Ocean Viking
Dans un entretien au journal Le Point, Gérard Collomb vient de dévoiler que la raison profonde de sa démission du ministère de l’intérieur en octobre 2018 tient à son désaccord avec Emmanuel Macron sur la politique migratoire : « Je veux alerter sur les enjeux fondamentaux qui sont à l’œuvre dans l’affaire de l’Ocean Viking », qui « ouvre une nouvelle brèche, créant un précédent ». Ainsi « on renforce plus le problème qu’on ne le résout, en créant un appel d’air ».
Il constate que « une fois que les migrants sont entrés sur le sol français, il est presque impossible de les en déloger ».
Il considère surtout que le laxisme fait le jeu de l’extrême droite et précise que s’il n’a rien dit avant les présidentielles, c’est pour éviter la victoire de Mme Le Pen.
N’en déplaise aux bonnes âmes, aucune école, aucune philosophie, aucun vœu pieux, ne viendra à bout du problème. La Bien-Pensance, quelle qu’en soit les mérites, fait le lit de ce qu’il est convenu d’appeler désormais « le populisme » (on a renoncé au terme « fascisme » qui semble vieillir). Au risque de ne pas être publié, même dans Histoire et Liberté, je m’évertue à l’écrire depuis des années. Il est vrai que Ocean Viking est un nom parfaitement choisi en termes de marketing. Le basculement de la Suède est prémonitoire. Tous les pays d’Europe sont concernés.
Il me semble en outre que reporter la responsabilité sur l’Italie est une manière peu glorieuse de botter en touches une nouvelle fois, et de ne pas affronter la réalité.
Puisse Gérard Collomb avoir plus de poids qu’un simple pékin.
JL Carillon, le 13/11/2022
Nous publions ci-dessous de larges extraits de l’entretien accordé au Point par l’ancien Ministre de l’intérieur auquel fait référence notre ami Carillon en espérant qu’un débat éclairant en naîtra parmi les lecteurs de notre blog.
H&L
« Je veux alerter sur les enjeux fondamentaux qui sont à l’œuvre dans l’affaire de l’Ocean Viking », explique l’ancien maire socialiste de Lyon, « Il y a quatre ans, les problèmes migratoires étaient déjà extrêmement importants. La Commission européenne avait lancé l’idée de centres contrôlés pour accueillir les migrants. Peu après, les chefs d’État, réunis spécialement pour traiter les problèmes migratoires, reprennent ce projet, Emmanuel Macron s’y montrant l’un des plus favorables » Ce dernier avait demandé au préfet de l’époque, Pierre Dartout, d’y travailler. Gérard Collomb, alors Ministre de l’intérieur, y était très favorable, sachant qu’une fois que les migrants sont entrés sur le sol français, il est presque impossible de les en déloger, tant les accords de Dublin entre pays européens sont peu respectés.
Le Point poursuit : « Gérard Collomb explique, en outre, qu’au moment de manifester son désaccord au chef de l’État, il doit participer à la commémoration de l’assassinat terroriste de deux jeunes filles à la gare Saint Charles de Marseille, tuées un an plus tôt par un djihadiste présent clandestinement sur le sol. « L’auteur, un Tunisien en situation irrégulière, aurait dû être placé la veille en centre de rétention administrative à Lyon pour être expulsé. Il ne l’a pas été, et il a pris le lendemain le train pour Marseille où il commettra ce crime. Je pense alors : “Je ne veux plus que cela se reproduise“ » explique l’ancien ministre. (…)
À en croire Gérard Collomb, la vraie raison de son départ serait donc d’abord la politique migratoire, même s’il confesse avoir longtemps voulu taire cet aspect : “Si j’avais dit cela à l’époque, j’aurais gravement nui à Emmanuel Macron. Si je m’étais exprimé avant la présidentielle, mon intervention aurait pu inverser le résultat de cette élection, et Marine Le Pen être élue. C’est pourquoi je me suis tu“ expose-t-il.
C’est l’accueil de l’Ocean Viking – en complet revirement de la décision de ne pas accueillir l’Aquarius quatre ans auparavant – qui lui dicterait aujourd’hui de changer d’avis : cette décision “ouvre une nouvelle brèche, créant un précédent“, déplore Gérard Collomb. Selon lui, sous des faux airs humanitaires, en prenant cette décision “on renforce plus le problème qu’on ne le résout, en créant un appel d’air“.
L’ancien ministre de l’Intérieur s’en prend ensuite aux proches du chef de l’État qui invitent l’exécutif à renoncer à sa politique de fermeté sur l’immigration, souhaitée pourtant par son successeur Gérald Darmanin. Mais aussi aux tenants d’une politique d’accueil généreuse, qui constitue à ses yeux une promesse qui n’est jamais tenue : “On voit aujourd’hui que dans nos grandes agglomérations, ils finissent sous des tentes, sous des ponts, dans des camps de fortune. À Lyon, le problème devient si aigu qu’après avoir dit “Welcome le monde“, les élus écologistes se retrouvent débordés, comme vient de le reconnaître lors du dernier conseil municipal l’adjointe en charge de ce dossier ».
Citant d’autres hommes politiques de gauche (François Pupponi, l’ex-maire de Sarcelles, et Julien Dray) qui en sont venus au même constat que lui, Gérard Collomb invite donc le gouvernement à prendre des mesures fortes, comme au Danemark, pour éviter l’avènement au pouvoir de partis d’extrême droite : « regardez le résultat » en Suède, s’exclame-t-il.