prévaut à Moscou depuis 2012. LFI se garde aussi de justifier son hostilité au RN pour ses alliances internationales. 

Au total, l’hostilité de LFI au RN est relative au seul programme du RN en matière de migrations. Une fois cela fait, LFI vient jouer ensuite du contrepied systématique : quiconque exprime une inquiétude sur l’ampleur du flux immigratoire et sur ses divers impacts négatifs se voit ostracisé par LFI comme étant pro-RN. J‘ai eu moi-même l’occasion de le constater personnellement en discutant récemment avec des partisans de LFI.

3) Par ailleurs pour ma part, je refuse de considérer le RN comme dédiabolisé. MLP s’est livrée depuis plusieurs années, à une grande opération de communication en ce sens mais je n’en suis pas dupe du tout. Il demeure beaucoup trop de personnages sulfureux, racistes et antisémites, dans l’entourage immédiat de MLP et de Bardella pour admettre une véritable dédiabolisation du RN.

4) Il est indispensable que chacun clarifie ce qui constitue son opposition principielle au RN. Pour ma part, mon opposition qui est principielle au RN est basée d’abord et avant tout sur le modèle politique dont il est porteur et qu’il manifeste à travers ses proximités internationales : proximité avec Orban, proximité avec Salvini (plutôt qu’avec Meloni) en Italie, proximité avec Trump aux Etats-Unis (avant comme après son coup d’Etat de janvier 2021), proximité avec Poutine (avant comme après l’invasion de l’Ukraine en février 2022). En cas de victoire électorale absolue (victoire à la présidentielle et majorité absolue à la Chambre des députés), le RN, parvenu au pouvoir, ne manquerait pas de porter atteinte à nos traditions démocratiques et d’embarquer, par toutes sortes de réformes institutionnelles, notre pays dans le sillage de son allié Orban, vers une démocratie illibérale. 

C’est ce qui s’est confirmé dans la très courte période entre les européennes et le premier tour des législatives quand Bardella, trop assuré d’un triomphe prochain du RN aux législatives, a soudainement levé le masque et annoncé entre autres choses le projet RN de privatiser les chaînes publiques et de remettre en cause le Conseil Constitutionnel.

Une fois ces quatre précisions apportées, je me pose la question que chacun devrait se poser : qu’est ce qui est à la base des succès électoraux répétés et croissants du RN ?

J’observe qu’une grande partie de nos concitoyens s’inquiète, très légitimement, du terrorisme islamiste (celui de l’Etat islamique mais aussi celui, plus diffus, qui a assassiné un prêtre, des professeurs, de nombreux militaires, gendarmes et forces de police et qui cible et attaque la communauté juive à répétition). Les attentats au couteau qui se multiplient en France (et ailleurs en Europe) finissent par devenir synonymes d’ attentat islamiste, tellement souvent l’enquête aboutit en pareil cas à conclure à une inspiration islamiste.

De même, une grande partie de nos concitoyens s’inquiète légitimement de l’insécurité qui prévaut dans les zones où la population issue de l’immigration est devenue majoritaire (cas extrêmes :  celui de l’attaque d’un commissariat de police de banlieue ou celui des émeutes urbaines simultanées de juin et juillet 2023). 

Ces mêmes citoyens s’inquiètent des atteintes répétées à la laïcité dans nos écoles publiques et dans nos hôpitaux publics et des campagnes organisées par les islamophiles pour le droit à porter la burqa dans la rue, pour le port du voile à l’école, pour le port de l’abaya à l’école…

Peut-être à tort, peut-être à raison (qui peut le dire puisque les études à caractère ethnique restent prohibées en France depuis 1945), ces nombreux citoyens établissent alors un lien entre les évolutions évoquées ci-dessus d’une part et d’autre part la proportion très rapidement croissante dans la population totale de la population qui est issue de l’immigration. Ils en concluent que restreindre davantage, d’une façon ou d’une autre, le flux immigratoire serait une bonne chose parce qu’elle limiterait ces évolutions dévastatrices.

Assez normalement, ces citoyens regardent alors quel parti se manifeste le plus proche de leurs inquiétudes et de leurs souhaits. LFI leur tourne complètement le dos car elle se réjouit publiquement du flux immigratoire (depuis 2022, Mélenchon se réjouit publiquement de la créolisation) et elle s’oppose à la Chambre à toute proposition visant à restreindre le flux immigratoire. Les partis de gauche (PS, PCF, écologistes) sous la menace d’être ostracisés par LFI s’interdisent eux aussi de soutenir tout projet de restriction du flux immigratoire. Quant aux partis macronistes ou aux partis de droite, ils se montrent très prudents en cette matière par peur d’être eux-mêmes ostracisés comme pro-RN par LFI et par la gauche et aussi par certaines organisations humanitaires. Malheureusement pour nous, ces citoyens inquiets font alors la constatation que le RN est de très loin le parti le plus ardent à restreindre le flux immigratoire. 

Les partis hors RN ont eu l’immense tort de laisser au RN l’exclusivité de la restriction du flux immigratoire. Pire même, ils ont fait en sorte d’occulter le plus possible cette question : un débat démocratique sur l’ampleur du flux immigratoire est pourtant tout aussi justifié qu’un débat démocratique sur l’énergie nucléaire ou sur la parité hommes/femmes.

En laissant au RN l’exclusivité de la question migratoire, on a l’a laissé capitaliser électoralement le mécontentement lié aux conséquences d’un flux immigratoire excessif. Le vote RN ne cesse d’augmenter d’élection en élection. 

Si la France continuait à rester passive à l’égard du flux immigratoire, elle se placerait donc dans la pire des configurations : le flux immigratoire, en restant trop conséquent, amplifierait les problèmes évoqués, ce qui offrirait demain un ascenseur électoral au RN jusqu’à lui assurer un triomphe où il emporterait à la fois la présidentielle et la majorité absolue à la chambre. C’est d’ailleurs ce à quoi nous avons échappé de peu au début de l’été 2024 ; la tactique de désistement réciproque entre partis non-RN a permis d’éviter le pire.  Mais quid si le vote RN devait continuer à progresser ?

J’espère t’avoir répondu cher Pierre et j’espère aussi avoir mieux fait comprendre l’intérêt de ma proposition. Elle me paraît indispensable si l’on veut vraiment empêcher le RN de parvenir au pouvoir et de nous imposer ensuite son projet de démocratie illibérale.  

 Jean Francart, le 26 août 2024

6 Sep 2024


Qu’est-ce qui a le plus marqué l’actualité du mois d’août? Osons enfoncer une porte ouverte : les vacances. Vacances du pouvoir, avec un gouvernement démissionnaire assurant les affaires courantes et gérant bien des Jeux Olympiques indéniablement porteurs de calme, de joie et même de fierté au coeur de nombreux Français.


Lors de la cérémonie de clôture, Emmanuel Macron avait gagné son pari. En veut-on une preuve ? Aucun sifflet ne l’accueillit. Eh oui, en France, c’est un signe et un bon signe pour le Président.

Après avoir joué cette carte du calme, le Président tente de la rejouer. Dans un avenir proche, il proposera aux Français un Premier ministre évoluant dans le calme, c’est à dire un Premier ministre qui ne tombera pas au bout de quelques semaines sinon au bout de quelques jours sur une motion de censure. Son gouvernement ne comportera donc pas un seul membre de LFI ni du RN (pour autant que ce parti souhaite faire partie d’une équipe gouvernementale, ce qui est très douteux). Et le chef du gouvernement lui-même ne sera pas un ministre issu des rangs du « Nouveau Front Populaire » – sauf s’il rompt avec l’extrême-gauche mélanchoniste de LFI ou s’en démarque – mais plutôt une personnalité « extérieure » de centre gauche comme Bernard Cazeneuve ou Martin Hirsch ou de centre-droit comme Xavier Bertrand.


Autant de propositions calmes pour un avenir (relativement) calme. Sans doute des problèmes graves devront-ils ensuite être posés sinon résolus touchant à l’amélioration de la sécurité publique, aux conditions de l’immigration, à une réforme de la fiscalité ou à la réforme des retraites -acquises – pourquoi pas ? – soit par points comme l’avait un temps envisagé le président de la République soit par choix individuel au cours d’une période de 10 ans.


En tout cas, on s’éloigne des catastrophes annoncées voire souhaitées par certains d’entre nous. Les tenants d’une ligne complaisante envers les mouvements totalitaires comme le Hamas ou avec l’impérialisme russe, seront, selon toute vraisemblance, écartés.


Autre bonne nouvelle : le rééquilibrage des forces dans la course à la présidence américaine. Ce n’est pas que Mme Kamala Harris puisse susciter beaucoup d’enthousiasme ni son équipe rapprochée, laquelle l’avait désignée avant même que les électeurs du Parti démocrate se prononcent en sa faveur. Mais désormais les jeux ne sont pas faits aux Etats-Unis. Les débats sur des thèmes importants auront lieu sans être défigurés par la question de l’âge de Joe Biden ou de ses absences mentales ni par les différents procès promis à Donald Trump. Elles porteront sur l’immigration, le wokisme, les rapports entre les Etats de l’Union et la présidence fédérale. Elles porteront aussi sur le soutien à Israël qui en manque cruellement, à l’Ukraine (même remarque que précédemment), et sur l’avenir de l’OTAN sans qu’on s’inquiète de résultats aussi assurés qu’inquiétants. Les jeux ne sont pas faits, répétons le, et le pire n’est plus probable. Le trumpisme ne fait plus la course largement en tête. Une fois de plus on comprend que l’histoire dépend aussi du hasard et des initiatives individuelles. On peut en attendre d’autres encore. Et si l’on ajoute la visite du Premier Ministre indien à Kiev le 23 août, et l‘offensive ukrainienne lancée sur Koursk il y a une dizaine de jours, on peut même se permettre de se réjouir d’une actualité plus heureuse. Cela ne nous était pas arrivé depuis longtemps. La situation reste fragile cependant, en France, en Israël, aux Etats-Unis et ailleurs. Le hasard et les initiatives individuelles qui peuvent perturber la marche au pire peuvent du jour au lendemain perturber l’avenir des démocraties.

Pierre Rigoulot

26 Août 2024


Revel coupable, forcément coupable

Par Henri Astier et Pierre Boncenne

Publication originale sur medium, 11 juillet 2024

Jean-François Revel, président de l'Institut d'histoire sociale de 1998 à 2006
Jean-François Revel, président de l’Institut d’histoire sociale de 1998 à 2006

En juin, une enquête de Libération révélait une affaire de pédophilie sans précédent. Des personnalités du Paris des années 1970 et 1980 étaient accusées d’actes sexuels commis sur des enfants. Notre première réaction fut le choc. Mais après avoir analysé cette série d’articles, intitulée “Les hommes de la rue du Bac”, nous avons décidé de mettre ici le mot “enquête” entre guillemets.

Le dossier repose sur le témoignage d’une femme, Inès Chatin, qui affirme avoir subi de sordides sévices lorsqu’elle avait entre quatre et treize ans. Les hommes mis en cause sont, par ordre alphabétique: l’avocat François Gibault ; le fondateur du magazine Le Point Claude Imbert ; le médecin et père adoptif de la victime Jean-François Lemaire ; l’écrivain Gabriel Matzneff ; le philosophe et essayiste Jean-François Revel.

Ce dernier, auteur de best-sellers mondiaux dont La Tentation totalitaire (1976) et membre de l’Académie française, est de loin la personnalité la plus éminente des cinq. De 1978 à 1981 il dirigea L’Express, qui lui consacra en septembre dernier un hommage de quatre pages (signées Gaspard Koenig).

Bien que décrit par Libération comme “moins inféodé à la vie du groupe” que les autres, Revel partage la vedette dans toute la présentation de l’“enquête” avec Matzneff, le diable répulsif. Matzneff et Revel n’avaient aucun lien. Mais un chapeau introductif, en caractères gras, commence par leurs deux noms, et annonce des révélations “sur des intellectuels en vue des années 70 et 80”. Revel est le seul des accusés qui puisse être qualifié ainsi. Il est mis en avant jusqu’au bout, assurant le retentissement de l’“enquête”.

Notre présent article porte donc uniquement sur les faits visant Jean-François Revel, et non sur ceux reprochés aux autres accusés. Libération procède par une accumulation d’amalgames, d’insinuations et de télescopages extravagants tendant à l’impliquer.

Ainsi le journal cite un article du Monde lors de la mort de Revel en 2006, le résumant à “la figure de Socrate”. Cette formule se référait clairement à la sagesse du philosophe. Mais Libération lui donne un tout autre éclairage, puisque dans la foulée intervient une citation où Matzneff prône “la fonction socratique de l’adulte”, soit l’émancipation sexuelle de l’enfant. Le sophisme se réduit à: Revel a été comparé à Socrate ; Socrate aimait les jeunes garçons, tirez vos propres conclusions…

Selon le récit d’Inès Chatin, son père adoptif, le Dr Lemaire, conviait ses amis à des séances où on la violait avec des objets, ainsi que d’autres enfants. Parmi les hommes masqués assistant à ces actes atroces, elle dit avoir reconnu notamment Revel grâce à sa corpulence et son odeur. Dans les années 1980, Revel disparaît du témoignage et les outrages décrits par la victime prennent la forme de viols, qui auraient été perpétrés par Claude Imbert, ami de jeunesse de Lemaire, et Matzneff.

Libération écarte d’emblée l’hypothèse d’une mémoire défaillante, malgré une abondante littérature sur le caractère malléable du souvenir. Le journal cite le psychologue chargé d’examiner la plaignante: “Mme Chatin n’a pas souffert d’amnésie traumatique concernant ce qu’elle a vécu,” certifie l’expert. Si elle “a refoulé une partie de ce vécu”, ajoute-t-il, un travail thérapeutique lui permettra à terme de l’affronter. On comprend que le thérapeute, dont le rôle est d’accompagner une personne traumatisée, ne mette pas en question ses dires. Mais l’enquêteur, dont la mission est l’établissement de la vérité, ne saurait s’en tenir là.

Pour l’investigateur, prendre au sérieux la victime signifie chercher à étayer les allégations. Le travail de recoupement est particulièrement important quand il s’agit d’un crime immonde impliquant une personnalité qui n’a auparavant jamais éveillé de soupçons et se retrouve ainsi clouée au pilori.

Examinons un à un les éléments convoqués dans l’“enquête” contre Revel:

– Grand cas est fait de son amitié avec Claude Imbert. Le portrait que Libération dresse de Revel commence ainsi: “Partout où l’on trouve Claude Imbert, ou presque, apparaît Jean-François Revel, qu’Inès Chatin cite dans son récit comme faisant partie du groupe d’hommes lui ayant imposé des sévices sexuels.” Quelques lignes plus bas, il est question de la “complicité de l’inséparable duo Imbert-Revel” (c’est nous qui mettons les italiques).

Le lien entre les deux hommes est indéniable. Après avoir démissionné de L’Express, Revel fut longtemps chroniqueur au Point. Mais en vertu de quoi Libération laisse-t-il supposer une connivence allant au-delà de l’amitié et la convergence de vue ?

L’inanité d’une telle imputation éclate à la fin de ce “profil”, où il est dit que Revel fut l’invité du couple Imbert dans leur résidence en Suisse — maison “où Inès Chatin raconte avoir été violée par Claude Imbert”. Des vacances sur le lac Léman sont ainsi transformées en présence sur les lieux du crime !

– Sur les agendas du Dr Lemaire — couvrant la période de 1959 à 1985 — Imbert apparaît 133 fois et Revel à 2 reprises. Deux fois en plus de 25 ans : c’est encore trop ! Par ailleurs le Dr Lemaire, qui fréquentait beaucoup les milieux de la politique, des lettres et de l’édition, organisait des repas à son domicile rue du Bac. Comme preuve à charge de la présence de Revel, Libération montre une photo du livre d’or de l’une de ces réceptions. Juste au-dessus de son nom, l’“enquête” ne semble pas avoir remarqué celui de son épouse Claude Sarraute. Il s’agissait visiblement d’un dîner mondain. Et alors ?

– Libération a trouvé une preuve de la culpabilité de Revel en la personne de son ami et ancien condisciple de khâgne puis de Normale sup René Schérer, dont il a édité en 1974 un livre chez Robert Laffont, Émile perverti.

L’“enquête” note que Schérer a “défendu publiquement la pédophilie, avec d’autres”. Quels autres ? Au passage, on serait curieux de savoir pourquoi le journal ne mentionne pas que Schérer était une figure célébrée par la gauche radicale. Rien non plus sur ses liens très proches avec l’un de ses jeunes élèves, Guy Hocquenghem, qui deviendra un brillant et sulfureux collaborateur de… Libération (ils ne s’en cachaient pas et écrivirent des livres ensemble). En revanche l’“enquête” ne manque pas de rappeler que Schérer fut mis en cause dans l’affaire du Coral, centre éducatif soupçonné en 1982 de cacher des pratiques pédocriminelles. Mais le journal d’investigation accusatrice se garde d’ajouter qu’en l’occurrence René Schérer fut innocenté par la justice.

Quant à Émile perverti, prétendre que l’essai prêche la pédophilie relève de la fumisterie. Il s’agit en effet d’une analyse critique des rapports adultes-enfants voisine de thèses soutenues à l’époque par Gilles Deleuze ou Michel Foucault. Ces propos sont sans doute contestables aujourd’hui. Mais Revel publia le livre dans une série qui faisait suite à sa fameuse collection “Libertés” où il accueillit, tous genres et époques confondus, des textes à caractère polémique: Pascal, Diderot, Hugo, Balzac, Sade, Zola, Michelet, Marx, Bakounine, Trotski, Gracq, et même le pape Pie IX, furent de la partie.

– L’“enquête” indique que Revel, Imbert, et Lemaire étaient membres du Club des Cent. De quoi l’appartenance à même cercle gastronomique est-elle le signe, à part un amour commun de la bonne chère ? Des membres passés ou présents tels que Bernard Pivot, Philippe Bouvard ou Erik Orsenna sont-ils eux-aussi suspects ?

Libération souligne le caractère exclusivement masculin de ce “Who’s Who interdit aux femmes qui organisait des ripailles chez Maxim’s”. Faut-il conclure à un repaire de phallocrates, voire de pédophiles ? Dans un autre registre, l’“enquête” jette la suspicion sur les dîners du club Le Siècle ou la Brasserie Lipp — des lieux où, comme chacun sait, jamais un représentant de Libération n’a mis les pieds.

– Autre point commun supposé entre Revel et Lemaire: le gastronome de la Rome antique Apicius. Après un dîner fastueux au domicile de Lemaire, Matzneff a inscrit sur le livre d’or: “Apicius ressuscité rue du Bac”. Libération enchaîne sur ce souvenir d’Inès Chatin: “Gaston parlait souvent de l’Apicius de Revel et Imbert, sans que je ne comprenne ce qu’il voulait dire à l’époque.”

Via les agapes de la rue du Bac, Libération parvient à lier le nom de Revel au plus ténébreux des invités, Matzneff, en croisant deux références latines !

Le journal aurait aussi pu faire remarquer que Revel évoque bien entendu Apicius dans son histoire de la gastronomie Un Festin en paroles. L’“enquête” note d’autre part que Revel et Imbert se sont associés un jour pour composer au restaurant L’Archestrate un menu en l’honneur de leurs compères du Club des Cent. Mais le journal si bien informé néglige le fait que le chef multi-étoilé de cet établissement, Alain Senderens, proposait à sa carte un plat emblématique: le “Canard Apicius”. Faut-il ajouter Senderens à liste des prévenus ?

– Un exemplaire du Moine et le Philosophe, livre d’entretiens entre Revel et son fils Matthieu Ricard, a été retrouvé au domicile de Lemaire, dans une pièce où étaient également conservées des copies dédicacées d’ouvrages de Matzneff.

Gare à tous les auteurs dont les livres se trouveront mal placés sur les étagères d’un bibliophile dépravé.

– L’“enquête” de Libération insiste sur le culte qu’auraient voué Lemaire et ses complices à la civilisation gréco-romaine dans ses aspects les plus discutables, comme on l’a vu. Le journal précise que les tourmenteurs d’Inès Chatin ont “accumulé les références à l’Antiquité, égrenées de chroniques de journaux en interviews, et jusque dans leurs propres livres”.

Confortons Libération dans cette voie: Revel est l’auteur d’une Histoire de la philosophie occidentale dont la moitié est consacrée aux penseurs grecs et latins. On n’ose pas faire remarquer que Simone Weil fait également partie des philosophes qui ont fait l’éloge du monde hellénique. Et que dire de la merveilleuse Jacqueline de Romilly, une des collègues Revel à l’Académie ?

– L’“enquête” indique que Jean-François Revel est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris, non loin d’une femme qui aurait facilité l’adoption d’Inès Chatin dans des conditions douteuses. Les implications de ce grave indice sont déployées par Libération en trois temps.

Premier temps: l’article consacré à la procédure d’adoption, publié en ligne le 15 juin, évoque la possibilité que l’enfant ait été choisie par Lemaire en vue de futurs sévices. Après avoir souligné la proximité des deux tombes, l’article termine sur cette phrase d’Inès Chatin: “Trop de coïncidences.”

Deuxième temps: une “précision” est ajoutée à l’article le 16 juin ; Nicolas Revel, fils de Jean-François, “indique s’être occupé en 2006 de la concession de son père au cimetière du Montparnasse. Aucun rapprochement ne peut être établi selon lui de sa proximité avec la sépulture [de cette femme], puisque le décès de Jean-François Revel est postérieur à celui de l’«entremetteuse».”

Libération laisse donc à Nicolas Revel la responsabilité de l’hypothèse selon laquelle la présence de deux tombes dans un lieu où sont enterrées des centaines de célébrités pourrait être une pure coïncidence.

Troisième temps: la référence au cimetière du Montparnasse disparaît de la version papier de l’“enquête”, tout en étant maintenue, assortie de la note ci-dessus, dans l’article en ligne.

Suggérons au journal un quatrième temps: Samuel Beckett et Emil Cioran, deux amis intimes dont l’un fut aussi proche de Revel, sont enterrés dans ce même cimetière. Comme par hasard, la correspondance entre l’écrivain en question et Revel a brûlé en Bretagne. Libération pourrait peut-être enquêter de ce côté-là…

Une investigation digne de ce nom suit une piste par un enchaînement d’indices crédibles et de déductions logiques. On a ici affaire à une accumulation de montages que rien ne relie, sinon le désir d’incriminer Jean-François Revel. Ces procédés rappellent ceux du procureur de l’affaire Callas, qui transformait les soupçons les plus ténus en “quarts de preuve” pour les additionner et en faire des preuves entières.

Le même relent de parti-pris se dégage du portrait intellectuel brossé par Libération. Les faits de pédocriminalité imputés ne sont, semble-t-il, pas assez infamants par eux-mêmes: il faut que les coupables soient également des suppôts du conservatisme le plus obtus. Le journal prête à Revel la thèse que l’URSS serait “indestructible”. Dans quel livre ? À quelle page ? Libération décrit en outre la bande des incriminés ainsi: “Soudés par leur proximité avec le pouvoir giscardien, ces hommes sont aussi devenus ensuite les mégaphones d’une droite farouchement anticommuniste, réactionnaire et empreinte de catholicisme.”

Par surcroît, Jean-François Revel “confirme peu à peu son libéralisme économique, de plus en plus provocateur, résolument tourné vers l’Amérique”. Anticommunisme, ultralibéralisme, pro-américanisme: Revel cumule toutes les tares de l’homme de droite honni par Libé.

Un tel portrait est une grossière caricature. Revel n’a jamais été un homme de pouvoir, et a encore moins fréquenté les milieux catho-tradi. Cet athée convaincu a brocardé la droite dévote dans l’Italie des années 1950 et dans la France gaulliste. Empreint de l’esprit libertaire de 1968, il s’est toujours revendiqué des valeurs traditionnelles de gauche. Patron de L’Express, il défendait ses journalistes contre l’ire des ministres giscardiens.

Libération ne dit rien de son engagement dans la Résistance, de son soutien au Manifeste des 121 contre la guerre d’Algérie ou de ses attaques contre la Nouvelle Droite fascisante des années 1980. Le journal se concentre sur son anticommunisme, comme si c’était une tache ! Revel fut de tous les combats antitotalitaires, au même titre que George Orwell, Hannah Arendt, Karl Popper, Arthur Koestler, Raymond Aron ou Simon Leys — et contrairement à un journal fondé par des maoïstes.

Le procès idéologique fait à Jean-François Revel n’est pas nouveau. Depuis longtemps, la gauche jacobine assimile le libéralisme, dont il fut le plus éloquent défenseur français de son époque, à l’ultradroite. En 1998, Libération traitait Revel de réactionnaire aigri par l’alcool. La nouveauté, c’est l’accusation de perversion criminelle — accusation qui occupe désormais, et sans doute à jamais, une place de choix sur sa fiche Wikipédia.

Le journal, dira-t-on, donne voix à une femme qui ne peut obtenir pleine justice quatre décennies après les faits, mais demande que ses tortionnaires soient identifiés. Cette attente est on ne peut plus légitime. Y répondre consiste à fortifier son témoignage en éclairant les zones d’ombres qu’il contient: souhaitons que l’Office Mineurs, qui a été saisi, fasse toute la lumière. Mais Libération n’a en rien contribué à cette issue. Si Revel est un monstre, il n’en a pas apporté la moindre démonstration dans cette “enquête”. En échafaudant les constructions les plus absurdes, le journal n’a démontré que sa malhonnêteté.

Henri Astier est journaliste à la BBC et collaborateur du Times Literary Supplement. Pierre Boncenne, écrivain, a notamment publié Pour Jean-François Revel et Le Parapluie de Simon Leys.

2 Août 2024


Limiter le flux des migrants pour empêcher le RN d’accéder au pouvoir

De la vague migratoire à un surgissement généralisé de l’extrême-droite

Depuis 30 ou 40 ans, on est en présence d’une vague migratoire considérable des pays du Sud vers les pays du Nord (vers les Etats-Unis, vers le Canada et plus encore vers l’Europe), une vague qui s’amplifie et qui a vocation à s’amplifier. Cela est dû à plusieurs facteurs : la stratégie mercantiliste de la Chine qui prive les pays du Sud de toute industrialisation ; la conjugaison mortifère qui prévaut en Afrique entre la surnatalité et le changement climatique ; enfin l’apparition récente de nouvelles dictatures totalitaires (Afghanistan, Syrie, Erythrée, Ethiopie, sans oublier ceux des pays du Sahel qui sont désormais sous la botte du KGB). 

Dans la plupart des pays européens, on en arrive à un stade où le flux migratoire annuel s’amplifie encore et ce alors même que, déjà, la proportion des personnes issues de l’immigration récente dans la population totale n’a jamais été aussi élevée.

Par ailleurs, en Europe en tout cas, il s’agit pour l’essentiel d’immigrés et de migrants qui sont de religion musulmane. Ils restent en général attachés à pratiquer leur religion comme dans leur pays d’origine où l’islam y est une religion politiquement dominatrice ; cela ne facilite pas leur intégration dans leur pays d’accueil et contribue à ce que se développe un communautarisme élevé. En France, une petite fraction de cette communauté peut même être qualifiée d’islamiste dans la mesure où elle préconise un Islam politique qui vise en particulier à abolir notre laïcité.

A mesure que cette évolution migratoire se poursuit et s’accentue, on assiste à une réaction de rejet de la part d’une fraction croissante des populations d’origine. Cette fraction de la population se tourne alors vers le ou les partis politiques qui affirment s’opposer à ce que l’immigration reste aussi intense. Pour diverses raisons, ni les partis de gouvernement (droite, centre, gauche), ni encore moins l’extrême-gauche ne se saisissent de cette question. Seule l’extrême-droite se propose et en tire alors facilement un large bénéfice électoral. 

C’est ce qui explique le surgissement supplémentaire de l’extrême-droite intervenu aux élections européennes de juin 2024 : en Allemagne (AFD), en Autriche (FPO), aux Pays-Bas (Wilders), en Belgique (y compris en Wallonie), et surtout en France (RN), la progression est fulgurante.

Simultanément, on a vu surgir aux législatives britanniques, un parti d’extrême-droite, le nouveau parti Reform UK de Nigel Farage (un pion que Poutine avait instrumentalisé une première fois pour faire triompher le Brexit) réussir une percée électorale immédiate et se placer sans délai comme le troisième parti du Royaume-Uni par le nombre de voix avec 14,3% non loin du deuxième parti, le parti conservateur, avec 23,7% des voix.

N’oublions pas que, parallèlement, les sondages aux Etats-Unis créditent Trump d’une victoire prochaine aux élections de novembre 2024 et que le succès, qui lui semble promis en dépit même de sa tentative de coup d’Etat de janvier 2021, s’alimente beaucoup à une réticence trop prolongée de Biden à réduire le flux migratoire annuel vers les Etats-Unis. 

Il faut absolument trouver une solution à ce problème général 

Nous sommes désormais dans une configuration où nos démocraties libérales, du fait du facteur migratoire, voient surgir des partis d’extrême-droite, c’est-à-dire des partis qui projettent de se débarrasser de la démocratie libérale pour instaurer une démocratie illibérale comme celle d’Orban en Hongrie ou une dictature totalitaire comme celle de Poutine en Russie. Ce n’est pas du tout un hasard si le RN vient de rejoindre le FPO autrichien, le PIS polonais et le Fidesz de Orban pour siéger dans le même groupe au Parlement européen de Bruxelles. Ce n’est pas du tout un hasard non plus si Poutine s’est empressé de féliciter le RN pour son résultat au premier tour des élections législatives. Depuis qu’en 2015 Marine le Pen a reconnu comme légitimes l’invasion puis l’annexion de la Crimée par la Russie, elle n’a cessé de jouer, plus ou moins ouvertement, le jeu de Poutine.

Quelle est la clé du succès électoral de l’extrême-droite européenne ? Elle a compris que les populations d’origine avaient une réticence marquée à l’égard de la population d’origine étrangère. Constatant que les autres forces politiques se désintéressaient de ce sujet ou optaient pour le passer sous silence, elle a choisi d’instrumentaliser la question migratoire pour se hisser au sommet du pouvoir. Et les extrême-droites européennes savent fort bien que le temps joue en leur faveur. Tant que le flux migratoire reste à un niveau aussi élevé dans chaque pays concerné, le parti d’extrême-droite s’en trouve mécaniquement renforcé.

Le jeu des acteurs extérieurs

Ce surgissement de l’extrême-droite est amplifié par le jeu de certains acteurs extérieurs :

Les « Frères musulmans » mènent toutes sortes de campagnes communautaristes (port du voile, port de la burqa, port de l’abaya, contre l’enseignement de la Shoah à l’école, manifestations encouragées lors d’incidents mettant en cause la police, lancement du faux concept d’islamophobie de façon à pouvoir taxer de racistes les initiatives prises pour que les musulmans respectent notre laïcité…). Par ces campagnes les Frères musulmans visent à renforcer le communautarisme. Et à son tour, cela accentue encore la progression électorale de l’extrême-droite (en France, l’épisode des émeutes de banlieue en juillet 2023 a sans aucun doute joué un rôle majeur dans la forte progression électorale du RN entre avril 2022 et juin 2024).

– Poutine encourage l’extrême-droite à s’emparer de la thématique immigration pour qu’elle accède au pouvoir et pour qu’elle établisse un régime qui serait à la fois pro-totalitaire et pro-Kremlin. Ce n’est pas un hasard si Poutine a fait venir en Russie par avion des Africains du Sahel pour les impulser ensuite autoritairement vers la Finlande ou vers la Pologne (via les forêts de la Biélorussie). Il sait fort bien qu’en accentuant le flux migratoire, il facilite dans ces pays concernés la montée de l’extrême-droite et la déstabilisation des partis de gouvernement. Même chose d’ailleurs quand Erdogan cherche à impulser des migrants à sa frontière grecque. 

– Ce n’est pas un hasard non plus si Donald Tusk, qui vient de réussir de justesse à évincer le PIS du pouvoir à Varsovie, se donne les moyens de refouler les migrants que lui adresse Poutine. Donald Tusk sait fort bien qu’il s’agit d’une initiative indispensable s’il veut réussir à rétablir durablement la démocratie libérale en Pologne. Biden lui-même a fini par admettre récemment que sa position trop laxiste à l’égard du flux migratoire contribuait au succès électoral de Trump ; il a alors annoncé un renforcement des dispositifs logistiques à la frontière mexicaine.

La responsabilité des partis pro-démocratie

N’oublions jamais ceci : si les dictatures totalitaires de type communiste ont le plus souvent pris le pouvoir « par la rue » et par les armes, c’est souvent en exploitant les urnes que les dictatures totalitaires de type nationaliste-impérialiste se sont emparé du pouvoir. Le parti nazi avait réuni 34% des suffrages aux législatives de fin 1932 mais cela leur avait suffi pour obtenir ensuite du Reichstag en 1933 les pleins pouvoirs sans limitation de durée (grâce à Hindenburg, au patronat allemand et à la lâcheté des partis centristes). Il en fut de même au Japon : dans les années 30, la dictature totalitaire de l’amiral Tojo fut instaurée en couronnement d’un processus électoral. Dans les deux cas, après avoir accédé au pouvoir à travers les élections, le parti totalitaire a aboli toute élection pour établir une dictature totalitaire qui ne fut interrompue que par leur défaite militaire en 1945.

Face à un tel danger, les partis de gouvernement, que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, sont restés largement trop passifs. Le débat immigration est un sujet sensible dans lequel les partis politiques de gouvernement craignent de s’engager. Une question aussi importante que l’immigration et ses multiples conséquences mériterait pourtant un vrai débat démocratique. Les partis de gouvernement pratiquent la procrastination sur ce sujet et le débat immigration est en quelque sorte devenu « un débat interdit ». De simples propositions visant à réduire le flux migratoire sont très vite stigmatisées à tort comme « racistes » par de nombreuses associations bien-pensantes et plus encore par une extrême-gauche qui a définitivement opté pour soutenir le communautarisme.

L’idée selon laquelle le RN progresserait en France du fait d’une baisse du pouvoir d’achat ou d’une carence des services publics est une idée qui est largement erronée. C’est en réalité la thématique de l’immigration qui est manifestement le moteur essentiel de l’irruption du RN comme le confirment la plupart des analyses pré-électorales ou post-électorales. D’ailleurs ni les dirigeants du RN ni leurs électeurs ne s’y trompent : entre les élections européennes et les législatives, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont supprimé la plupart des mesures sociales de leur programme sans que pour autant leurs électeurs ne les sanctionnent et ne se détournent du RN…

Tant que, dans les capitales européennes et notamment à Bruxelles, les partis de gouvernement ne prennent pas à bras le corps la question de la réduction du flux migratoire, au niveau de leur propre pays comme au niveau de l’UE, l’extrême-droite continuera à progresser électoralement.

On en arrive alors en France à un choix crucial entre deux options : 

– Soit, nous réussissons à réduire le flux migratoire et nous parvenons alors à court et à long terme à empêcher le RN et ses alliés d’accéder au pouvoir ;

– Soit, nous ne le réduisons pas du tout ; nous facilitons alors une progression supplémentaire du RN jusqu’à lui permettre d’accéder au pouvoir suprême, ce qui lui permettrait d’atteindre son objectif ultime, celui de faire basculer notre pays dans une démocratie illibérale ou pire encore, dans une dictature totalitaire. En pareil cas d’ailleurs, le RN ne manquerait pas de prendre des mesures, très abruptes celles-là, non seulement contre le flux migratoire mais aussi contre les immigrés eux-mêmes, qu’ils soient récents ou anciens

Comment faire durablement obstacle au RN ?

Les élections européennes ont eu au moins un mérite, celui de sonner l’alarme pour les partisans de la démocratie libérale en Europe et en France. 

En France, un premier sursaut républicain (dont il faut se féliciter) s’est produit entre le 9 juin (les européennes) et le 30 juin (premier tour des législatives) suivi d’un sursaut supplémentaire entre le 30 juin et le 7 juillet (deuxième tour des législatives). Mais l’heure ne doit surtout pas être au triomphalisme. Dans ces trois scrutins, l’extrême-droite a réalisé des scores en voix entre 35 et 40%, ce qui reste considérable. Ce qui à l’opposé fut remarquable, c’est le réflexe défensif qui est apparu entre les deux tours chez nombre d’électeurs et dans les appareils de partis pour barrer au RN la route du pouvoir, grâce en particulier à la mécanique des désistements républicains. Grâce à ces sursauts, les partisans de la démocratie libérale disposent d’un certain temps, malheureusement limité, pour réagir et agir à plus long terme.

Tout d’abord, il s’agit d’éviter absolument de commettre une erreur qui serait colossale. Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) qui fut négocié à la hâte entre le 9 et le 13 juin dernier propose d’élargir le droit d’asile des seules victimes de persécutions politiques ou religieuses aux victimes du changement climatique. Une proposition absolument sidérante et insensée : elle ouvrirait encore plus grandes nos frontières au moment où, pour contenir le RN à long terme, il conviendrait, bien au contraire, de les restreindre significativement. 

Et LFI qui, très probablement, a dicté à l’origine cette proposition au PS, se charge maintenant d’emprisonner le PS dans cette proposition totalement inopportune en prétextant, contre toute évidence, que le vote pour le NFP n’aurait pas été un simple vote de barrage contre le RN mais serait un véritable vote d’adhésion au programme du NFP. Il faut espérer qu’une erreur aussi grossière sera évitée.

En réalité, le programme que les partis soucieux de bloquer l’accès du RN au pouvoir devraient adopter consiste à réduire le flux migratoire annuel vers notre pays. De beaux esprits réagiront à cette proposition en disant que cela ne fait qu’appliquer la politique du RN. C’est se tromper de problématique. Pour les démocrates, il serait absurde de faire systématiquement l’opposé de ce que réclame le RN ; l’enjeu est d’empêcher le RN d’arriver au pouvoir pour installer un régime détestable (une démocratie illibérale ou une dictature totalitaire) et pour opérer un renversement d’alliances de la France, se détournant de l’OTAN pour se rallier à Poutine et à ses alliés.  

Or il est une chose qui est assurée : si le flux migratoire annuel restait inchangé ou, pire, s’il s’accroissait encore, les prochaines échéances électorales verraient le triomphe en France de l’extrême-droite et son accès au pouvoir par les urnes. C’est d’ailleurs parce qu’ils entendaient s’opposer à une telle dynamique que les partis démocrates au Danemark ont entrepris de réduire le flux migratoire pour contenir l’extrême-droite. Ce qui à ce jour s’avère un vrai succès.

Jean Francart , le 18 juillet 2024

[Réponse] RN et LFI : Quelle immigration peuvent-ils? Quelle immigration veulent-ils?

Cher Jean Francart, 

Merci pour votre texte, trop long à mon avis pour favoriser un débat parmi nos lecteurs, mais clair et argumenté. 

Soucieux de voir notre blog accueillir des points de vue sans doute différents mais visant tous à défendre nos démocraties libérales, je vous fait part de mes premières réactions.

Vous proposez donc de limiter l’immigration pour ôter au RN une des sources de son succès. En somme : le RN a raison. Disons comme lui, et nous, ses adversaires politiques, profiterons alors de l’hostilité générale à l’immigration. Récupérant une partie des voix des Français hostiles à l’immigration, nous affaiblirons le RN et donc ses capacités de nuisance comme, entre autres,  la mise en place, s’il prenait le pouvoir, d’une politique étrangère complaisante envers deux ennemis majeurs de la démocratie libérale : l’impérialisme russe et l’islamisme politique.

Gardons, en somme, nos critiques envers le RN sur ses bons rapports avec Poutine et ses tendances illibérales mais approuvons son opposition à l’immigration, facteur d’insécurité, paraît-il, de refus de la laïcité, de développement du communautarisme et de l’islamisme politique.

Mais l’immigration doit-elle être rejetée si elle se limite à son niveau actuel ? Les immigrés occupent souvent des postes que les « Français de souche » refusent d’occuper dans le bâtiment, la restauration, les hôpitaux et les services à la personne. Avantageuse d’un point de vue économique, l’immigration peut aussi l’être d’un point de vue social voire culturel si nous obligeons les immigrés à tenir compte de notre droit et de nos moeurs et si nous entreprenons une politique promouvant :

– un contrôle des entrées sur notre territoire (examen des demandes d’autorisation, bon niveau de langue française, connaissance des droits et devoirs de quiconque vit en France).

– une mixité sociale plus favorisée qu’actuellement

– une rigueur accrue de la justice.

Il faut combattre l’impérialisme russe, donc le RN. Sur ce point nous sommes d’accord. Et d’accord aussi sur le fait que l’immigration peut-être, si nous n’y prenons garde, un facteur de délitement de la société françaises. Mais si nous la contrôlons et la régulons, elle peut-être un atout pour notre pays et une bonne manière de pousser la population à prendre ses distances tant avec le RN qu’avec LFI. 

Vous noterez que je ne parle pas de supprimer ni même de faire baisser drastiquement l’immigration. C’est là chose impossible sauf à rejeter à la mer les immigrants ou à tirer sur leurs bateaux. La population ne l’accepterait pas…et ni vous ni moi non plus!

Ni le RN ni LFI ne proposent, eux, de changer la nature de l’immigration. Le premier n’en veut même pas, par xénophobie, repli sur soi, exaltation d’une souveraineté nationale coupée de l’Europe, et ne veut pas reconnaître son utilité.

Le second la veut telle qu’elle est, cette immigration, et même accrue, sans combattre ses tendances communautaristes, son hostilité à la laïcité, voire son antisémitisme. Il ne veut pas voir le danger immense que fait courir à notre démocratie libérale le développement, sur un tel terreau, de  l’islamisme politique.

Vous voyez : nous désignons les mêmes adversaires politiques. Reste à savoir si, pour défendre la démocratie libérale, nous avons intérêt à tenter ce coup tordu qui consiste à partager la même cible que l’un d’entre eux. 

Pierre Rigoulot, le 25 juillet 2024

[Réponse] Flux immigratoire et projet de démocratie illibérale du RN

Cher Pierre,

Je te remercie pour la réponse que tu as rédigée et qui m’a beaucoup intéressé.

 Avant de te répondre sur le fond du sujet, je tiens à formuler quatre précisions :

1) Quand je parle de l’immigration, je parle non pas de la population issue des flux immigratoires antérieurs mais, comme la plupart des analystes d’ailleurs, du flux immigratoire. 

2) Ce n’est pas parce que le RN dit NOIR sur un sujet qu’il faut nécessairement dire BLANC sur le même sujet. Une attitude que l’on peut qualifier de contrepied systématique. Ce n’est pas parce que le RN accepte le droit à l’avortement qu’il nous faudrait combattre le droit à l’avortement. Ce n’est pas parce que le RN est favorable à l’énergie nucléaire qu’il nous faudrait nous y opposer. Ce n’est pas parce que le RN est hostile au wokisme qu’il nous faudrait nous y rallier. Ce genre de positionnement mécanique est ridicule et contreproductif. Il interdit tout débat constructif 

Tu auras remarqué que LFI ne justifie en aucune façon son hostilité au RN par le modèle politique dont celui-ci est porteur : celui d’une démocratie illibérale comme celle que maintient depuis 2010 en Hongrie Victor Orban (le grand ami de Bardella, de MLP et du RN), ou celui d’une dictature totalitaire comme celle qui prévaut à Moscou depuis 2012. LFI se garde aussi de justifier son hostilité au RN pour ses alliances internationales. 

Au total, l’hostilité de LFI au RN est relative au seul programme du RN en matière de migrations. Une fois cela fait, LFI vient jouer ensuite du contrepied systématique : quiconque exprime une inquiétude sur l’ampleur du flux immigratoire et sur ses divers impacts négatifs se voit ostracisé par LFI comme étant pro-RN. J‘ai eu moi-même l’occasion de le constater personnellement en discutant récemment avec des partisans de LFI.

3) Par ailleurs pour ma part, je refuse de considérer le RN comme dédiabolisé. MLP s’est livrée depuis plusieurs années, à une grande opération de communication en ce sens mais je n’en suis pas dupe du tout. Il demeure beaucoup trop de personnages sulfureux, racistes et antisémites, dans l’entourage immédiat de MLP et de Bardella pour admettre une véritable dédiabolisation du RN.

4) Il est indispensable que chacun clarifie ce qui constitue son opposition principielle au RN. Pour ma part, mon opposition qui est principielle au RN est basée d’abord et avant tout sur le modèle politique dont il est porteur et qu’il manifeste à travers ses proximités internationales : proximité avec Orban, proximité avec Salvini (plutôt qu’avec Meloni) en Italie, proximité avec Trump aux Etats-Unis (avant comme après son coup d’Etat de janvier 2021), proximité avec Poutine (avant comme après l’invasion de l’Ukraine en février 2022). En cas de victoire électorale absolue (victoire à la présidentielle et majorité absolue à la Chambre des députés), le RN, parvenu au pouvoir, ne manquerait pas de porter atteinte à nos traditions démocratiques et d’embarquer, par toutes sortes de réformes institutionnelles, notre pays dans le sillage de son allié Orban, vers une démocratie illibérale. 

C’est ce qui s’est confirmé dans la très courte période entre les européennes et le premier tour des législatives quand Bardella, trop assuré d’un triomphe prochain du RN aux législatives, a soudainement levé le masque et annoncé entre autres choses le projet RN de privatiser les chaînes publiques et de remettre en cause le Conseil Constitutionnel.

Une fois ces quatre précisions apportées, je me pose la question que chacun devrait se poser : qu’est ce qui est à la base des succès électoraux répétés et croissants du RN ?

J’observe qu’une grande partie de nos concitoyens s’inquiète, très légitimement, du terrorisme islamiste (celui de l’Etat islamique mais aussi celui, plus diffus, qui a assassiné un prêtre, des professeurs, de nombreux militaires, gendarmes et forces de police et qui cible et attaque la communauté juive à répétition). Les attentats au couteau qui se multiplient en France (et ailleurs en Europe) finissent par devenir synonymes d’ attentat islamiste, tellement souvent l’enquête aboutit en pareil cas à conclure à une inspiration islamiste.

De même, une grande partie de nos concitoyens s’inquiète légitimement de l’insécurité qui prévaut dans les zones où la population issue de l’immigration est devenue majoritaire (cas extrêmes :  celui de l’attaque d’un commissariat de police de banlieue ou celui des émeutes urbaines simultanées de juin et juillet 2023). 

Ces mêmes citoyens s’inquiètent des atteintes répétées à la laïcité dans nos écoles publiques et dans nos hôpitaux publics et des campagnes organisées par les islamophiles pour le droit à porter la burqa dans la rue, pour le port du voile à l’école, pour le port de l’abaya à l’école…

Peut-être à tort, peut-être à raison (qui peut le dire puisque les études à caractère ethnique restent prohibées en France depuis 1945), ces nombreux citoyens établissent alors un lien entre les évolutions évoquées ci-dessus d’une part et d’autre part la proportion très rapidement croissante dans la population totale de la population qui est issue de l’immigration. Ils en concluent que restreindre davantage, d’une façon ou d’une autre, le flux immigratoire serait une bonne chose parce qu’elle limiterait ces évolutions dévastatrices.

Assez normalement, ces citoyens regardent alors quel parti se manifeste le plus proche de leurs inquiétudes et de leurs souhaits. LFI leur tourne complètement le dos car elle se réjouit publiquement du flux immigratoire (depuis 2022, Mélenchon se réjouit publiquement de la créolisation) et elle s’oppose à la Chambre à toute proposition visant à restreindre le flux immigratoire. Les partis de gauche (PS, PCF, écologistes) sous la menace d’être ostracisés par LFI s’interdisent eux aussi de soutenir tout projet de restriction du flux immigratoire. Quant aux partis macronistes ou aux partis de droite, ils se montrent très prudents en cette matière par peur d’être eux-mêmes ostracisés comme pro-RN par LFI et par la gauche et aussi par certaines organisations humanitaires. Malheureusement pour nous, ces citoyens inquiets font alors la constatation que le RN est de très loin le parti le plus ardent à restreindre le flux immigratoire. 

Les partis hors RN ont eu l’immense tort de laisser au RN l’exclusivité de la restriction du flux immigratoire. Pire même, ils ont fait en sorte d’occulter le plus possible cette question : un débat démocratique sur l’ampleur du flux immigratoire est pourtant tout aussi justifié qu’un débat démocratique sur l’énergie nucléaire ou sur la parité hommes/femmes.

En laissant au RN l’exclusivité de la question migratoire, on a l’a laissé capitaliser électoralement le mécontentement lié aux conséquences d’un flux immigratoire excessif. Le vote RN ne cesse d’augmenter d’élection en élection. 

Si la France continuait à rester passive à l’égard du flux immigratoire, elle se placerait donc dans la pire des configurations : le flux immigratoire, en restant trop conséquent, amplifierait les problèmes évoqués, ce qui offrirait demain un ascenseur électoral au RN jusqu’à lui assurer un triomphe où il emporterait à la fois la présidentielle et la majorité absolue à la chambre. C’est d’ailleurs ce à quoi nous avons échappé de peu au début de l’été 2024 ; la tactique de désistement réciproque entre partis non-RN a permis d’éviter le pire.  Mais quid si le vote RN devait continuer à progresser ?

J’espère t’avoir répondu cher Pierre et j’espère aussi avoir mieux fait comprendre l’intérêt de ma proposition. Elle me paraît indispensable si l’on veut vraiment empêcher le RN de parvenir au pouvoir et de nous imposer ensuite son projet de démocratie illibérale.  

 Jean Francart, le 03 septembre 2024

21 Juil 2024