Mélenchon n’est pas la République

(1. Retour sur un printemps électoral)

En avril 2022, Jean-Luc Mélenchon échoue pour la troisième fois dans sa tentative d’accéder au second tour de l’élection présidentielle. Le constat est cruel : les électeurs ne lui font pas confiance.

Mais le tribun de La France Insoumise ne veut pas disparaître de la vie politique : il va donc s’engager dans la voie de la confusion politique, au risque de s’y perdre et de fragiliser un peu plus une démocratie déjà affaiblie.

Une défaite ? Une revanche à prendre sur le suffrage universel

Le 26 mai, il tient tribune dans Libération où il reprend ses deux formules-choc de l’entre-deux tours de la présidentielle :

* « Les législatives sont le troisième tour de l’élection présidentielle » : s’il est légitime de s’interroger sur le mode de désignation du président et sur la nature du régime parlementaire de la Vè République, nier le résultat même de l’élection relève au mieux d’un caprice de mauvais perdant (M. Macron serait le « président le plus mal élu de la Vè République » avec 38,5 % des inscrits, dénonce (1) M. Mélenchon élu député en 2017 par… 20 % des inscrits), au pire du mépris du suffrage universel.

Puisqu’il n’est pas Président, M. Mélenchon nie donc la légitimité du droit à l’élection d’un autre que lui. Ses lieutenants vont tenter d’achever le travail, dans de peu glorieuses attaques ad hominem contre le Président de la République réélu le 24 avril (2).

* « Je vous propose de m’élire Premier ministre » : pendant que dans 577 circonscriptions des candidats débattent et se présentent au suffrage des électeurs, M. Mélenchon, dans la posture de l’homme charismatique s’appuyant sur le peuple, s’engage dans une dérive plébiscitaire. Que reste-t-il de cette gauche attachée à la République parlementaire qui a toujours dénoncé la personnalisation du pouvoir qu’elle soit idéologique (bonapartiste) ou institutionnelle (avec l’élection présidentielle au suffrage universel et l’inversion en 2002 du calendrier électoral au détriment des législatives) ?

Un Parlement ? Mais pas celui de la République

Le discours de confusion, c’est aussi la perte du sens des mots et le mélange des genres entre le Parlement qui, dans nos institutions républicaines vote les lois et contrôle l’action du gouvernement, et un énigmatique et ambigu « Parlement de la Nupes » (du nom du cartel électoral « Nouvelle alliance populaire écologique et sociale »). Lancé par M. Mélenchon le 30 mai, « Le parlement de la Nupes commence […] et sa pérennité n’est pas acquise. […] Il est impossible de changer la société aussi fondamentalement que nous en avons l’ambition sans une implication populaire de masse ».

Manifestement, pour M. Mélenchon, la réussite d’une alternance politique ne repose pas sur les institutions de la République. C’est à l’écart des représentants de la nation élus au suffrage universel, dans un organe partisan auto-proclamé, que s’exercerait le contrôle du pouvoir exécutif : « Je souhaite de toutes mes forces que le [parlement] continue, constructif et insolent envers le pouvoir, même si c’est nous qui l’exerçons. […] Qu’il soit frondeur, Insoumis, tout ce que vous voudrez » (AFP citée par lepoint.fr, 30 mai).

Un programme ? Des impasses

Exercer le pouvoir ? La personnalisation à outrance de la campagne des législatives masque un programme dans lequel la confusion règne : le « programme partagé » avec ses nouveaux alliés à gauche fait l’impasse sur des questions essentielles parmi lesquelles l’Union européenne (lui désobéir ?), le nucléaire civil (le démanteler ?), l’Otan (en sortir ?).

M. Mélenchon sait très bien que sur ces sujets il n’est pas majoritaire dans son camp, sauf à passer en force ou à agir par la menace : « Désormais, il en coûtera très cher de descendre du train. Cela vaut pour tout le monde. Y compris pour nous insoumis », gronde alors le « tribun du peuple » (Libération, 8 juillet).

Un prophète ? Des échecs

M. Mélenchon a beaucoup cru et croit encore en son étoile, même si au fil du temps il abaisse ses considérables prétentions :

* Incarner la République ? « La République, c’est moi ! », lors de la perquisition du siège de LFI le 16 octobre 2018.

* Président de la République ? Perdant au 1er tour, écarté du 2nd tour – « J’aurais préféré voter pour moi » (émission « Quotidien », TMC, 25 avril) -, il promet le 24 avril que « le 3ème tour commence ce soir ».

* Premier ministre ? Il passe du rêve (« Je serai le Premier ministre », BFM TV, 19 avril) à la réalité, moins brillante : « Quand on vous a dit “on peut gagner, élisez-moi premier ministre”, ça voulait dire que c’était tout à fait possible » (le 5 juillet, cité dans l’Humanité, 7 juillet).

* Député ? Il renonce à se présenter devant les électeurs. Au soir du second tour des législatives, il proclame que « La déroute du parti présidentiel est totale » ! Dans les faits, il manque 100 sièges à LFI et à la Nupes pour faire jeu égal respectivement avec Renaissance et avec la coalition présidentielle, et 215 sièges à LFI pour atteindre la majorité absolue. Il faut dire que Jean-Luc Mélenchon s’exprime ce soir-là depuis son QG de l’Elysée…-Montmartre, une salle de spectacle.

* Malgré des discours qui ne trompent que son auteur, le « 3ème tour » de M. Mélenchon est donc un nouvel échec. Qu’à cela ne tienne, notre tribun qui vole de défaite en faillite proclame : « Le quatrième tour est commencé. Mais le pouvoir macroniste sait-il que ses jours sont comptés ? » (blog melenchon.fr, 28 juin).

Au-delà de ce qui pourrait n’être qu’une vaste pantalonnade, M. Mélenchon annonce son projet politique : organiser le blocage des institutions, attiser les divisions dans la société, pour partir une dernière fois à la conquête d’un pouvoir qui n’en finit pas de le fuir dans les urnes. Choisira-t-il alors la rue ?

Antoine Murageot

(1)    A tort : c’est Georges Pompidou en 1969.

(2)    « Bâtard de François Hollande » (François Ruffin, 28 avril) ; « Bah si, bonhomme, tu vas le nommer » (Manuel Bompard, 6 juin).

Photo: Toulouse, Jean-Jaures, 1er juin 2013, crédit: Pierre-Selim, https://www.flickr.com/photos/pierre-selim/8913158141

25 Juil 2022

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