La crise la plus grave : pénuries de modestie et d’aptitude au compromis                                                                      

On entend ici et là regretter l’absence de culture du compromis en France. Certains familles politiques y sont plus disposées. D’autres moins. On a pu s’en rendre compte en écoutant Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie les Verts, dans une interview récente, s’indigner de ce que M. Darmanin ait pu s’interroger publiquement sur l’opportunité pour l’Etat de subventionner une association – en l’occurrence la Ligue des Droits de l’Homme – qui semblait s’acharner contre son généreux donateur, l’Etat, en mettant en cause son « usage immodéré et indiscriminé de la force » contre les manifestants de Sainte-Soline..                                                                                                            

D’aucuns ont trouvé que la réaction de M. Darmanin manquait d’élégance. On  pourra trouver aussi que celle de la Ligue ne manque pas de toupet et qu’élégance pour élégance, elle aurait pu déclarer qu’elle refusait désormais de recevoir le moindre argent d’une source aussi peu honorable. Mais la Ligue est comme tout le monde. Elle a ses faiblesses, ce que semble ignorer Marine Tondelier qui, pour faire honte à M. Darmanin, lui rappelait que la  LDH était née au moment de l’affaire Dreyfus, pour défendre le célèbre capitaine injustement attaqué par tout ce que la France comptait de nationalistes chauvins et d’antisémites. Manière, sans avoir l’air d’y toucher, de suggérer de quel côté se trouvait M. Darmanin. L’attaque était un rien perfide et bien loin d’inciter au compromis. Il eut fallu pour faire preuve d’esprit de conciliation, admettre que la Ligue des droits de l’homme n’avait pas seulement tourné des pages glorieuses tout au long de son histoire, plus que centenaire. Mme Tondelier le savait-elle ? La Ligue a accepté la condamnation à mort de Zinoviev et Kamenev et de 14 autres inculpés en 1936 à Moscou, à la suite d’un « grand » procès entièrement fabriqué par le pouvoir soviétique. Raymond Rosennmark, son conseil juridique, voyait dans ce jugement « presque (sic) l’expression de la justice même »… Les coupables n’avaient-ils d’ailleurs pas avoué ? Le Président de la Ligue, Victor Basch, qui devait être odieusement assassiné avec sa femme par la Milice en janvier 1944, avait lui-même admiré « l’ordonnance, la conscience, le talent » avec lesquels l’avocat avait présenté son rapport.

Connaître ou reconnaître l’aveuglement d’au moins une grande partie de la Ligue devant une des horreurs staliniennes les plus célèbres – celle des « Grands procès de Moscou » – aurait pu inciter à plus de modestie de la part de Marine Tondelier, et à moins de réactions hostiles face aux interrogations du Ministre. Et peut-être rendre possible le dialogue et le compromis entre forces politiques.  Quand cesserons nous de nous croire mener la lutte du Bien contre le Mal ? Quand retrouverons nous le sens du débat politique dans notre pays?

Pierre Rigoulot

15 Avr 2023

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