Benoît Rittaud, Mythes et légendes écologistes, éditions de l’Artilleur, 2023, 250p. 20 € 

Hésitations sur le nucléaire, défense de l’environnement associée à des mouvements violents, mise en cause, sans doute assez discutable, mais soutenue par une bonne partie de la population, des exigences phytosanitaires des Verts par les militants syndicalistes agricoles. Dans l’histoire de l’écologie politique, les années actuelles ne compteront pas parmi les plus glorieuses.                                                                  

Mais l’impatience des militants écologistes, leur extrémisme et leur haine de la démocratie libérale ne sont pas seulement l’effet de fautes politiques, c‘est à dire de la méconnaissance de ce que les gens peuvent accepter ou de l’indifférence à leurs réticences. Ces attitudes semblent constitutives de leur idéologie même. Les Grünen allemands se divisaient en réalistes et en utopistes. Les Verts français, eux, veulent révolutionner la société française au nom de l’urgence qu’il y a à réagir à la catastrophe qui vient, à l’apocalypse qui menace sans doute aucun.        

Benoît Rittaud, dans son tout récent ouvrage, Mythes et légendes écologistes, publié aux éditions de l’Artilleur, dénonce cette « course aux extrêmes », et l’empressement à confondre les problèmes environnementaux qui se posent à nous tous et les signes du prochain (et certain) désastre planétaire. Comme le totalitarisme, l’écologie politique veut mener une lutte à la vie à la mort contre la société « capitaliste » qui, soucieuse de profits immédiats, ignore qu’elle conduit l’humanité (comme d’ailleurs d’autres sociétés) à une catastrophe majeure. Benoît Rittaud résume ainsi, cette certitude, certes infondée mais structurant quand même toutes les actions des Verts, en énonçant leur mythe central : « sa puissance et son égoïsme de court terme conduisent l’humanité à détruire l’environnement à l’échelle planétaire, ce qui va bientôt provoquer un effondrement global que l’on ne pourra éviter (ou freiner) que par une transformation profonde de notre société ». Du haut de ce mythe, on accueille les remarques de bon sens avec mépris.                                                                                     

Même chez les savants bardés de diplômes d’aujourd’hui, un mythe se nourrit non d’expérience ni de raison mais de signes. Aussi les trouvent-ils, ces signes, et c’est pourquoi leurs appels se multiplient depuis une cinquantaine d’années, annonçant le Grand effondrement pour le lendemain ou presque. M. Guterres, le secrétaire général de l’ONU, visiblement plus catastrophé par l’effondrement climatique « déjà commencé » que par le piétinement par la Russie et la Chine des sanctions qu’elles avaient eux-mêmes votées, leur emboîte le pas et fait même mieux : l’apocalypse n’est pas pour demain : selon lui, elle a commencé hier.            

Impossible dans ce registre d’entendre raison. On admet par exemple du bout des lèvres que la surveillance des forêts s’est accrue, que les moyens engagés pour la protéger sont de plus en plus importants. Mais de là à reconnaître ouvertement que la surface forestière globale de la France progresse, il y a une marge qu’on préfèrera laisser dans l’ombre ! De même, parler d’apocalypse à venir et par notre faute, cela vous a quand même une autre gueule que prendre en considération cette idée que les variations climatiques actuelles pourraient être surtout « liées aux interactions gravitationnelles entre le soleil et les principales planètes du système solaire » ! La radio et la télévision préfèrent en général interpeler l’auditeur : la situation est grave ! Il faut faire quelque chose! une catastrophe nous menace ! L’auteur de ces lignes, souvent intéressé par ce qui se passe sur le 38 me parallèle dans la péninsule coréenne connait bien ces moues de déception quand il commente avec placidité la dernière menace de Pyongyang et l’annonce d’une possible guerre prochaine.   La promesse d’un « océan de flammes » est quand même plus excitante ! Et l’audimat monte en même temps que l’adrénaline. De la même façon, « La bien-pensante écologique exige que tout aille mal ». Nouvelle preuve de sa proximité avec le totalitarisme, cette posture écologique assimile ce qu’elle « constate » avec ce qui a une valeur éthique : le réchauffement climatique est, et c’est mal, et c’est de notre faute…

Ce petit livre de Benoît Rittaud est clair, agréable à lire, parsemé d’exemples originaux, parfois drôles et souvent scandaleux. On aimerait que ce coup de pied sanitaire dans une des bienséances idéologiques majeures de notre temps soit le point de départ d’une défense accrue de l’environnement enfin raisonnable.

Pierre Rigoulot

20 Fév 2024

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