Guerre informationnelle et « rideau de fer numérique »1

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En Russie, le Kremlin resserre le nœud coulant de la censure sur les réseaux sociaux

Réseaux sociaux, intelligence artificielle… Entre la Russie et l’Occident, la guerre informationnelle s’amplifie

Le Figaro consacre une pleine page dans son édition du 17 décembre à la guerre informationnelle de la Russie de Poutine. Ces articles retiennent l’attention sur deux points.

1/ A côté des actions menées par les services de Poutine hors de Russie pour déstabiliser l’Europe (attaques contre les réseaux physiques – câbles sous-marins – et inondation des médias occidentaux de fake news et désinformations plus ou moins grossières) de mieux en mieux documentées et dénoncées, le quotidien apporte un éclairage intéressant sur le troisième levier « de la cyberguerre et de la lutte d’influence » menée par le Kremlin : la maîtrise des infrastructures (dites « logiques ») de l’information : logiciels, applications, réseaux d’échange.

A la manœuvre, le service fédéral russe de supervision des communications Roskomnadzor (RKN), justement décrit comme « le grand ordonnateur de la censure de l’internet et des médias ». A son actif : la multiplication des pannes techniques, bugs et blocages qui allongent les délais de chargement sur internet, les black-out de plus en plus nombreux imposés aux réseaux internet et de téléphonie mobile, et plus radicalement la fermeture de l’accès en Russie aux messageries en ligne Signal, Face Time (Apple), et Snapchat, la menace (dernière en date) de blocage de WhatsApp, largement utilisée en Russie à titre privé et professionnel. Il leur est officiellement reproché d’être utilisées pour organiser des « sabotages » et « attentats terroristes »2.

Son objectif : la mise sous cloche de la société russe, en remplaçant les réseaux sociaux privés par des plateformes de messagerie et d’informations contrôlées par les proches du Kremlin (Vkontakte, Max), et assurant aux services de renseignement russes un libre accès à leurs données.

L’enjeu : loin du patriotisme économique et de la souveraineté technologique, il s’agit pour Poutine d’organiser « le contrôle social et idéologique de plus en plus strict » de la pensée, de l’information et désormais des vidéos qui circulent, dans une logique à long terme : isoler et atomiser la société civile russe pour mieux la transformer3. Une sorte de Retour vers le futur totalitaire.

Cette lutte à l’intérieur des frontières russes ne peut pas laisser indifférent : Nicolas Barotte considère à juste titre que « les campagnes menées [par la Russie de Poutine] contre l’Occident et la surveillance de sa propre opinion correspondent aux deux faces d’une même pièce ».

2/ Ce constat interroge la capacité et l’efficacité d’un sursaut de l’Occident face à une lutte d’influence dont « l’asymétrie s’accroît » : en termes moins diplomatiques, disons que l’Europe est en train de perdre la guerre informationnelle engagée contre elle par la Russie4, destinée à saper la capacité morale et politique de l’Occident à réagir et à miner ses fondements démocratiques. La question pour les démocraties libérales est de savoir comment identifier et exploiter « les vulnérabilités des régimes autoritaires ».

Dans cette lutte inégale – la Russie s’attaquant ouvertement au modèle d’État libéral5, les démocraties partent avec des moyens fortement contraints par les principes au cœur même de nos institutions : la liberté d’opinion et d’expression, le respect du droit (notamment celui de la guerre), le respect de la vérité. Dans la mise en œuvre d’opérations d’influence offensives, nous est-il également rappelé, les échecs sont interdits aux démocraties compte tenu du risque de discrédit qu’elles encourent.

Le Figaro rappelle enfin que l’Europe démocratique a longtemps cru au soft power de la promotion du libéralisme politique. Ce n’est aujourd’hui manifestement plus suffisant.

Antoine MURAGEOT, le 19 décembre 2025

  1. L’expression « rideau de fer numérique » a été lue sur une pancarte brandie lors d’une (petite) manifestation à Tomsk le 14 décembre 2025 (source : 7sur7.be, 15 déc. 2025). ↩︎
  2. Cette répression sur le « front intérieur » des réseaux de messagerie et d’information en ligne, est un choix de longue date et méthodique du pouvoir poutinien : depuis 15 ans, le Kremlin considère Internet comme une menace ; en 2011, les réseaux sociaux avaient largement contribué au large succès de la « révolution blanche » et des manifestations dans les grandes villes contre le pouvoir accusé d’avoir truqué les élections législatives. Au fil des années, le régime poutinien a visé de plus en plus les médias d’information dans « une forme de contrôle presque totalitaire » ; en 2022 et le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, la répression s’est accrue pour invisibiliser la guerre : deux lois ont organisé la fermeture ou la censure de médias russes indépendants en ligne (figurant dans les listes d’« organisations indésirables »), et des réseaux Facebook, Instagram, Twitter (« agents de l’étranger » accusés « d’activités extrémistes ») ; en septembre 2022, le New York Times a démontré que RKN a mis en place pour aider le FSB des outils d’espionnage téléphonique et sur internet des opposants, militants et médias indépendants. ↩︎
  3. Céline Marangé, « Après l’Ukraine, la Russie prépare la guerre d’Europe », Le Grand Continent, 24 fév. 2025. ↩︎
  4. Cette guerre informationnelle russe est alimentée par les campagnes massives de fake news et de désinformations, relayées dans les médias et sur les réseaux sociaux (avec au choix la complaisante inaction ou la complicité active des propriétaires de certains d’entre eux), en Europe, en Amérique et en Afrique. ↩︎
  5. « Nous sommes en guerre avec l’Europe, pas avec l’Ukraine, misérable, pitoyable et manipulée. Cette guerre n’en terminera pas tant que nous n’aurons pas vaincu l’Europe moralement et politiquement. » (Sergei Karaganov, conseiller politique du Kremlin, cité dans « Le Kremlin veut-il vraiment la paix ? », ladépeche.fr, 12 déc. 2025) ↩︎

19 Déc 2025


Les tribunaux russes passent. La justice trépasse (suite)

Toujours sur la base des recherches de l’association russe OVD-info, nos amis belges de Human Rights Without Frontiers,  nous communiquent les faits suivants pour les mois d’octobre et novembre

17 octobre 2025

Bien que sérieusement malade, un témoin de Jehovah a été condamné à 7 ans de prison en vertu de l’article 282.2 du code pénal (mise en œuvre d’activités d’une organisation extrémiste).

Un chargeur de bois de Saint-Pétersbourg a été condamné à 8 ans de prison pour des messages postés sur une page interdite en vertu de l’article 280 du code pénal (appels publics en faveur d’une activité extrémiste via internet), de l’article 207.3 du code pénal (diffusion de nouvelles connues pour fausses sur l’Armée russe, motivée par la haine politique et nationale) et de l’article 282.2 (mise sur pied des activités d’une organisation extrémistes via internet).

Un apiculteur du Bachkiristan (au sud de l’Oural) a été condamné à 4 ans et demi de prison en vertu de l’article 318 du code pénal(violence dangereuse sur la personne d’un représentant de l’autorité et de l’article 212, 2ème partie du code pénal (organisation de troubles publics et incitation à ce que d’autres commettent de tels actes).

20  octobre 2025

Le chef d’une communauté ouzbek inculpé pour diffusion d’une image représentant des coqs a été condamné à près de deux ans de prison en vertu de l’article 321 du code pénal (rupture des activités  d’une institution correctionnelle en lien avec un membre du personnel).

21 octobre 2025

Un inculpé dans une affaire de jet de boules de neige lors d’un meeting  à Baymak (une ville du Bachkiristan de 20 000 habitants) a été condamné à 3 ans et sept mois de prison en vertu de l’article 318 (violences dangereuses pour la vie et la santé d’un représentant de l’autorité) et de l’article 212 du code pénal

22 octobre 2025

Un anarchiste inculpé a été condamné dans une deuxième affaire le concernant à 5 ans de prison en vertu des articles 280 et 205.2 du code pénal (incitation publique à participer à une activité terroriste  et justification du terrorisme) ainsi que de l’article 214 du code pénal (vandalisme commis par un groupe de personnes dans le but de conspirer ou sur la base de la haine ou d’opposition politique, idéologique, racial, national -ou religieuse.

27 octobre 2025

Une femme de Saint-Pétersbourg a été condamnée à deux ans de prison pour une vidéo où elle brulait son passeport. Condamnation  en vertu de l’article 213 (vandalisme commis  sur la base de la haine ou d’un combat mené sur fonds politique, idéologique, racial, national, idéologique, racial, national ou religieux) et de l’article 329 du code pénal (rejet d’un emblème de l’État ou du drapeau de la Fédération de Russie)

31 octobre 2025

Un habitant de Saint-Pétersbourg a été condamné à 5 ans et demi de prison pour des messages en faveur du Corps de volontaires russes (qui se battent aux côtés des Ukrainiens) en vertu de l’article 205.2 du code pénal.

6 novembre 2025

La peine d’un blogger orthodoxe de Bouriatie a été aggravée. Résultat : 3 ans et demi de prison en vertu des articles 280 et 282.2 du code pénal.

Un blogger d’Irkoutsk a été lui aussi condamné mais à deux ans et 7 mois de prison après un conflit avec un fonctionnaire de police en vertu de l’article 318 et de l’article 319 du code pénal (insulte publique à un représentant de l’Autorité dans l’exercice de ses fonctions).

10 novembre 2025

Vladimir Osipov, âgé de 55 ans, a été condamné à 6 ans et demi de prison dans une affaire de fausses nouvelles militaires.

11 novembre 2025

Un libraire de la région de Kostroma a été condamné à cinq ans de prison  dans une affaire de « fausses nouvelles militaires » en vertu de l’article 207.3 du code pénal.

13 novembre 2025

Un habitant de la région de Sverdlovsk a été condamné à 6 ans de prison pour avoir commenté d’un « bien joué les gars » une action ukrainienne en vertu de l’article 205.2 du code pénal.

14 novembre 2025

Youri Doud a été condamné in absentia  à un an et dix mois de prison pour non respect de ses obligations d’agent étranger selon l’article 330 du code pénal (violation de la procédure à respecter pour les activités d’un agent de l’étranger effectuées par une personne préalablement soumise à une punition administrative).

19 novembre 2025

Un habitant d’Ekaterinburg qui réprimandait un écolier portant un chapeau portant la lettre Z (peinte sur les véhicules de l’armée russe lors de l’attaque contre l’Ukraine) a été condamné à 4 ans et demi de prison en vertu des articles 205.2 et 213 du code pénal.

20 novembre 2025

L’inculpé de ce qu’on a appelé « l’affaire ingouche » a été condamné à 9 ans de prison en vertu des articles 33 (création d’un groupe criminel et direction de ce groupe), 318 et 282 du code pénal. 

21 novembre 2025

Un ancien partisan des séparatistes du Donbass a été condamné à six ans de prison pour opposition à la guerre en vertu de l’article 205.2 du code pénal.

24 novembre 2025

Un ancien stewart des Oural airlines a été condamné à 7 ans de prison dans une affaire de « fake news » en vertu de l’article 207.3 du code pénal.

25 novembre 2025

Un habitant de Moscou, Solim Kamin, a été condamné à 8 ans de prison  pour avoir posté des slogans anti-guerre en vertu de l’article  207.3, part 2 et de l’article 280.4 du code pénal.

26 novembre 2025

Un professeur d’histoire a été condamné à un an et demi de prison pour avoir montré un poster de 1945, où figurait le drapeau du IIIème Reich et la lettre V, en vertu de l’article 284 du code pénal (exhibition répétée de symboles interdits (nazis ou liés à des organisations extrémistes)).

28 novembre 2025

Un journaliste iakoute a été condamné à trois ans de prison dans une affaire mettant en cause sa justification du terrorisme. Condamnation en vertu de l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à  développer une activité terroriste et justification du dit terrorisme).

17 Déc 2025


Registre mensuel des condamnations prononcées en Russie (4)

Nous avons à nouveau reçu de nos amis de « Human Rights without frontiers », informés par l’association russe OVD, des nouvelles de la répression judiciaire en Russie. Le bilan du mois de septembre que nous publions n’est sans doute pas exhaustif mais il donne une idée de ce que subit la population russe.

1er septembre 2025

– Condamnation à 10 ans de prison d’un prévenu dans l’affaire “Artpodgotovka”1 en application de l’article 205.1, partie 1 (incitation, recrutement ou participation de personnes à des activités terroristes) et de l’article 282.3, partie 1 (activités extrémistes) du code pénal.

03 septembre 2025

– Un habitant de la région de Briansk a été condamné à 8 mois de colonie pénitentiaire pour un commentaire publié sur une messagerie selon l’article 354.1, partie 4 du Code pénal (réhabilitation du nazisme sous forme de profanation des symboles de la gloire militaire de la Russie et de la mémoire des défenseurs de la Patrie).

Un pasteur  a été condamné à 4 ans de prison pour un prêche pacifiste lors des premiers jours de la mobilisation, en application de l’article 280.4, partie 2, du Code pénal (appels publics à des actions dirigées contre la sécurité de l’État, par l’intermédiaire de médias ou d’Internet, en s’autorisant d’une position officielle).

04 septembre 2025

– Le journaliste Karen Chaignian condamné par contumace à 5 ans de prison pour deux dons à la Fondation de lutte contre la corruption selon l’article 282.3 du Code pénal (Financement d’activités extrémistes)

– Un Moscovite a été condamné à 3 ans et demi de prison pour financement de la Fondation de lutte contre la corruption selon le même article du Code pénal.

05 septembre 2025

– Un ancien maître de conférences de Koursk a été condamné à 3 ans de prison pour un commentaire sur Telegram en application de l’article 205.2 du Code pénal (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme).

– Un habitant de la région de Yamal2 a été condamné à 12 ans de prison pour une vidéo sur la guerre en Ukraine selon les articles 280.3 (Actions publiques visant à discréditer les forces armées de la Fédération de Russie), 205.2 (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme), 207.3 (diffusion d’informations sciemment fausses sur l’armée russe motivées par la haine politique et nationale)  et 280.4, du Code pénal (appels publics à des actions dirigées contre la sécurité de l’État par l’intermédiaire de médias ou d’Internet)

– Une bénévole ayant aidé des réfugiés ukrainiens dans la région de Koursk a été condamnée à 5 ans de prison en application de l’article 205.2, partie 2 (appels publics à des activités terroristes et justification du terrorisme) et de l’article 280.4, partie 2 du Code pénal (appels publics à des actions dirigées contre la sécurité de l’État)

– Le dirigeant du mouvement pour l’indépendance de la Tchouvachie a été condamné par contumace à 7 ans et demi de prison pour « menaces à l’encontre du chef du « centre E3 »» en application de l’article 280.4, partie 2 (appel public à des actions dirigées contre la sécurité de l’État) et de l’article 282, partie 2 (Incitation à la haine ou à l’inimitié avec circonstances aggravantes) du code pénal.

06 septembre 2025

Un habitant d’Angarsk a été condamné à 5 ans de prison pour des appels à la violence contre un homme politique russe selon l’article 205.2 du code pénal.

07 septembre 2025

– Un habitant de Kalouga a été condamné à 3 ans de prison pour un commentaire sur une attaque de drone selon l’article 205.2, partie 2 du Code pénal.

07 septembre 2025

– Un habitant de Khabarovsk a été condamné à 15 ans de prison pour avoir déposé des tracts sur les tombes de vétérans de guerre en vertu de l’article 205.5 (Organisation et participation aux activités d’une organisation terroriste) et l’article 205.2 (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme) du code pénal et en vertu de l’article 244 (profanation de sépultures motivée par la haine politique) et l’article 275.1 du code pénal (collaboration confidentielle avec un État étranger ou une organisation étrangère dirigée contre la sécurité de la Fédération de Russie)

09 septembre 2025

– Un témoin de Jehovah de Crimée occupée  a été condamné à six ans d’emprisonnement en vertu de l’article 282.2, du code pénal (organisation des activités d’une organisation extrémiste)

– Le fondateur du projet “Traverse la forêt” a été condamné par contumace à 6 ans d’emprisonnement  pour “fausses informations militaires” en vertu de l’article 207.3 du Code pénal (diffusion d’informations sciemment fausses sur l’armée russe motivée par la haine politique et nationale)

18 septembre 2025

– Un folkloriste de Khanty-Mansiïsk4 a été condamné à 3 ans d’emprisonnement pour avoir effectué des dons à la « Fondation de lutte contre la corruption » en vertu de l’article 282.3, du Code pénal (financement d’activités extrémistes)

– Un maître-chien poursuivi pour un message sur une frappe contre Kramatorsk a été  condamné à 5 ans de prison en vertu de l’article 207.3, du code pénal (Diffusion d’informations sciemment fausses sur l’armée russe motivée par la haine politique et nationale)

– Le concierge d’une école de Saint-Pétersbourg a été condamné à 5 ans de prison pour un message sur les victimes de la ville ukrainienne de Boutchaen vertu de l’article 207.3, partie 2, du code pénal

19 septembre 2025

– Cinq prévenus dans l’affaire “Baymak” ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 5 ans et demi de prison en vertu de l’article 318 (Violence dangereuse pour la vie et la santé à l’encontre d’un représentant de l’autorité) et de l’article 212, partie 2 du Code pénal (Organisation d’émeutes et implication d’autres personnes dans de tels actes)

– Un habitant d’Obninsk a été condamné à 4 ans d’emprisonnement pour soutien à la « Fondation de lutte contre la corruption » et à Viesna5 en vertu de l’article 280.3, (actions publiques visant à discréditer les forces armées de la Fédération de Russie) et de l’article 282.2 du Code pénal (Recrutement et participation aux activités d’une organisation extrémiste).

22 septembre 2025

– Deux Témoins de Jéhovah ont été condamnés à 6 ans et demi et 7 ans de prison à Saransk en application de l’article 282.2, du code pénal (Organisation des activités d’une organisation extrémiste)

– Un partisan du groupe Wagner a été condamné à 3 ans de prison pour un commentaire inapproprié sur la “pénurie d’obus” en application de l’article 205.2 du code pénal (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme)

23 septembre 2025

Un habitant de Kertch a été condamné par contumace à 5 ans et demi de prison pour un message concernant une frappe contre une gare à Kramatorsk en application de l’article 207.3, du Code pénal (diffusion d’informations sciemment fausses sur l’armée russe motivée par la haine politique et nationale) et de l’article 282, du Code pénal (Incitation à la haine ou à l’inimitié)

– Un habitant de Crimée a été  condamné à 1 an de prison pour avoir craché dans une boîte de collecte d’aide à l’armée en application de l’article 354.1du Code pénal (réhabilitation du nazisme sous forme de profanation des symboles de la gloire militaire et de la mémoire des défenseurs de la Patrie) et de l’article 329 du code pénal (profanation de l’emblème ou du drapeau de l’État russe).

24 septembre 2025

– Un habitant de Novorossiïsk a été condamné à 9 ans d’emprisonnement  pour ses publications et sa tentative de rallier la Légion “Liberté de la Russie”6 selon l’article 205.2 (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme), l’article 205.5 (Organisation et participation aux activités d’une organisation terroriste), l’article 30 (préparation d’un crime) et l’article 280.3 du code pénal. (actions publiques visant à discréditer les forces armées de la Fédération de Russie).

25 septembre 2035

– L’activiste moscovite Konstantin Kotov a été condamné par contumace à 5 ans de prison pour dons à la « Fondation de lutte contre la corruption » en vertu de l’article 282.3 du Code pénal (financement d’activités extrémistes)

– Le directeur du musée de Narva a été condamné par contumace à 10 ans de prison pour avoir tendu une banderole clamant : “Poutine est un criminel de guerre” en vertu de l’article 354.1 (réhabilitation du nazisme sous forme de profanation des symboles de la gloire militaire et de la mémoire des défenseurs de la Patrie) et de l’article 207.3 du code pénal (diffusion d’informations sciemment fausses sur l’armée russe, motivées par la haine politique et nationale en usant d’une position officielle)

26 septembre 2025

– Un agent de sécurité de Voronej condamné à 2 ans de prison pour avoir appelé à “l’élimination” de la direction de la Fédération de Russie ( selon l’article 205.2, partie 2 du code pénal (appel public à des activités terroristes et justification du terrorisme)

– Un habitant de Saint-Pétersbourg condamné à 5 ans de prison pour des commentaires sur les bombardements en Ukraine en application de l’article 205.2 et de l’article 282.3  du code pénal


  1. Le  « Mouvement social inter-régional » a été jugé « extrémiste » par le pouvoir russe ↩︎
  2. Péninsule de Sibérie occidentale au bord de l’Océan arctique ↩︎
  3. Centre de lutte contre l’extrémisme, une créature du Ministère de l’intérieur ↩︎
  4. Ville d’environ 100 000 habitants du nord-ouest de la Sibérie. ↩︎
  5. Une organisation de jeunes luttant pour une Russie libre et respectueuse des droits de l’homme ↩︎
  6. Unité militaire russe combattant avec les Ukraindiens ↩︎

13 Oct 2025


Registre mensuel des condamnations prononcées en Russie (3)

Toujours par le truchement de Human Rights Without Frontiers qui recueille ses informations auprès de l’association russe, nous faisons part à nos lecteurs des condamnations  prononcées contre des militants ou des opposants au pouvoir poutinien . Durant ce mois d’août, ont été relevés 21 cas  de citoyens russes condamnés pour motifs politiques à des peines de prison (d’un à 18 ans). Nous rappelons que ces statistiques ne prétendent pas à l’exhaustivité. Nous ne donnons en général les références détaillées des articles du code pénal que lors de leur première occurrence.

26 juillet 2025

Une habitante de Saint-Petersburg âgée de 19 ans, Daria Kizyreva, a été condamnée à deux ans et huit mois de prison pour une citation de Chevchenko (le grand poète romantique ukrainien, 1814-1861, ndlr) et une interview le concernant, en application de l’article 280.3 du code pénal (actions publiques visant au discrédit des forces armées de la Fédération de Russie).

27 juillet 2025

Un habitant de la région de Kherson a été condamné à 7 ans de prison pour « informations mensongères » en application de l’article 207. 3 du code pénal (diffusion d’informations connues pour fausses sur l’Armée russe par entente préalable d’un groupe de personnes motivées par la haine, politique et nationale).

1er août 2025

Un habitant d’Itkoutsk a été condamné à 5 ans et demi de prison pour commentaires anti-guerre en application de l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme).

3 août 2025

Un ukrainien de la liste Sentsov »[1] déjà condamné à 8 ans d’emprisonnement a été frappé d’une peine additionnelle de 2 ans pour « appels à une activité extrémiste » (article 280 du code pénal).

5 août 2025

Un citoyen azerbaïdjanais a été condamné à un an de prison pour  profanation de la « flamme éternelle » (équivalent symbolique du soldat inconnu ndlr) en application de l’article 354.1 du code pénal (Réhabilitation du nazisme  via la profanation de symboles de la gloire militaire russe  et de la mémoire des défenseurs de la patrie).

Un habitant de Balakhna[2] a été condamné à 18 ans d’emprisonnement pour publications anti-guerre et participation à la Légion « Liberté de la Russie » [3] en application de l’article 207.3,  de l’article 205.2 et de l’article 205.5 du code pénal.

6 août 2025

Zarema Musayeva a été condamnée à trois ans et 11 mois d’emprisonnement supplémentaires en application de l’article 321 du code pénal (désorganisation du travail au sein d’une « colonie »).

7 août 2025

Un habitant de Ninni-Novgorod condamné à quatre ans de prison pour lien avec l’« Aropodgotovka »[4] et des commentaires sur Télégram en application de l’article 282 du code pénal (incitation à la haine ou à l’inimitié avec circonstances aggravantes) et de l’article 205.2.

12 août 2025

Un enseignant d’une école de commerce a été condamné à 16 ans de prison à la suite d’une affaire touchant des frappes de drones à Koursk, en application de l’article 205 du code pénal, deuxième partie (action terroriste commise par un groupe de personnes et provoquant des dommages significatifs).

Un artisan de Tchélyabinsk condamné à six ans de prison pour deux commentaires dans Télégram  en application de l’article 205.2 du code pénal.

14 août 2025

Un habitant de la région d’Orval a été condamné à 8 ans de prison pour avoir diffusé sur internet des textes hostiles à la guerre et aux autorités en application de l’article 207.3 et de l’article 205.2 du code pénal.

Le blogger Ilya Varlamov a été condamné à 8 ans de prison in absentia en application de l’article 207.3, de l’article 330.1 (manquement aux obligations d’un citoyen déclaré comme « agent de l’étranger ») et de l’article 205.2 du code pénal.

15 août 2025

Un activiste de Crimée a été condamné à 15 ans de prison pour « trahison » et « préparation d’une attaque terroriste » en application de l’article 275 (haute trahison), de  l’article 205.3 et de  l’article 30 du code pénal (sur la réalisation recherchée d’une attaque terroriste).

18 août 2025

Une internaute de la région de Kaliningrad a été condamnée à 3 ans et 2 mois de prison pour avoir lancé par écrit : « Envoyez les usines au diable !  » en application de l’article 280.4 du code pénal (appels publics à des activités dirigées contre la sécurité de l’Etat).

19 août 2025

Activiste en faveur des droits de l’homme, Serguei Davidis a été condamné in absentia à 6 ans de prison. en application de l’article 205.2 du code pénal. (pas de localisation ndlr)

 21 août 2025

Une infirmière de Chita[5] a été condamnée à cinq ans de prison pour des commentaires hostiles à la guerre en application de l’article 205.2 du code pénal.

Un habitant de Barnaul[6] a été condamné à 9 ans et demi d’emprisonnement à la suite d’un deuxième procès pour des commentaires sur internet en application de l’article 282 et de l’article 205.2 du code pénal.

22 août 2025

Un habitant de Roubtsovsk[7] a été condamné à 18 ans de prison pour incendie volontaire du bureau d’enregistrement et d’engagement militaire en application de l’article 205 (acte terroriste), 205.1 (incitation, recrutement ou implication d’autres personnes dans des activités terroristes), 205.3 (entrainement clandestin dans le but de mener des activités terroristes) et de l’article 205.2 du code pénal.

28 août 2025

Un habitant de Saint-Petersbourg, handicapé, a été condamné à trois ans de prison pour un commentaire sur Télégram. en application de l’article 205.2 du code pénal.

Un habitant de Novokouznetsk[8] a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour fausses nouvelles militaires en application de l’article 207.3 du code pénal.

29 août 2025

Un Ukrainien a été condamné à trois ans de prison pour appels à l’exécution d’officiels russes en application de l’article 205.2 du code pénal.


[1] Un « groupe terroriste » qu’aurait constitué Oleh Sentsov, cinéaste condamné à 20 ans de prison en 2015. Il  fut échangé contre des prisonniers russes à la suite d’une intense campagne internationale, notamment dans les milieux cinématographiques.

[2] Une ville de près de 50 000 habitants proche de Nijni-Novgorod

[3] Unité militaire ukrainienne formée de transfuges des Forces armées russes.

[4] Organisation inter-régionale russe. Elle est interdite sur le territoire de la Fédératon de Russie

[5] Ville sibérienne

[6] Une ville de l’Altaï (au sud-ouest de la Sibérie) d’environ 600 000 habitants

[7] Ville de l’Atlas d’environ 120 000 habitants

[8] Ville de Sibérie occidentale d’environ 530 000 habitants

16 Sep 2025


Bel été en Russie…et ailleurs (2)

Nous poursuivons la diffusion, commencée le mois dernier, des informations recueillies par des opposants russes au régime poutinien. Encore merci à Willy Fautré, inlassable défenseur des droits de l’homme dans le monde, directeur de Human Rights Without Frontiers, qui sert ici d’intermédiaire.

Cette publication confirme notre opposition totale au régime russe actuel et au danger qu’il fait courir à l’Union européenne démocratique; régime fort, aux visées impériales, capable de s’attirer le soutien de théocraties islamistes comme l’Iran et de sectes totalitaires comme la Corée du Nord ou l’approbation plus ou moins discrète de la Chine.

Nous ne dressons pas un tableau d’honneur à rebours des ennemis de la démocratie. Nous n’oublions pas les menaces de l’islamisme en Europe ou en Amérique ni les horreurs dont il est capable. Quiconque a vu les images terrifiantes récemment diffusées par le Hamas des otages israéliens comprend, s’il ne s’aveugle pas, le sens de l’islamisme politique et de quoi il est capable derrière le cache-sexe de la lutte pour la « libération nationale de la Palestine ».

La lutte que nous menons pour défendre l’Europe démocratique est multiforme et chacun, selon sa sensibilité, sa culture, son histoire et son attention portée aux menaces, choisit de porter ses efforts sur un front ou sur l’autre sans oublier qu’en Europe même et en France en particulier, la Russie de Poutine et l’islamisme du Hamas bénéficient de complaisances qui nous font honte et qu’il convient de mettre à nu.

PR

1er juillet 2025

Un citoyen originaire de Tchétchénie a été condamné à trois ans de « colonie » pour avoir apposé la profession de foi musulmane sue une vitre de voiture selon l’article 205.2 (appels publics à des activités terroristes, justification du terrorisme ou propagande en faveur du terrorisme).

2 juillet 2025

Un habitant de Kirov a été condamné à 4 ans de prison pour avoir justifié une explosion en Crimée (article 205.2).

3 juillet 2025

Un ancien conseiller du Bachkortostan1 a été condamné in absentia à 8 ans de prison pour diffusion de nouvelles erronées, en application de l’article 207.3 du code pénal (diffusion d’informations connues pour fausses sur l’armée russe, motivée par la haine politique et nationale) et de l’article 330.1 (manquement aux obligations d’un « agent de l’étranger »)2.

8 juillet 2025

Un habitant de Sotchi a été condamné à 5 ans de prison pour entreprise d’aide aux Forces armées de l’Ukraine et diffusion de messages sur la guerre en application de l’article 205.2 du code pénal, de l’article 280.4 (appels publics en vue d’activités contre la sécurité de l’Etat) et de l’article 228 (acquisition illégale, entrepôt et transport de drogue).

15 juillet 2025

– Quatre homme qui se réchauffaient les pieds à la « flamme éternelle » (l’équivalent de la flamme su tombeau du soldat inconnu ndlr) de Nevinmomynsk ont été condamnés à 2 ans et demi d’emprisonnement en application de l’article 354.1 du code pénal (réhabilitation du nazisme sous la forme du mépris, manifesté en groupe, des symboles de la gloire militaire de la Russie).

– Une Ukrainienne a été condamnée à trois ans de prison pour avoir fait un don à la FBK3 selon l’article 282.3 (sur le « financement d’une activité extrémiste »).

– Un père de cinq enfants de Moscou a été condamné à trois ans de prison pour dons à la FBK conformément à l’article 205.2 (Financement d’activités extrémistes).

– L’écrivain Boris Akounine a été condamné in absentia à 14 ans de prison, conformément à l’article 205.2 du code pénal et à l’article 205.1 (Incitation, recrutement ou engagement de gens dans des activités terroristes).

17 juillet 2025

– Un habitant de la région de Voronèje a été condamné à 8 ans de prison pour certains commentaires au sujet des autorités conformément à l’article 205.2 du code pénal et à l’article 280 (appels publics à une activité extrémiste).

– Un habitant de Brask a été condamné à 12 ans et demi de prison pour des commentaires « extrémistes »  et la vente de cannabis conformément à l’article 205.2,à l’article 280 et 228.1 à l’article 228.1 (production illégale de substances narcotiques.

– Un habitant de Togliattigrad a été condamné à 6 ans de prison pour conversations sur la guerre avec ces compagnons de détention conformément à l’article  321 du code pénal (désorganisation du travail de la colonie).

– Un journaliste et auteur de la chaine youtube Newsader4 a été condamné à 8 ans et un mois de prison in abstentia conformément à l’article 207.3 et à l’article 330.1 du code pénal.

– Un journaliste bouriate a été condamné in abstentia à 7 ans de prison pour fausses nouvelles et manquement aux obligations d’un « agent de l’étranger » conformément aux articles 207.3, 330.1,  205.2 et 205.1 du code pénal.

18 juillet 2025

La journaliste Farida Kourbangaleva a été condamnée in absentia à 8 ans de prison conformément à l’article 205.2 et à l’article 207.3 du code pénal.

21 juillet 2025

Neuf inculpés au « procès des citoyens de l’URSS » en République des Karakais-Tcherkesses5 ont été condamnés à des peines de 5 à 8 ans de prison conformément à l’article 282.1 du code pénal (incitation à participation, recrutement ou autre engagement dans les activités d’une association extrémiste) et à l’article 222.1 (acquisition illégale, transfert et entrepôt d’explosifs).

 23 juillet 2025

– A Moscou, un adepte de l’enseignement des « Falun Gong » chinois a été condamné à 4 ans de prison conformément à l’article 284.1 du code pénal (poursuite d’activités d’une organisation étrangère ou internationale reconnue comme indésirable sur le territoire de la Fédération de Russie).

– Un employé de Kudago6 a été condamné à 3 ans et demi de prison pour commentaires sur la RDK7 conformément à l’article 205.2 du code pénal.

24 juillet 2025

Un citoyen russe a été condamné à 6 ans de prison pour des commentaires favorables aux Forces armées d’Ukraine (articles 205.2 et 280).

25 juillet 2025

Un habitant de la région de Moscou a été condamné à un an et demi de prison pour avoir discrédité l’armée conformément à l’article 280.3 du code pénal (Actions publiques visant à discréditer les forces armées de la Fédération de Russie).

28 juillet 2025

– Un habitant de Chita a été condamné à 14 ans de prison pour participation à l’Artpodgrovka8 conformément à l’article 205.5 du code pénal (sur les activités d’une organisation terroriste et la participation à ses activités).

– Le responsable du de la vidéo « Syndicat de Bouriatie » sur Youtube a été condamné in absentia à six ans de prison conformément à l’article 205.2 du code pénal.

29 juillet 2025

– Un militant de l’opposition tajik a été condamné à 8 ans et six mois de prison pour avoir regardé une vidéo sur Youtube conformément à l’article 207,3 du code pénal ayant trait à la diffusion de nouvelles connues pour être erronées sur l’armée russe, et appartenance à un groupe du fait d’une entente préalable motivée par la haine politique et nationale.

– Cinq habitants de Moscou et des environs ont été condamnés à des peines allant de 4 à 16 ans de prison à la suite d’un procès pour terrorisme après infiltration dans le groupe d’un agent du FSB en raison de l’article 250.4 sur la création d’une association terroriste et participation à ses activités, l’article 150 sur l’engagement d’un mineur dans un groupe criminel et 250.3 pour entraînement clandestin en vue de mener des activités terroristes.

– La journaliste Olga Komleva a été condamnée à 12 ans de prison pour fausses nouvelles militaires et coopération avec la Fondation anti-corruption conformément à l’article 282.1 et à l’article 207.3 du code pénal.

 30 juillet 2025

Un habitant de Kazan qui parlait défavorablement de la guerre a été condamné à 15 ans de prison à l’issue d’un procès pour incendie criminel et commentaires inappropriés conformément à l’article 280 du ode pénal sur les activités extrémistes en usant d’internet et de l’article 205 sur l’incitation à une activité terroriste et justification du terrorisme, acte terroriste.

Histoire et liberté, le 10 août 2025

  1. La République de Bachkirie, partie de la Fédération de Russie, est située entre la Volga et l’ Oural. Sa capitale est Oufa. Elle est peuplée d’un peu plus de 4 millions d’habitants. ↩︎
  2. Un membre d’une association de défense des droits de l’homme ayant son siège à l’étranger doit se reconnaître officiellement comme un « agent de l’étranger » ↩︎
  3. La Fondation anti-corruption, une ONG russe créée par Alexeï Navalny pour enquêter sur la corruption du gouvernement russe ↩︎
  4. Une chaine lithuanienne qui compte environ 800 000 abonnés ↩︎
  5. Dans le Caucase du nord. ↩︎
  6. Portail d’information de divertissement russe créé en 2012. Il annonce les expositions, concerts, pièces de théâtre, festivals, films, principalement à Moscou et Saint-Pétersbourg. ↩︎
  7. Le Corps des volontaires russes. Basé en Ukraine, il lutte contre l’armée poutinienne. ↩︎
  8. « intitulée « Préparation d’artillerie » et plus connue comme « Mouvement social inter-régional, cette organisation politique a été fondée en 2013. De caractère nationaliste, elle a été interdite sur le territoire de la Fédération de Russie. ↩︎

10 Août 2025


Répression quotidienne dans la Russie de Poutine

Du temps de l’URSS, des réseaux clandestins parvenaient, grâce au courage exceptionnel de citoyens soviétiques, à recueillir et à diffuser jusqu’à nous des informations détaillées sur la répression alors en cours.

Ces temps sont revenus et une autre génération de Russes recueille, diffuse et fait connaître au monde libre des informations donnant une idée de ce dont peut être victime quiconque brave la vérité officielle.

Nous publions ci-dessous des données précises récoltées par l’association russe OVD-Info (clandestine évidemment)  puis transmises à l’association de défense des droits de l’homme que dirige en Belgique notre ami Willy Fautré : Human rights Without frontiers. Comme il le souligne lui-même, ces données ne prétendent pas être exhaustives et reflètent seulement une part de la réalité russe actuelle.

*

25 mai 2025

– A Ekaterinburg, un officier qui s’opposait à la guerre en Ukraine a été condamné à 18 ans de prison pour « trahison » selon l’article 275 du code criminel (haute trahison) et selon l’article 283.1, paragraphe f, du code criminel (réception illégale d’information  constituant un secret d’Etat).

– A Saint-Petersbourg, un historien local a été condamné à un an de prison pour son commentaire sur un « sniper » finlandais en application de l’article 354.1 paragraphe c du code criminel (réhabilitation du nazisme en utilisant internet).

– Un témoin de Jéhovah handicapé de la région de Karachai-Cherkessie a été condamné à 4 ans et demi de prison selon l’article 282.2 du code pénal (activités au sein d’une organisation extrémiste et recrutement d’autres personnes).  

– Andrei Zayakin,  le co-fondateur de Dissernet, a été condamné in absentia à 5 ans de prison pour versement financier à la « Fondation Anti-corruption » selon l’article du code pénal 282.3 (financement d’activités extrémistes)

– Le recteur du Centre Zen de Moscou a été condamné à 8 ans de prison pour fausses nouvelles militaires en vertu de l’article  207.3, paragraphe e du code pénal (diffusion d’informations connues pour être fausses sur l’armée russe, motivée par la haine politique et nationale)

26 mai 2025

– Un photographe de Perm a été condamné à 16 ans de prison pour trahison du fait de la publication d’un livre, selon l’article 275 du code pénal (haute trahison)

27 mai 2025

– Un résident de Tomsk a été condamné à trois ans de prison du fait de son engagement dans le mouvement Falun Gong en application de l’article 284.1 du code pénal (activités d’une organisation étrangère ou internationale reconnue comme indésirable sur le territoire de la Fédération de Russie).

2 juin 2025

Quatre résidents du Territoire de Stavropol ont été condamnés à des peines allant d’un an à un an et demi de détention dans une « colonie » pour avoir dansé la lezginka (danse traditionnelle caucasienne) en vertu de l’article 354.1 (réhabilitation du nazisme sous la forme du rejet par un groupe des symboles de la gloire militaire de la Russie).

 – Une Américaine  dans la République autoproclamée du Donbass a été condamnée in absentia à 20 ans  de prison  pour fausses nouvelles et activités mercenaires en vertu de l’article 207.3 du Code pénal (diffusion d’informations sur l’armée russe connues pour être fausses) et de l’article 359 du code pénal (activités mercenaires sous la forme de participation à un conflit armé ou à des hostilités).

4 juin 2025

– Un résident de Smolensk a été condamné à trois ans de prison pour des commentaires sur les forces armées d’Ukraine et pour une vidéo sur l’URSS en vertu de l’article 205.2 du code pénal (appels publics en faveur d’actes terroristes, justification du terrorisme, ou propagande en sa faveur) et de l’article 354.1, paragraphe c du code pénal (réhabilitation du nazisme sur internet).

5 juin 2025

– Un résident de Oufa a été condamné à 16 ans de prison  pour trahison  et incitation à la haine envers le parti Russie Unie en vertu de l’article 282.1 du code pénal (organisation d’une communauté extrémiste), en vertu de l’article 282, paragraphes a et c, et de l’article 205.2 (appels publics à des activités terroristes, justification publique du terrorisme ou propagande en faveur du terrorisme) et en vertu de l’article 205 paragraphe a  (activité terroriste commise avec préméditation par un groupe de personnes).

6 juin 2025

–  Un(e) dactylo de la région de Sverdlovsk a été condamné(e) à 20 ans de prison pour avoir tenté de mettre le feu au bureau d’incorporation et d’enregistrement militaire, en vertu de l’article 205.5, de l’article 30 du code pénal (organisation des activités d’une organisation terroriste et participation à ses activités, tentative de meurtre), de l’article 275 du code pénal (haute trahison) et de l’article 205.3 (formation suivie dans le but de mener des activités terroristes).

10 juin 2025

– Un ex-policier a été condamné à 14 ans de détention pour inscriptions anti-guerre et participation à une organisation terroriste en vertu de l’article 214 du code pénal (vandalisme motivé par la haine politique), l’article 243 (destruction de bombes militaires ou de structures commémoratives perpétuant la gloire militaire de la Russie) et de l’article 205.5 (organisation des activités d’une organisation terroriste et participation à ses activités).

11 juin 2025

– L’homme politique Leonid Volkov a été condamné in absencia à 18 ans de prison en vertu de l’article 159 du code pénal (fraude commise par un groupe de personnes ou à une échelle particulièrement grande, de l’article 214 du code pénal (vandalisme motivé par la haine politique), et de l’article 205.2, du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme), et de l’article 207.3, paragraphes “a” et “e” (diffusion de nouvelle connue comme fausse sur l’armée russe par un groupe de personnes préalablement associées  dans ce but et motivées par la haine politique et nationale).

–  Un militant écologiste de Samara a été condamné à 20 ans de prison en vertu de différents articles  du code pénal  : l’article  275  (haute trahison), l’article 223.1 (confection illégale d’explosifs et fabrication illégale, modification ou réparation d’équipements  destinés à des explosifs).

14 juin 2025

–  Un résident de Marioupol a été condamné à 6 ans de prison pour des écrits en application de l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme) et de l’article 280.4 (appels publics à mener des activités dirigées contre la sécurité de l’Etat).

15 juin 2025

– Un homme d’affaire de Tchélyabinsk a été condamné à 5 ans et demi de prison pour un commentaire sur la guerre; d’après l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme).          

16 juin 2025

– Trois accusés du « procès Baymak » (une ville de Bachkirie qui a connu en décembre 2024 des manifestations importantes en soutien à Fayil Alsynov, un défenseur des droits de l’homme condamné à 4 ans de « colonie » ndlr) ont été frappés  de peines allant jusqu’à 4 ans et demi de prison, en vertu de l’article 212, du code pénal (incitation d’autres personnes à participer à des émeutes de masse) et de l’article 318, première partie, du code pénal (usage de violence contre des représentants de l’autorité).

17 juin 2025

– Un résident du territoire Trans-Baïkal a été condamné à 11 ans pour « préparation d’artillerie » en s’appuyant sur l’article 205.2, du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme) ainsi que l’article 205.5, du code pénal (organisation des activités d’une organisation terroriste et participation à ses activités).

18 juin 2025

– Un Moscovite a été frappé d’une condamnation à 3 ans et demi de prison pour 7 versements à la Fondation anti-corruption (article 282.3 du code pénal : financement d’une activité extrémiste).

19 juin 2025

– Un oppositionnel géorgien a été condamné à deux ans de prison pour écrits sur les Géorgiens combattant dans les Forces armées de l’Ukraine en vertu de l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme).

20 juin 2025

Une volontaire de l’«Armée des beautés » qui aidait les réfugiés ukrainiens a été condamnée à 22 ans de prison en vertu de l’article 275 du code pénal (haute trahison), de l’article 280.4 (appels publics à mener des activités dirigées contre la sécurité de l’Etat) et de l’article 205.(assistance à des activités terroristes et à l’organisation de crimes).

23 juin 2025

– Un étudiant de Tchouvachie a été condamné à un an et demi de prison pour graffiti anti-guerre selon l’article 214, 2ème partie, du code pénal (vandalisme motivé par la haine politique). Un troisième procès a  été mis en place contre lui.

24 juin 2025

– Un ingénieur du Tatarstan a vu sa peine accrue d’un an à l’issue d’un procès pour extrémisme, en vertu de l’article 282.2 (participation aux activités d’une organisation extrémiste).

– Un résident de la région d’Irkoutsk a été condamné à 6 ans de prison pour ses commentaires sur les forces de sécurité, selon l’article 205.2 du Code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme) et l’article 280, 2 ème partie (appels publics à des activités extrémistes).

28 juin 2025

– Un militaire en retraite de la région de Nijni Novgorod a été condamné à 18 ans de prison pour distribution de tracts hostiles à la guerre selon l’article 275 du code pénal (haute trahison), l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification publique ou propagande en faveur du terrorisme) et l’article 222.1 du code pénal (possession illégale d‘explosifs).

30 juin 2025

– Sur le territoire de Stavropol, deux hommes ont été  condamnés à deux ans et demi de prison pour s’être réchauffés les pieds à la Flamme éternelle (article 354.1 du Code pénal (réhabilitation du nazisme sous la forme de désertion des symboles de la gloire militaire de la Russie, commis en groupe).

– Un enseignant de la région de Moscou a été condamné in absentia à 7 ans de prison pour cause de conversation avec des écoliers sur la guerre selon l’article 207.3, paragraphes a du code pénal (diffusion d’information connue pour fausse sur la position officielle de l’armée russe, motivée par la haine politique et nationale).

– Un résident d’Arkhangelsk âgé de 18 ans a été condamné à 5 ans de prison du fait d’appels en faveur du terrorisme selon l’article 205.2 du code pénal (incitation publique à une activité terroriste et justification du terrorisme), l’article 280 du code pénal (appels publics à des activités extrémistes par le biais d’internet), l’article 284.4 paragraphes c et e (appels publics à mener des activités dirigées contre la sécurité de l’Etat par le biais d’internet sur la base de la haine, politique, nationale et sociale).

Histoire et liberté, le 9 juillet 2025

9 Juil 2025


La Lituanie dans le viseur depuis quelques semaines

La Lituanie dans le viseur depuis quelques semaines

Pays baltes

Quand le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov évoque une « manipulation » et une « instrumentalisation » de l’histoire, il sait de quoi il parle. Le plus simple étant d’accuser autrui de ses propres turpitudes, il confirme qu’il est maitre en la matière.

C’est ainsi qu’en préface d’un livre consacré à l’histoire de la Lituanie qui conteste la légitimité même de l’existence du pays, il écrit « Aujourd’hui les Etats baltes y compris la république moderne de Lituanie ont fait de l’utilisation de l’histoire falsifiée une politique d’Etat visant à stimuler les sentiments anti-russes et anti-russophones dans le contexte d’une tentative de révision de l’histoire en cours. L’approche objective du passé dans son intégralité et ses interrelations acquiert alors une importance particulière ».

Ce livre, publié en mars 2025 par l’institut d’Etat des Relations internationales de Moscou et disponible en ligne est un modèle du genre.

Pour le Kremlin, la Lituanie nexiste pas

Ce livre explique que l’Etat lituanien a été créé par les Slaves et la Russie. Il affirme que la nation et la langue lituanienne n’existent pas. Il remet en cause l’histoire de la Lituanie, ses valeurs, ses symboles. Il considère la Lituanie contemporaine comme le successeur de la Lituanie de la dictature d’Antanas Smetona et l’accuse d’embrasser une idéologie pro-nazie ! ….

Chacun aura fait le parallèle avec le narratif destiné à justifier la tentative d’invasion de l’Ukraine :  Moscou nie l’existence de l’Ukraine en tant que nation et accuse le pouvoir du pire.

Ce livre est une expression claire de l’impérialisme russe et de son besoin consubstantiel d’agresser ses voisins. Il représente la logique classique du narratif poutinien : « Les Baltes sont russes. Ils ont donc vocation à réintégrer l’orbite russe ». Il s’inscrit dans la si généreuse politique russe qui s’engage à « venir en aide » à tous les Russes et russophones où qu’ils soient dans le monde[1].

Les frontières de la Russie ne sarrêtent nulle part

La menace concerne l’ensemble des pays du glacis (« les frontières de la Russie sont celles de l’Union Soviétique »), mais donc aussi tout territoire qui « accueille » des russophones. Les frontières de la Russie ne s’arrêtent donc nulle part.

C’est pas ainsi que les Russes viennent de mettre la main sur la deuxième église orthodoxe de Nice – sans parler du centre culturel russe et de la cathédrale orthodoxe russe de la Sainte Trinité du quai Branly à Paris qui constitue une enclave extraterritoriale au cœur de la capitale, une fabrique du nationalisme identitaire un relais de la politique et des narratifs du Kremlin.

Le premier ministre géorgien en écho

Dans la foulée des attaques perpétrées par Lavrov, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze affirme que le ministère lituanien des affaires étrangères n’existe simplement pas, qu’il ne détient aucune autorité indépendante ni valeur diplomatique, qu’il est une « simple extension » d’un « Etat profond ».

Les Lituaniens ont choisi de ne pas polémiquer considérant ces propos comme le révélateurs et illustrations du recul démocratique de la Géorgie et de son alignement sur Moscou. La Lituanie exhorte, néanmoins le gouvernement géorgien à mettre fin aux répressions incessantes contre son peuple et à revenir sur leurs politiques antidémocratiques et anti-UE. Elle dénonce l’arrestation de dirigeants politiques en Géorgie exige la libération immédiate de tous les civils détenus pour des motifs politiques. Elle exprime sa solidarité avec le peuple géorgien et de sa lutte pour un avenir démocratique et européen en Géorgie.

Un besoin dEurope

Au-delà, ces attaques claires confirment la volonté toujours vive de Poutine et son ambition non seulement de reconstruire l’empire mais sans doute aussi de l’élargir. Depuis 2002 il le dit mais nous ne voulons ni l’entendre ni le croire. Pour lui, tous les moyens sont bons, de la force à la guerre hybride.

Dans un contexte géopolitique plus incertain que jamais, marqué par une curieuse évolution des jeux d’alliance, l’Europe peut et doit prendre toute sa place et toutes ses responsabilités.

La guerre en Ukraine ne prendra pas fin tant que l’OTAN n’aura pas retiré ses troupes des pays baltes, a averti Sergueï Ryabkov, vice-ministre des Affaire étrangères, on l’a dit, mais chargé plus spécialement des relations avec les États-Unis, de la non-prolifération et du contrôle des armements, a fait ces remarques au cours d’une interview accordée à l’agence de presse officielle Tass.

Newsweek a contacté le Kremlin et l’OTAN pour obtenir des commentaires par e-mail.Les commentaires de Ryabkov marquent un changement dans la position du Kremlin. Il a suggéré que les racines du conflit ne se trouvaient pas seulement en Ukraine elle-même, mais aussi dans l’expansion de l’OTAN vers l’est. Selon Ryabkov, le retrait des forces de l’OTAN des pays baltes contribuerait à mettre fin à la guerre.

L’OTAN maintient cependant une forte présence militaire dans les États baltes, avec des groupements tactiques et des brigades multinationales stationnés en Bulgarie, en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie.

L’alliance militaire a renforcé sa présence dans la région à la suite de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Dans une mise à jour publiée le 6 juin, elle déclarait même  que les huit groupements tactiques « démontrent la force du lien transatlantique et la solidarité, la détermination et la capacité de l’Alliance à répondre à toute agression ».

De plus, on le sait, la Suède et la Finlande sont passées de la neutralité à l’adhésion à l’OTAN depuis l’invasion de l’Ukraine.

 Le Kremlin et  l’OTAN

Le Kremlin avait déjà déclaré que l’Ukraine devait abandonner sa volonté d’adhésion à l’OTAN comme condition pour mettre fin à la guerre, mais Ryabkov a semblé signaler à Tass que l’alliance devait également se retirer complètement des pays baltes. Selon lui,il est « impossible de résoudre le conflit tant que l’OTAN ne se retirera pas » et il a fait valoir que la résolution du conflit en Ukraine nécessitait de s’attaquer à ce qu’il a décrivait comme ses causes profondes.

« Compte tenu de la nature et de la genèse de la crise ukrainienne, provoquée par les autorités américaines précédentes et l’Occident dans son ensemble, a prétendu Ryabkov, ce conflit agit naturellement (…) comme un test, un essai, qui vérifie le sérieux des intentions de Washington de redresser nos relations ».

Le mois dernier, trois sources russes au courant des négociations menées par Washington ont déclaré à Reuters, dans les mêmes perspectives, que les conditions de Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine comprenaient un engagement écrit des dirigeants occidentaux à mettre fin à l’expansion de l’OTAN vers l’est.

Demandes à Trump

Sergueï Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a déclaré à Tass :que    « Le retour de Trump à la Maison Blanche, s’engageant en faveur d’un règlement politique et diplomatique de la crise ukrainienne, est devenu un motif d’optimisme prudent en termes de normalisation potentielle des relations avec les États-Unis, mais aussi dans un sens plus large. C’est dans cette veine que les présidents de la Russie et des États-Unis ont eu quatre conversations téléphoniques. Notre partie a exprimé sa gratitude pour le soutien des États-Unis à la reprise des négociations directes entre la Russie et l’Ukraine, interrompues par la partie ukrainienne en 2022.

Mais Vladimir Vladimirovitch Poutine a également confirmé le principe fondamental de la nécessité d’éliminer les causes profondes du conflit dans le cadre des efforts politiques et diplomatiques. Sinon, la paix à long terme ne peut être assurée, et concrètement, il est nécessaire d’exclure toute possibilité pour les forces armées ukrainiennes de profiter de la pause pour se reposer et de regrouper leurs forces.

Telle est la position russe. Quelle sera, face à elle, la réponse de Donald Trump ?

Anne-Marie Goussard, le 23 juin 2025


[1] L’un des co-auteurs, Giedrius Grabauskas est l’ex-associé de Algirdas Paleckis condamné en juillet 2021 pour espionnage au profit de la Russie

23 Juin 2025


Régis Genté - Notre Homme à Washington Trump dans la main des Russes

Quelle est la nature des relations entre Trump et Poutine ? La question est aussi ancienne que lancinante mais elle est revenue au premier rang des interrogations en particulier pour tous ceux que préoccupe le destin de l’Ukraine.

Ecrit avant l’élection de novembre dernier, le livre de Régis Genté Notre homme à Washington (Grasset, 2024), sous-titré « Trump dans la main des Russes »  éclaire l’actualité sous un jour spécifique dans la mesure où il s’agit d’une exploration des liens entre Donald Trump et la Russie sur une période de plus de quarante ans.

L’auteur, journaliste spécialisé sur l’Europe de l’Est, s’appuie sur des documents et des témoignages avérés pour étayer sa thèse selon laquelle Trump aurait été repéré par les services soviétiques dès les années 1980. Grande continuité puisque, dès cette époque, Trump multiplie les déclarations contre l’OTAN… Et formidable prescience des services russes qui ne pouvaient quand même pas prévoir qu’ils investissaient sur un futur président des Etats-Unis. Cependant, nul complotisme ici, rien que des faits. 

Selon Régis Genté, Trump est devenu très tôt un “contact confidentiel” c’est-à-dire une personne que les services russes “cultivent” en la soutenant, sans qu’elle soit nécessairement consciente de jouer en retour un rôle actif qui leur sera favorable. En l’occurrence les services russes ne cesseront d’apporter d’opportuns soutiens financiers via la horde de mafieux, d’espions et d’oligarques qui a envahi les Etats-Unis après l’effondrement de l’Union Soviétique. A chaque fois qu’il frôle la faillite, de généreux personnages à la fortune trouble achètent des appartements surpayés dans ses Trump Towers ou investissent dans ses autres projets immobiliers. A l’inverse Trump, qui s’est rendu trois fois en Russie depuis 1987, n’a jamais réussi à fourguer une Trump Tower à Moscou – c’est un de ses arguments de défense.

L’auteur est particulièrement prolixe autour de la campagne de 2016 car il dispose de deux sources officielles d’enquête. Un rapport du Sénat – alors à majorité républicaine mais pas la même qu’aujourd’hui… – et le rapport du conseiller spécial Robert Mueller, certes publié de façon expurgée mais quand même très explicite. On y découvrira notamment la gamme inattendue des services offerts par la Deutsche Bank.

Régis Genté souligne bien qu’il n’existe pas de “smoking gun” prouvant une collusion directe mais que le faisceau d’indices est suffisamment conséquent pour susciter des interrogations quant aux racines de la grande mansuétude qui est la marque de la nouvelle politique américaine vis-à-vis du Kremlin. La simple fascination pour un autocrate (l’hypothèse psychologique) ou la volonté de redéfinir des zones d’influence (l’hypothèse géostratégique) paraissent des explications très insuffisantes au regard de l’obstination dans les prises de position de Donald Trump et des siens depuis le 20 janvier dernier : toujours favorables à la Russie et hostiles à l’Ukraine. En reliant les événements les plus récents, le lecteur pourra facilement écrire la conclusion que le livre laisse en suspens.

Antoine Cassan, le 29 avril 2025

29 Avr 2025


La crise avec l’Amérique vient du fait que nous n’avons plus d’épistémologie commune. Les gens regardent la même chose et ne parviennent pas se mettre d’accord sur ce qu’ils ont vu. C’est ce qui arrive quand la liberté dérape. La liberté dérape quand il n’y a plus consensus sur les principes fondamentaux. 

Pour l’Ukraine, c’est désolant car cette anarchie ontologique — on me corrigera, je ne suis pas philosophe — est à la base de la guerre. Il ne faut pas blâmer Trump, ou Trump seul. Depuis les années 90, les gouvernements américains se trompent sur la Russie, et plus encore qu’ils se trompaient lors des divers débats portant sur la nature et les intentions de l’URSS. 

Sur ce régime, on était au moins d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’une dictature communiste, inspirée (officiellement) par le marxisme.  On était en revanche en désaccord sur la meilleure stratégie à adopter.  Les uns disaient qu’il fallait l’amadouer — nombreux partisans de cette idée dans l’entourage de Franklin Roosevelt — les autres, par exemple l’ami de Roosevelt, l’ambassadeur William Bullitt, pensaient que l’on avait affaire à un adversaire qui ne cherchait aucunement la coexistence à long terme.

Les deux pôles sont fixes: Carter disait: « il est temps d’abandonner la crainte obsessionnelle  communisme »; Reagan, parlait,  lui, de « l’empire du mal ».  Et nous y sommes encore. J’en passe, mais Barack Obama et Hillary Clinton (en tant que secrétaire d’Etat), essayaient de ménager Poutine, tout en aidant l’Ukraine par du matériel militaire et des missions sur le terrain, mais sans envoyer de troupes en Ukraine à partir des agressions russes de 2014.

Le débat continue: la Russie peut-elle être amadouée ou non ? La politique de Biden en résulte : il condamnait l’agression et l’occupation des provinces de l’est et de la Crimée, mais ne soutenait pas assez l’Ukraine pour permettre une contre-offensive sur les territoires occupés ou pour faire craindre à Poutine la possibilité d’une participation des Américains comme en Corée.

Trump, homme du centre et pragmatique avant tout – ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas mégalomaniaque ni opportuniste – dit tout simplement : rien n’a réussi, l’Ukraine va être complètement détruite, les Européens n’en feront pas assez pour inverser le sort de la guerre.  Donc, soit on attaque la Russie avec nos division Airborne, les mêmes qui ont mené à la libération de la Normandie en 1944, soit on trouve une accord – un deal – qui apaise tout le monde, au moins pour quelques temps. L’occasion, mais c’est seulement le début, se présente grâce au minéraux qui à l’heure actuelle gisent dans le sol Ukrainien ainsi que dans le sol ukrainien occupé par l’armée russe.

C’est un peu comme le charbon et l’acier après la Deuxième guerre mondiale. Ce fut la solution de Jean Monnet, qui évoluera vers l’Union Européenne  et qui, mais rares sont ceux que s’en souviennent, consista à mettre le charbon et l’acier sous un contrôle et une institution qui bénéficièrent à l’Allemagne comme à la France. 

Zelensky est courageux et admirable, mais il n’est pas Schuman, et, certes, Poutine n’est pas Adenauer. Et Trump n’est pas Monnet, même si celui-ci était, aussi, un fameux homme d’affaire.  Mais on fait ce qu’on peut avec qui est sur la scène.

Je pense que c’est la façon la plus simple de voir les choses sur le front de l’Est.  Évidemment, cela peut complètement déraper. Poutine voudra tout prendre, mais Trump et ses successeurs pourraient maintenir un nouveau containment – avec l’aide de Macron, en particulier.  Trump, sans qu’on puisse savoir s’il en est conscient, fait ce que faisait Nixon: amadouer la Chine pour contrer l’URSS, mais dans l’autre direction. On sait ce que cela a donné, ce n’est donc pas une solution parfaite, mais comme le faisait voir Billy Wilder dans Certains l’aiment chaud, personne n’est parfait. 

Roger Kaplan, le 2 mars 2025

[Réponse]

Cher Roger,

Ton texte va susciter des remous parmi nous. Mais si nous voulons bien cerner les éléments importants de la crise actuelle, il faut que nous en parlions, de ces remous et que nous essayions de garder notre calme comme tu le fais toi-même. Calmement donc, je te dis que le cœur de ton argumentation n’est pas recevable. Jean Monnet a poussé la France et l’Allemagne sur la voie des intérêts économiques communs pour les inciter à trouver un intérêt commun au projet européen. Mais ce fut APRÈS la défaite de l’Allemagne nazie. Tu ne peux comparer les deux démocraties qu’étaient la RFA et la France avec l’Ukraine et la Russie, laquelle est l’ennemie acharnée des démocraties libérales. Poutine fonctionne comme le fit Hitler, qui se disait hier le défenseur des minorités germanophones. Lui, défend aujourd’hui les minorité russophones. Si la comparaison avec Hitler te choque, on peut parler de la Russie impériale qui au milieu du XIXème siècle prétendit à un protectorat sur les orthodoxes de l’empire turc. De la riposte est née la guerre dite de Crimée et le siège de Sébastopol par les Français et les Anglais. Combats d’empires. me diras-tu, mais nous n’en sommes plus là, justement. Nous en sommes à la défense des démocraties libérales contre l’empire russe dont il est facile de rappeler les atteintes à la démocratie et les horreurs, tout simplement.

S’agit-il pour Trump dans cette affaire, de défendre la démocratie? J’en doute: il n’y a plus de références chez lui à des régimes politiques qu’il faut défendre ou dont il faut nous protéger. La seule fois que j’ai entendu Trump esquisser une analyse politique au sujet de l’Ukraine, il disait que Zelensky était un dictateur qui ne s’affrontait pas aux électeurs !

Mes amis et moi ne réagissons pas tous de la même façon et il nous arrive de nous engueuler. Mais gommer la nature politique des régimes et ignorer qui est l’agresseur et l’agressé, que veux tu, ça ne passe pas…Le vote à l’ONU des Etats-Unis avec la Russie et la Corée du Nord, nous a tous fait mal à tous…

Mon amitié pour toi, cher Roger, est inoxydable. Mais nous traversons décidément sur le plan politique un moment difficile !

Pierre Rigoulot, le 4 mars 2025

5 Mar 2025


Triste nouvelle : pour la première fois, Israël et les États-Unis ont voté contre l’Ukraine à l’ONU. Nous résumons puis diffusons ci-dessous de larges extraits d’un intéressant article consacré à cet événement par le journal israélien Ma’ariv, signé de Rav Henri Khan et daté du 25 février.

H&L

Lundi 24 février, jour du troisième anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine, Israël a voté, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, aux côtés des États-Unis, contre une résolution initiée par l’Ukraine et l’Union européenne. Cette résolution appelait à la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à la fin de la guerre que mène contre elle la Russie. 93 pays ont voté en faveur de la résolution ; 65 se sont abstenus et 18 pays ont voté contre, dont les États-Unis, la Russie, la Corée du Nord, la Hongrie, le Nicaragua, le Soudan, le Mali, les Îles Marshall, Haïti, l’Érythrée, le Niger  et Palau.

« C’est la première fois, depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, que les États-Unis et Israël votent contre Kiev. Ce vote exceptionnel fait suite à la tournure dramatique prise par la politique du gouvernement américain à l’égard du conflit et aux remises en cause violentes par le président Donald Trump – adoptant  par là la position de la Russi – du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Il convient de noter qu’à la dernière minute, Israël n’était pas certain de la position que prendraient les États-Unis et s’ils voteraient vraiment contre la résolution. Israël s’est pourtant aligné sur les États-Unis.

Depuis le début de la guerre, Israël a soutenu pleinement l’intégrité territoriale de l’Ukraine, allant jusqu’à tenter de jouer les médiateurs entre elle et la Russie, lorsque, le samedi, l’ancien Premier ministre Naftali Bennett s’est rendu à Moscou pour rencontrer Poutine. Israël a soutenu l’Ukraine tout au long du conflit et l’a même aidée, principalement en fournissant du matériel de protection (casques, gilets pare-balles et masques de protection). Par ailleurs, Israël a transmis à l’Ukraine le système d’alerte « Couleur Rouge », et les deux pays ont également échangé des renseignements sur l’aide iranienne à la Russie, notamment concernant la fourniture de drones d’attaque.

Parallèlement, l’Ukraine espérait, au cours des trois années de guerre, qu’Israël intensifierait son soutien en lui fournissant également des armes offensives. Cependant, Israël s’est abstenu par crainte de provoquer la colère de la Russie, ce qui a profondément déçu les Ukrainiens. Des rapports récents ont laissé entendre qu’Israël avait transféré à l’Ukraine des systèmes de défense de type « Patriot », mais il s’est avéré qu’il ne s’agissait pas d’une aide directe, ces systèmes ayant été remis aux États-Unis, qui les ont eux-mêmes transmis à l’Ukraine. L’opinion publique ukrainienne a soutenu Israël après le massacre du 7 octobre, et, de manière générale, le pays a ressenti une solidarité profonde avec Israël.

Le président de la commission sur l’immigration, l’absorption et la diaspora, le député Gilad Kariv, a vivement critiqué le vote israélien, déclarant que « la position d’Israël contre l’Ukraine est un signe de déshonneur tant sur le plan des valeurs que sur celui de la morale. Le jour où le monde commémore le troisième anniversaire de l’attaque russe contre l’Ukraine, l’État d’Israël choisit de voter contre le côté attaqué. Il s’agit d’un échec moral et de l’adoption d’une position qui, en fin de compte, pourrait nuire à l’État d’Israël. Le monde libre doit se tenir aux côtés de l’Ukraine et ne pas récompenser, par des distinctions, un État agresseur, de manière à défendre les valeurs fondamentales de souveraineté et de démocratie. »

Rav Henri Khan, le 25 février 2025

1 Mar 2025