« Célébrer les 100 ans du Parti Communiste Français ? » par Pierre Rigoulot & Bibliographie par Stéphane Courtois

A l’occasion de son centenaire, certains ont parlé de l’existence du PCF comme d’une honte. D’autres, avec respect, ont souligné ce que sa naissance devait au refus total de revivre la boucherie de 1914-1918 ou se sont extasiés sur le fait qu’il attirait encore des jeunes.
On peut rappeler en effet la soumission à l’URSS de Staline et au culte de son Chef, l’approbation du pacte germano-soviétique, la dénonciation en 1940 de l’impérialisme britannique et la demande d’autorisation de publier l’Humanité sous l’Occupation allemande, l’approbation des exécutions de dirigeants du camp socialiste tombés en disgrâce, les efforts récurrents de sabotage de l’armée française, la négation acharnée de l’existence du goulag – et l’on pourrait poursuivre ainsi ad nauseam.
Mais le PCF n’est pas seulement une honte et sa longévité n’est pas seulement un sujet d’admiration. Son comportement, sa propagande, ses choix politiques, son lien à l’URSS ont une explication et son succès (relatif mais bien réel à certaines époques) aussi.
Le Parti communiste français, comme ses partis « frères », a su habilement se présenter devant ceux qui rêvaient d’un monde meilleur, comme un levier sinon comme le levier efficace pour changer le monde, supprimer les injustices, rapprocher les hommes, accroître leur bien-être et leur puissance matérielle. Et non seulement il a promis que telle était sa nature mais il a laissé entendre que c’était là le « sens de l’histoire ». Les lendemains se devaient de chanter et ils allaient effectivement chanter. De quoi faire illusion à tous ceux qui, lassés des bonnes paroles ds religions mais sensibles à certaines valeurs fondamentales qu’on y trouve, voulaient oeuvrer pour un monde meilleur.
Naturellement, être croyant en une religion et militant communiste n’est pas identique. Et la différence n’est pas tant la transcendance reconnue par l’un et niée par l’autre. Pour le Parti communiste, le monde meilleur, l’humanité nouvelle réconciliée avec elle-même, n’adviennent que par la suppression du monde ancien. Autant dire par une lutte à mort qui satisfait la haine, dite de classe, de ceux qui en effet, peuvent être opprimés mais trouvent aussi avantage à attribuer à d’autres (les bourgeois, les militaires, les curés, etc.), la totalité de leurs malheurs.
Telle fut la recette du parti communiste français comme de tout le monde communiste, suivant en cela la doctrine de Marx qui se voulait scientifique, et prétendait reprendre en histoire l’inéluctabilité qu’avait découverte Darwin dans l’évolution des espèces. Comme tout parti communiste, le PCF eut ainsi son côté exotérique, clair, simple, destiné aux « masses » à qui il expliquait qu’il luttait pour un monde moralement et socialement meilleur, mais il eut aussi son côté ésotérique, partagé par les savants es marxisme pour lesquels, loin de toute considération de valeurs, le monde communiste facilitait une évolution inéluctable en détruisant sans état d’âme les obstacles à cette avancée ( Lénine parlait de balayer la vermine).
Une « philosophie » que Staline avait résumé un jour par cette boutade : « Pas d’homme, pas de problème »…
Dans une telle perspective de liquidation des ennemis, une discipline exigeante s’imposait. Il fallait faire corps avec le Parti soviétique. Le PCF associa son destin à celui de l’URSS.
Celle-ci a aujourd’hui disparu. Le PCF n’est plus qu’une séquelle d’un passé lointain. Mais ses méthodes, sa prétention à porter seul un regard vrai et même scientifique sur les relations entre les hommes, sa volonté de détruire ses adversaires dans un monde manichéen sont reprises par divers groupements féministes, anti-racistes, anticolonialistes et environnementalistes. En ce sens, je l’admets, le PCF, le communisme et le marxisme ne sont pas morts…
Pierre Rigoulot

Centenaire du PCF : les publications par Stephane Courtois
Le centenaire du Parti communiste français nous a valu à l’automne 2020 une spectaculaire série d’ouvrages dus pour l’essentiel aux historiens communistes ou de la mouvance universitaire communiste. Ils étaient programmés pour être lancés à la traditionnelle fête de l’Huma, mais virus oblige, celle-ci a été annulée. Il est néanmoins nécessaire d’en rendre compte succinctement afin de comprendre où en est la réflexion de cette orientation historiographique qui, outre son côté hagiographique plus ou moins prononcé, propose une sorte de « récit national-communiste », celui d’un PCF franco-français ignorant à peu près tout de Lénine, de Staline, du Komintern, d’Eugen Fried, du Goulag, et des négociations à Paris à l’été 1940 avec les nazis… On a l’impression d’être revenus trente ans en arrière, avant l’ouverture des archives – celles de Moscou, du PCF et de la police et la justice françaises.
Stéphane Courtois
Ouvrages (ordre chronologique de parution)
Paul Bouland, Des vies en rouge. Militants, cadres et dirigeants du PCF (1944-1981), Paris, Éditions de l’Atelier, 2016, 350 p.
Claude Pennetier, Bernard Pudal, Le souffle d’octobre 1917. L’engagement des communistes français, Paris, Éditions de l’Atelier, 2017, 383 p.
Maurice Thorez, Journal 1952-1964, édition établie sous la direction de Jean-Numa Ducange et Jean Vigreux, Paris, Fayard, 2020, 782 p.
Véronique Fau-Vincenti, Frédérick Genevée, Éric Lafon, Aux alentours du congrès de Tours. Scission du socialisme et fondation du Parti communiste, 1914-1924, Montreuil, Musée d’histoire vivante, 2020, 184 p.
Roger Martelli, Jean Vigreux, Serge Wolikow, Le Parti rouge. Une histoire du PCF, 1920-2020, Paris, Armand Colin, 2020, 384 p.
Jean Vigreux, Le congrès de Tours, 25-30 décembre 1920, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2020, 270 p.
Julian Mischi, Le parti des communistes. Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours, Marseille, Hors d’atteinte, 2020, 720 p.
Romain Ducoulombier, Préface à Léon Blum, Le congrès de Tours. Le socialisme à la croisée des chemins, 1919-1920, Paris, Gallimard, « Folio-Histoire », 2020, 164 p.
Guillaume Roubaud-Quashie (dir.), 100 ans de Parti communiste, Paris, Éditions du Cherche-Midi, 2020, 232 p.
Guillaume Roubaud-Quashie, Corentin Lahue, 100 ans d’histoire de France et du PCF sur les murs, Paris, Éditions Helvétius, 2020, 192 p.
Yolande Rasle, Renaud Faroux, Libres comme l’art. Cent ans d’histoire entre les artistes et le PCF, Paris, Éditions de l’Atelier, 2020, 254 p.
Jacques Girault, Jean-Louis Robert, Le congrès de Tours, Montreuil, Le Temps des cerises, 2020, 204 p. (republication du livre de 1990).
Gérard Leidet (dir.), Le PCF dans les Bouches-du-Rhône. Cent ans de luttes et de débats 1920-2020, Marseille, Promemo, 2020, 384 p.
Bernard Vasseur, Le communisme a de l’avenir … si on le libère du passé, Paris, Éditions de l’Humanité, 2020, 346 p.
Nicolas Chevassus-au-Louis, Alexandre Courban, Marcel Paul, Paris, Éditions de l’Atelier, 2020, 254 p.
Bernard Friot, Judith Bernard, Un désir de communisme : conversations pour demain, Textuel, 162 p.
Rouge cent, recueil de nouvelles sur le centenaire, Arcanes 17, 2020, 280 p.
Seuls deux ouvrages échappent à la vision hagiographique et franco-française du PCF :
Denis Lefebvre, Communisme et Franc-Maçonnerie ou la 22e condition, Éditions Conform, 2020, 94 p.
Jean-Marie Argelès, Longtemps (trop ?) j’ai cru au matin, Préface d’Antoine Spire, Lormont, Le Bord de l’eau, 2021, 240 p.
Revues
« A quoi sert un congrès politique ? Le congrès de Tours et ses échos européens », Mil neuf cent, revue d’histoire intellectuelle, n°38, 2020, 184 p.
« Commémorer le congrès de Tours : quels enjeux politiques et historiographiques ? », Cahiers d’histoire, n°147, 2020, p. 115-148 (débat du 17 octobre 2020, animé par Annie Burger-Roussenac, Anne Jollet, Pascal Guillot, avec Gilles Candar, Frédérick Genevée, Jacques Girault, Jean-Louis Robert).
« Les naissances du communisme en France », Le Mouvement social, n°272, juillet septembre 2020.
On pourrait y ajouter Raluca Grosescu, Laure Neumayer et Eva Clarita-Pettai, « Transnational activism and the globalistion of anti-communism after 1989 », Revue d’études comparatives Est-Ouest (PUF), septembre 2020, p. 9-19.
Presse
« T’as cent ans mon coco » (dossier), Marianne, 11 décembre 2020, p. 42-59 (Hadrien Mathoux, Guy Konopnicki, Jack Dion, Copelia Mainardi, Emmanuel Bellanger, Guillaume Roubaud-Quashie, Michel Renard, Etienne Campion, Philippe Foussier, Kevin Boucaud-Victoire, Stéphane Milou)
Michel Winock, « Le centenaire du PCF », Sud-Ouest, 11 décembre 2020.
Stéphane Courtois, « Le congrès de Tours en 1920 : naissance du PCF et de la contre-société communiste », Le Figaro, 22 décembre 2020.
Roger Martelli, « Le PCF a incarné un réformisme radical », Le Monde, 1er-2 janvier 2021.
Michel Pigenet (inteview), « Depuis les années 1990, la CGT traverse mieux la tourmente que le PCF », Médiapart, 2 janvier 2021.
Sylvain Boulouque, « Le Centenaire du PCF en livre », Non fiction, janvier 2021.
Guy Konopnicki, « Centenaire du PCF : le communisme à la française », Marianne, 8 janvier 2021, p. 64-67.