[Point de Vue] Les dissents de la FARC au Vénézuela – par Jacques Carbou
La revue colombienne Semana, dont nous avons déjà parlé, poursuit un vrai travail d’investigation en publiant dans son numéro du 8 février des preuves sur l’hébergement des dissidents des FARC au Venezuela. Ce n’était plus un secret que Luciano Marin, alias Ivan Marquez qui avait participé aux accords de paix à Cuba, alias Jésus Santrich, Romana et El Paisa se cachaient au Venezuela. La revue précise que le gouvernement du président Duque possède les informations exactes sur les mouvements et les campements où se trouvent les dissidents qu’il accuse de diriger le trafic de drogue depuis le Venezuela. Ils ont quitté l’accord de paix signé en novembre 2016 pour se ranger sous le commandement d’Ivan Marquez, créant ainsi une dissidence autodénommée « Segunda Marquetalia » le 19 aout 2019. Ils ont repris les armes au prétexte que le gouvernement Colombien avait trahi les accords de paix de La Havane.
D’après Semana, les Etats-Unis collaborent aux recherches sur les lieux où se cachent les dissidents qui regroupent presque 5.000 hommes repartis en 36 groupes. Selon la revue, ces dissidences ne possèdent plus le commandement unique qui existait avec les FARC ; elles s’apparentent plutôt à des bandes criminelles qui utilisent l’idéologie des FARC. Les trois fronts commandés par Ivan Marquez comprendraient environ 861 membres alors qu’un autre dissident, Miguel Santillana, alias Gentil Duarte, contrôlerait le reste des unités dissidentes dont les actions consistent principalement dans le trafic de drogue, l’exploitation de mines illégales et le vol de bétail en Colombie pour le revendre au Venezuela.
Outre les armes, camions et véhicules, les dissidents disposent d’un avion Cessna, immatriculé au Venezuela, pour leurs déplacements et le transport de la drogue. Ils se déplacent librement dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, en particulier à Elorza, ville située à trois heures de Arauca, capitale du département du même nom, en Colombie. Ivan Marquez y vit dans une résidence protégée par le régime de Maduro. La frontière entre les deux pays mesure environ 2.800 km d’où la facilité avec laquelle les dissidents peuvent mener leurs incursions en territoire colombien.
Les preuves de la présence des dissidents en territoire vénézuélien confirment la complicité du régime dans le trafic de drogue. Cela explique la réaction rapide de Maduro, ce dimanche 8 février, en accusant la Colombie, le président Duque, la CIA et la revue Semana, d’avoir préparé un attentat contre la nouvelle assemblée « chaviste » ; complot qui aurait pu être évité grâce a l’intervention des services vénézuéliens.
Nous sommes habitués à la rhétorique du régime vénézuélien. Il y a une dizaine d’années, Chavez faisait semblant d’ignorer que les troupes des FARC venaient se refugier au Venezuela après des attaques en Colombie ou pour en préparer de nouvelles. Lorsque le président colombien, Alvaro Uribe lui avait montré, avec des images satellites, les emplacements exacts des campements des FARC dans les régions frontalières du Venezuela, Chavez s’était indigné en criant au complot et aux manipulations de la CIA pour déstabiliser son régime.
Les tensions existent toujours entre les deux pays mais le président Duque joue un jeu subtil puisqu’il vient d’accorder un asile temporaire à tous les réfugiés vénézuéliens qui sont en Colombie jusqu’à la date de janvier 2021.
Jacques Carbou
Le 9 février 2021