La liberté « libertarienne » : à consumer sans modération ?

Elon Musk partout qualifié de « libertarien », de même que le nouveau chef de l’État argentin, Javier Milei (qui s’est d’ailleurs lui-même présenté comme « le premier président libertarien de l’histoire ») : l’année 2024 aura donc vu ce label traduit du libertarian américain et jusqu’alors ignoré du lexique « grand public » opérer une notable irruption dans les médias  du monde entier. Des « libertariens » ? Sous cette appellation sont outre-Atlantique désignés des partisans résolus d’une liberté individuelle intégrale seulement limitée par le respect de celle des autres individus. Ce qui, doctrinalement, renvoie à un courant de pensée dûment répertorié : le « libertarianism » – qui théorise et soutient la prééminence absolue d’un liberté en tout : de pensée, d’expression, d’échange, d’association, de mœurs ou encore d’autodéfense. Dont la propriété de soi et la choix volontaire sont les plus surs fondements.

Mais pourquoi ne pas plutôt parler de « libertaires » et de « libertarisme » ? Tout simplement parce que ceux-ci se caractérisent par leur collectivisme économique alors que les libertariens américains  voient dans la propriété privée le support obligé de l’exercice de la liberté de l’individu – une distinction décisive. Autre précision sémantique liminaire: aux États-Unis, le label « libertarianism » a une acception large qui inclut les « classical liberals » (Hayek, Mises, Friedman…) contraints de renoncer à se poser en libéraux depuis que dans les années 1930 le terme liberal y a pris une connotation étatiste et progressiste – et une signification plus étroite qui ne s’applique qu’à de rigoureux anti-étatistes et vrais « ultra-libéraux » refusant d’être amalgamés aux libéraux classiques encore trop interventionnistes à leurs yeux. Celle-ci seule retiendra notre attention dans ce qui suit.

Anarcho-capitalistes vs « Minarchistes » : dissensus entre libertariens

Au cours de la première moitié des années 1970, un tir nourri de publications sans précédent dans l’histoire politico-intellectuelle américaine défend soudain la cause d’un « libertarianisme » typiquement « made in USA » : Radical Libertarianism : A Right Wing Alternative (Jerome Tucille, 1970), Libertarianism : A Political Philosophy for Tomorrow (John Hospers, 1971), For a New Liberty : The Libertarian Manifesto (Murray Rothbard, 1973), The Machinery of Freedom (David Friedman (1973)… Un peu plus tard, en 1982, le futur chef de file du mouvement, Murray Rothbard, revient à la charge en publiant un magistral The Ethics of Liberty. Mais cette assomption libertarienne n’a pas qu’une dimension éditoriale. Sur un plan plus militant, des think tanks se mettent en place (Cato Institute en 1977, Mises Institute en 1982) et se fonde même dès 1971 un parti politique, le Libertarian Party participant aux élections présidentielles – tandis que le champ académique se voit également investi avec la création en 1977 d’un Journal of Libertarian Studies.            

Si avant ces prolifiques années 1970 le vocable libertarian  existait déjà au sens de « libertaire » venu d’Europe, il demeurait d’usage confidentiel et n’avait pris sa connotation inédite de « pro-capitaliste » qu’à l’orée des années 1940 – en particulier sous l’influence de « pré-libertariens » qui s’étaient fait un nom entre 1930 et 1940, tels Frank Chodorov, Albert Jay Nock ou Henry Mencken, révulsés par le New Deal. Mais ce n’est donc qu’une trentaine d’années plus tard qu’il acquiert une robuste notoriété en lien avec l’émergence remarquée d’un libertarianisme qui radicalise l’attachement à une liberté (individuelle) célébrée en valeur cardinale dotée d’un monopole axiologique. Au sein du corpus éditorial mentionné plus haut, la moitié des ouvrages font explicitement référence à la priorité lexicale dévolue à ce qui est dénommé aussi bien « Freedom » que « Liberty ». Le contexte politique américain d’alors explique que cela soit intervenu au début des années 1970, soit à la fin des deux présidences  de Lyndon Johnson (1963-1969) qui avaient vu brusquement se développer un social-étatisme des plus activistes, entre aides sociales de toutes sortes et institutionnalisation de l’ « Affirmative Action » (discrimination positive). D’où, en virulente réaction (favorisée par l’opposition étudiante à la guerre au Viet-Nam) contre cette étatisation de la société américaine, la spectaculaire irruption du libertarianisme sur la scène publique.

En fait, tous les auteurs libertariens dont il vient d’être question sont volontiers désignés et se qualifient eux-mêmes comme des « anarcho-capitalistes ». Des anarchistes ? Certes, mais dans une version spécifiquement américaine qui n’a guère à voir avec ce qui caractérise l’anarchisme européen, résolument collectiviste et égalitariste, ni non plus avec un quelconque « anarchisme de droite ». Eux aussi farouchement anti-étatistes, les libertariens anarcho-capitalistes considèrent que le libre échange volontaire entre individus de préférence associés et donc le libre marché suffisent à auto-réguler l’action humaine.  Ce choix d’un laissez-faire en tout doit en principe générer un monde tolérant et pacifique, où chaque individu peut s’accomplir en plein propriétaire de soi libéré de toute mise sous tutelle par un État forcément illégitime puisqu’il se dispense du consentement contractuel explicite  de chacun des citoyens.

Mais dans la galaxie libertarienne, tout le monde ne l’entend pas ainsi. Une mouvance dite « minarchiste » estime que pour éviter le chaos et la violence, assurer le respect des contrats, punir la fraude et défendre la liberté individuelle contre toute agression, un dispositif de protection public et commun demeure indispensable : un État minimum. C’est ce qu’une dizaine d’années avant le surgissement anarcho-capitaliste avait  soutenu la célèbre romancière et philosophe Ayn Rand (Atlas Shrugged, 1957; Capitalism, the Unknown Ideal, 1966) non sans paradoxe : souvent cataloguée comme figure de proue libertarienne en tant que fervente avocate de la souveraineté de l’individu dans le cadre nécessaire d’un « capitalisme de laissez-faire »,  elle récusait  cette qualification en voyant dans les libertariens des individus irresponsables (des « hippies », des « zombies »…)  dont l’irrationalité contredisait sa propre philosophie « objectiviste ». Un peu plus tard, un autre philosophe de poids, Robert Nozick (professeur à Harvard) se revendiqua du libertarianisme minarchiste dans son remarqué Anarchy, State and Utopia (1974) dirigé contre les thèses socialisantes du liberal John Rawls.  Mais il y établit aussi que dans un monde d’anarchie, un processus de « main invisible » aboutirait forcément à fédérer des agences privées de protection en un quasi État « ultra-minimal » puis « minimal ».

Ce bref survol ne saurait enfin ignorer que sur cette bipolarisation se greffe un improbable et très minoritaire « libertarianisme de gauche » (Peter Vallentyne) qui, tout en acceptant l’idée d’un individu propriétaire de soi, défend celle d’une collectivisation des ressources et prône l’instauration d’un « basic income » (revenu universel) impliquant l’intervention d’un État redistributeur et dirigiste…

Une utopie entre angélisme et apories

Depuis son apparition il y a plus d’un demi-siècle, le libertarianisme a poursuivi son aventure intellectuelle mais sans véritablement s’imposer sur le « marché des idées » ni compter de nouvelles figures attirant l’attention (hors Hans-Herman Hoppe, auteur en 2001 de Democracy. The God that Failed, qui?), ni encore moins sur le plan politique. Ne dépassant jamais guère plus de 1 % des voix lors des élection présidentielles avec pendant longtemps Ron Paul en tête d’affiche du parti libertarien, ce dernier a même brutalement chuté en 2024 puisque son candidat Chase Oliver n’en a recueilli que 0,4 %. Face à ce cruel et persistant déficit d’audience populaire, les libertariens version anarcho-capitaliste ont de quoi s’interroger : pourquoi un tel insuccès à convaincre dans un pays où existe depuis toujours une redoutable tradition anti-étatiste ( portée au XIXème siècle par David Thoreau puis Lysander Spooner et Benjamin Tucker) ? Et pourquoi l’échec à s’exporter hors d’Amérique dans un état non groupusculaire ?

Ne se pourrait-il pas, en premier lieu, que ces libertariens aient nourri d’excessives illusions quant à l’appétence présumée des humains (fussent-ils américains) pour la liberté – et qui plus est une liberté pratiquement sans entraves ni garde-fous ? Nombre d’entre eux n’ont-ils pas plutôt « peur de la liberté » (Eric Fromm), préférant le confort du conformisme, de la servitude (La Boétie), voire de la soumission aux autocrates qui dominent en fait la planète ? Á moins que non sans quelque raison, ils estiment que se jeter dans un monde « déconstruit » sans autorité ni espace publics, sans nations ni frontières et où l’idée même de société aurait disparu revient à dire adieu aux libertés les plus élémentaires propres aux démocraties libérales d’Occident ? Imaginons par ailleurs qu’ait pris corps l’utopie anarcho-capitaliste, soit une juxtaposition d’entités juridiques privées (des copropriétés comme les « gated communities » ou les « îles flottantes »  apatrides ) auxquelles on adhère volontairement et dont la sécurité est assurée par des agences non moins privées. Au nom de quoi l’adhérent d’une de ces agences qui viole le droit adopté dans une autre devrait-il se soumettre aux sanctions édictées par celle-ci puisque il n’y a pas donné son consentement ?  Afin qu’aucun crime ne demeure impuni où que l’on se trouve mais aussi que l’on puisse  librement circuler au dehors de sa copropriété communautaire, ces diverses entités et agences n’en viendront-elles pas à se fédérer et adopter un minimum de règles communes ? Et ainsi (où l’on retrouve Nozick!) recréer un dispositif étatique minimal ? Ce qui , sur le plan militaire, ne serait pas moins nécessaire pour faire face aux agressions ne manquant pas de provenir d’États autoritaires avides d’hégémonie qui, eux, auraient subsisté (à moins que par angélisme géopolitique et inclinations isolationnistes, le pacifisme libertarien pousse à croire qu’il n’y aura plus jamais de guerres!)

Outre cette imputation d’irréalisme affectant l’utopie libertarienne radicale, les prises de position anti-étatistes appliquées au contexte contemporain  et partagées avec l’extrême droite peuvent apparaître non moins problématiques. Climato-dénégationnisme, conspirationnisme antivax lors de l’épisode du covid : tout semble se passer comme s’il suffisait que quoi que ce soit présumé impliquer forcément l’État s’en retrouve irrémédiablement contaminé et disqualifié. Inversement, prétendre que par essence le capitalisme, pour le moins idéalisé, n’offre que des solutions servant la liberté individuelle laisse perplexe lorsqu’on  songe aux fraudes, tentations monopolistiques et intrusions dans la vie privée des gens dont peuvent faire preuve des entreprises. Enfin, plusieurs propositions libertariennes basiques et emblématiques ne laissent pas d’interroger en raison de leur adéquation peu évidente avec une éthique responsable (souci des conséquences, capacité d’autolimitation) de la liberté  et sa logique: l’identification préférentielle de la liberté au seul exercice du droit de propriété privée  n’est-elle pas réductrice et n’exclut-elle pas d’autres réquisits non moins fondamentaux de la liberté individuelle ? La fixation obsessionnelle sur un État accusé d’être l’unique cause des menées liberticides dans le monde ne pèche-t-elle pas par excès alors qu’il lui est historiquement souvent arrivé d’avoir aussi été l’artisan de l’émancipation d’individus opprimés (femmes, esclaves, minorités religieuses…) – et qu’aux côtés de l’étatisme, le collectivisme moral et culturel (tribalisme, traditionalisme) n’est pas moins tyrannique ? Le laxisme d’une liberté d’expression sans freins ni limites et légitimant donc menaces violentes, calomnies, insultes et diffamation  ne viole-t-il pas la liberté de personnes ainsi exposées à une ruine arbitraire de leur réputation – et le libertarianisme ne cautionne-t-il pas de la sorte le calamiteux règne relativiste de la « post-vérité » ?

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Dans le contexte d’un premier quart de XXI ème siècle marqué par le triomphe des rapports de force brutaux et des régimes « illibéraux », le libertarianisme dans sa version radicale semble bien voué à demeurer hors-sol, à l’état d’ambivalente utopie. Cependant, même dans ses excès, il a le grand mérite de contraindre à repenser les fondements classiquement convenus du politique, à devoir réexaminer ce qui paraissait partout aller de soi. Donc, ne surtout pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » – sous condition de le soustraire aux sortilèges d’un dogmatisme doctrinal exacerbé et ne plus hyperboliser une liberté absolutisée. Ne serait-il pas en effet plus convaincant et percutant en étant avant tout un état d’esprit, une sensibilité farouchement vigilante, attachés à traquer et pourfendre tous les incessants débordements bureaucratiques et paternalistes de la puissance publique ? Ceci à l’instar d’un…Clint Eastwood  qui s’est volontiers et explicitement posé en subtil « libertarien » dénonçant les intrusions étatiques qui prétendent faire le bonheur des gens sans et même contre eux ou leur dictant leur conduite…Cependant, le libertarianisme plus réaliste et soucieux d’efficience qui s’affiche actuellement au sommet des États argentin et étatsunien ne le fait-il pas au prix d’une dommageable ambiguïté ? Milei refuse la liberté d’avortement et appréciait le populisme autoritaire de Bolsonaro tandis que Musk (rallié à la démagogie nationaliste de Trump)  est fasciné par Poutine, dont les penchants libertariens ont tout de même à ce jour échappé à tout le monde…Le libertarianisme 2.0 est-il vraiment soluble dans ce déroutant confusionnisme ?

                                                       Alain Laurent, le 10 juin 2025

10 Juin 2025


Régis Genté - Notre Homme à Washington Trump dans la main des Russes

Quelle est la nature des relations entre Trump et Poutine ? La question est aussi ancienne que lancinante mais elle est revenue au premier rang des interrogations en particulier pour tous ceux que préoccupe le destin de l’Ukraine.

Ecrit avant l’élection de novembre dernier, le livre de Régis Genté Notre homme à Washington (Grasset, 2024), sous-titré « Trump dans la main des Russes »  éclaire l’actualité sous un jour spécifique dans la mesure où il s’agit d’une exploration des liens entre Donald Trump et la Russie sur une période de plus de quarante ans.

L’auteur, journaliste spécialisé sur l’Europe de l’Est, s’appuie sur des documents et des témoignages avérés pour étayer sa thèse selon laquelle Trump aurait été repéré par les services soviétiques dès les années 1980. Grande continuité puisque, dès cette époque, Trump multiplie les déclarations contre l’OTAN… Et formidable prescience des services russes qui ne pouvaient quand même pas prévoir qu’ils investissaient sur un futur président des Etats-Unis. Cependant, nul complotisme ici, rien que des faits. 

Selon Régis Genté, Trump est devenu très tôt un “contact confidentiel” c’est-à-dire une personne que les services russes “cultivent” en la soutenant, sans qu’elle soit nécessairement consciente de jouer en retour un rôle actif qui leur sera favorable. En l’occurrence les services russes ne cesseront d’apporter d’opportuns soutiens financiers via la horde de mafieux, d’espions et d’oligarques qui a envahi les Etats-Unis après l’effondrement de l’Union Soviétique. A chaque fois qu’il frôle la faillite, de généreux personnages à la fortune trouble achètent des appartements surpayés dans ses Trump Towers ou investissent dans ses autres projets immobiliers. A l’inverse Trump, qui s’est rendu trois fois en Russie depuis 1987, n’a jamais réussi à fourguer une Trump Tower à Moscou – c’est un de ses arguments de défense.

L’auteur est particulièrement prolixe autour de la campagne de 2016 car il dispose de deux sources officielles d’enquête. Un rapport du Sénat – alors à majorité républicaine mais pas la même qu’aujourd’hui… – et le rapport du conseiller spécial Robert Mueller, certes publié de façon expurgée mais quand même très explicite. On y découvrira notamment la gamme inattendue des services offerts par la Deutsche Bank.

Régis Genté souligne bien qu’il n’existe pas de “smoking gun” prouvant une collusion directe mais que le faisceau d’indices est suffisamment conséquent pour susciter des interrogations quant aux racines de la grande mansuétude qui est la marque de la nouvelle politique américaine vis-à-vis du Kremlin. La simple fascination pour un autocrate (l’hypothèse psychologique) ou la volonté de redéfinir des zones d’influence (l’hypothèse géostratégique) paraissent des explications très insuffisantes au regard de l’obstination dans les prises de position de Donald Trump et des siens depuis le 20 janvier dernier : toujours favorables à la Russie et hostiles à l’Ukraine. En reliant les événements les plus récents, le lecteur pourra facilement écrire la conclusion que le livre laisse en suspens.

Antoine Cassan, le 29 avril 2025

29 Avr 2025


Lech Walesa, une des figures emblématiques de la résistance au  totalitarisme communiste, ancien leader du syndicat Solidarnosc, ancien président de la Pologne et prix Nobel de la paix en 1983,  a envoyé, avec une quarantaine d’autres anciens opposants politiques au régime communiste polonais, une lettre ouverte au président Trump. Nous pensons qu’il est important que nos lecteurs en prennent connaissance.

« Excellence, Monsieur le Président,

Nous avons suivi votre rencontre avec le président Zelenski à la Maison-Blanche avec crainte et dégoût. Il est insultant que vous attendiez de l’Ukraine qu’elle exprime sa gratitude pour l’aide matérielle des États-Unis dans sa lutte contre la Russie. Nous devons gratitude aux héroïques soldats ukrainiens qui versent leur sang depuis plus de 11 ans pour défendre les valeurs du monde libre et leur patrie attaquée par la Russie de Poutine. Comment le dirigeant d’un pays qui est le symbole du monde libre peut-il ne pas le reconnaître ?

L’atmosphère dans le Bureau ovale pendant la rencontre nous a rappelé les interrogatoires des services de sécurité et des tribunaux communistes. À l’époque, les procureurs nous disaient qu’ils détenaient tout le pouvoir alors que nous n’en avions aucun. Ils supprimaient nos libertés parce que nous refusions de coopérer ou d’exprimer notre gratitude envers le régime communiste. Nous sommes choqués que le président Zelensky ait été traité de la même manière.

L’histoire montre que lorsque les États-Unis s’éloignent des valeurs démocratiques et de leurs alliés européens, ils se mettent en danger. Le président Woodrow l’avait compris en 1917, lorsque les États-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale. Roosevelt l’avait compris après Pearl Harbor en 1941, conscient que défendre l’Amérique signifiait combattre à la fois dans le Pacifique et en Europe.

Sans le président Reagan et le soutien financier des États-Unis, l’effondrement de l’empire soviétique n’aurait pas été possible. Reagan a qualifié l’URSS d’« empire du mal » et l’a affronté avec détermination. Nous avons gagné, et aujourd’hui sa statue est à Varsovie, face à l’ambassade des États-Unis.

Monsieur le Président, une aide militaire et financière ne peut être comparée au sang versé pour l’indépendance de l’Ukraine, pour la liberté de l’Europe  et du monde. La vie humaine n’a pas de prix. Nous devons être reconnaissants à ceux qui sacrifient leur sang et leur liberté, ce qui est une évidence pour nous, anciens prisonniers politiques du régime communiste sous la Russie soviétique.

Nous exhortons les États-Unis à respecter le Mémorandum de Budapest de 1994 qui établit une obligation directe de défendre les frontières et la souveraineté de l’Ukraine en échange de l’abandon de ses armes nucléaires. Ces garanties sont inconditionnelles: elles ne suggèrent nulle part que cette aide est une simple transaction économique. »

Lech Wałęsa, ancien prisonnier politique, dirigeant de Solidarité, président de la Pologne, le 3 mars 2025

7 Mar 2025


Des réactions très vives se sont aussi manifestées parmi nous. Significative de cette veine est celle de notre ami  Alain Laurent, philosophe et éditeur. La voici  – et en tout cas le débat continue.

H&L

Dans les diatribes de Trump/Musk/Vance contre une Europe mollassonne, masochistement ouverte aux submersions islamo-migratoires  (mais si prompte à réprimer la liberté d’expression de qui les critique) et si longtemps dénuée de vraie volonté de se défendre,  tout est donc loin d’être infondé ou mal venu. Et on leur reconnaîtra une salubre volonté d’éradiquer l’immonde wokisme et un soutien sans faille à Israël.

Nonobstant, cela ne saurait assurément suffire à compenser tout ce que les nouvelles et disruptives orientations de l’administration Trump comportent de profondément révoltant et inacceptable pour tout partisan de la démocratie libérale. Bien sûr il y a d’abord la trahison de l’Ukraine avec l’alignement servile de l’affairiste mafieux de la Maison blanche sur le narratif répugnant du criminel de guerre du Kremlin (« Zelinsky dictateur », la Russie n’est pas l’agresseur mais c’est l’OTAN), avec passage à l’acte (fin du soutien financier et militaire américain, injonction à la capitulation, insondable mépris pour les souffrances, le bon droit et l’héroïsme des Ukrainiens, complicité avec la Russie néo-soviétique dans le dépeçage et le pillage de l’Ukraine, fin des sanctions, votes de sordides résolutions communes  russo-américaines à l’ONU….). Mais tout cela ne prend sens que dans le contexte global d’un cataclysme géo-idéologique sans précédent : la violente et cauchemardesque conversion de la politique étrangère états-unienne au culte cynique du seul rapport de force et l’absolution totale des régimes tyranniques et impérialistes (ce qui est le cas de la Sainte Russie poutinienne qui, pour Trump, n’est ni une dictature ni un agresseur – et doit être réintégrée au G7 !!!)

De facto, les États-Unis « maga » sont donc ainsi devenus des traîtres à l’Occident (leur soutien à la vraie extrême droite pro-nazie et  nostalgique du stalinisme de l’Afd en Allemagne en est la parfaite illustration) et des ennemis non seulement économiques mais politiques de l’Europe puisque celle-ci est abandonnée aux appétits impérialistes d’une Russie avide d’en finir avec les démocraties libérales. qui la bordent  Trump ne se contente pas d’être un ingénieur du chaos mondial: avec son complice Poutine auquel il s’est désastreusement soumis, il forme désormais avec lui une monstrueuse entité maléfique :Poutrump – dont les exactions vont encore accroître le réensauvagement de la planète. Qu’il soit en outre un obscurantiste climato-négationiste,  anti-science et anti-vax agissant notoire ne fait que compléter le tableau d’un nouveau pouvoir américain composé d’un ramassis de voyous et de brutes primitives au cerveau reptilien surdimensionné qui mentent  et affabulent comme ils respirent (à l’instar de leur ami Poutine!).

Confrontés à ce désastre civilisationnel, à la destruction irrémédiable de l’Alliance atlantique et à ce règne annoncé de tyrannie planétaire d’un vampiresque duopole russo-américain, inutile de se voiler la face : les USA trumpisés nous ont déclaré une querelle non seulement commerciale mais (géo)politique et morale. Peut-on alors se contenter de faire le dos rond en attendant passivement et illusoirement que ça se passe et des jours meilleurs (exorcisme magique par déni d’une réalité dystopique!)? Et suffira-t-il que l’Europe s’engage enfin dans un réarmement militaire dont les effets ne seront pas effectifs avant 5 ans au mieux– donc trop tard ? Ne vaudrait-il pas plutôt  sans tarder entrer en résistance et même riposte actives : boycotter ce qui peut l’être du « made in USA » (ce que font déjà les revendeurs de Tesla et les Canadiens!), cessation de la fourniture principale d’armements  américains par les autres pays européens, exiger dans l’UE la mise au ban…d’Orban, le Hongrois (et de Fico, le Slovaque) ces alliés du trumpisme poutinien, marquer à la culotte en France les propagandistes décomplexés de celui-ci qui relèvent la tête (sur les réseaux sociaux et des médias comme le JDD ou C News) – et soutenir encore plus les Ukrainiens insultés et calomniés ?

Longue vie à une Ukraine indépendante et démocratique –  and shame on you for ever, Trump and C° –  God damn you !                

Alain Laurent, le 4 mars 2025

6 Mar 2025


La crise avec l’Amérique vient du fait que nous n’avons plus d’épistémologie commune. Les gens regardent la même chose et ne parviennent pas se mettre d’accord sur ce qu’ils ont vu. C’est ce qui arrive quand la liberté dérape. La liberté dérape quand il n’y a plus consensus sur les principes fondamentaux. 

Pour l’Ukraine, c’est désolant car cette anarchie ontologique — on me corrigera, je ne suis pas philosophe — est à la base de la guerre. Il ne faut pas blâmer Trump, ou Trump seul. Depuis les années 90, les gouvernements américains se trompent sur la Russie, et plus encore qu’ils se trompaient lors des divers débats portant sur la nature et les intentions de l’URSS. 

Sur ce régime, on était au moins d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’une dictature communiste, inspirée (officiellement) par le marxisme.  On était en revanche en désaccord sur la meilleure stratégie à adopter.  Les uns disaient qu’il fallait l’amadouer — nombreux partisans de cette idée dans l’entourage de Franklin Roosevelt — les autres, par exemple l’ami de Roosevelt, l’ambassadeur William Bullitt, pensaient que l’on avait affaire à un adversaire qui ne cherchait aucunement la coexistence à long terme.

Les deux pôles sont fixes: Carter disait: « il est temps d’abandonner la crainte obsessionnelle  communisme »; Reagan, parlait,  lui, de « l’empire du mal ».  Et nous y sommes encore. J’en passe, mais Barack Obama et Hillary Clinton (en tant que secrétaire d’Etat), essayaient de ménager Poutine, tout en aidant l’Ukraine par du matériel militaire et des missions sur le terrain, mais sans envoyer de troupes en Ukraine à partir des agressions russes de 2014.

Le débat continue: la Russie peut-elle être amadouée ou non ? La politique de Biden en résulte : il condamnait l’agression et l’occupation des provinces de l’est et de la Crimée, mais ne soutenait pas assez l’Ukraine pour permettre une contre-offensive sur les territoires occupés ou pour faire craindre à Poutine la possibilité d’une participation des Américains comme en Corée.

Trump, homme du centre et pragmatique avant tout – ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas mégalomaniaque ni opportuniste – dit tout simplement : rien n’a réussi, l’Ukraine va être complètement détruite, les Européens n’en feront pas assez pour inverser le sort de la guerre.  Donc, soit on attaque la Russie avec nos division Airborne, les mêmes qui ont mené à la libération de la Normandie en 1944, soit on trouve une accord – un deal – qui apaise tout le monde, au moins pour quelques temps. L’occasion, mais c’est seulement le début, se présente grâce au minéraux qui à l’heure actuelle gisent dans le sol Ukrainien ainsi que dans le sol ukrainien occupé par l’armée russe.

C’est un peu comme le charbon et l’acier après la Deuxième guerre mondiale. Ce fut la solution de Jean Monnet, qui évoluera vers l’Union Européenne  et qui, mais rares sont ceux que s’en souviennent, consista à mettre le charbon et l’acier sous un contrôle et une institution qui bénéficièrent à l’Allemagne comme à la France. 

Zelensky est courageux et admirable, mais il n’est pas Schuman, et, certes, Poutine n’est pas Adenauer. Et Trump n’est pas Monnet, même si celui-ci était, aussi, un fameux homme d’affaire.  Mais on fait ce qu’on peut avec qui est sur la scène.

Je pense que c’est la façon la plus simple de voir les choses sur le front de l’Est.  Évidemment, cela peut complètement déraper. Poutine voudra tout prendre, mais Trump et ses successeurs pourraient maintenir un nouveau containment – avec l’aide de Macron, en particulier.  Trump, sans qu’on puisse savoir s’il en est conscient, fait ce que faisait Nixon: amadouer la Chine pour contrer l’URSS, mais dans l’autre direction. On sait ce que cela a donné, ce n’est donc pas une solution parfaite, mais comme le faisait voir Billy Wilder dans Certains l’aiment chaud, personne n’est parfait. 

Roger Kaplan, le 2 mars 2025

[Réponse]

Cher Roger,

Ton texte va susciter des remous parmi nous. Mais si nous voulons bien cerner les éléments importants de la crise actuelle, il faut que nous en parlions, de ces remous et que nous essayions de garder notre calme comme tu le fais toi-même. Calmement donc, je te dis que le cœur de ton argumentation n’est pas recevable. Jean Monnet a poussé la France et l’Allemagne sur la voie des intérêts économiques communs pour les inciter à trouver un intérêt commun au projet européen. Mais ce fut APRÈS la défaite de l’Allemagne nazie. Tu ne peux comparer les deux démocraties qu’étaient la RFA et la France avec l’Ukraine et la Russie, laquelle est l’ennemie acharnée des démocraties libérales. Poutine fonctionne comme le fit Hitler, qui se disait hier le défenseur des minorités germanophones. Lui, défend aujourd’hui les minorité russophones. Si la comparaison avec Hitler te choque, on peut parler de la Russie impériale qui au milieu du XIXème siècle prétendit à un protectorat sur les orthodoxes de l’empire turc. De la riposte est née la guerre dite de Crimée et le siège de Sébastopol par les Français et les Anglais. Combats d’empires. me diras-tu, mais nous n’en sommes plus là, justement. Nous en sommes à la défense des démocraties libérales contre l’empire russe dont il est facile de rappeler les atteintes à la démocratie et les horreurs, tout simplement.

S’agit-il pour Trump dans cette affaire, de défendre la démocratie? J’en doute: il n’y a plus de références chez lui à des régimes politiques qu’il faut défendre ou dont il faut nous protéger. La seule fois que j’ai entendu Trump esquisser une analyse politique au sujet de l’Ukraine, il disait que Zelensky était un dictateur qui ne s’affrontait pas aux électeurs !

Mes amis et moi ne réagissons pas tous de la même façon et il nous arrive de nous engueuler. Mais gommer la nature politique des régimes et ignorer qui est l’agresseur et l’agressé, que veux tu, ça ne passe pas…Le vote à l’ONU des Etats-Unis avec la Russie et la Corée du Nord, nous a tous fait mal à tous…

Mon amitié pour toi, cher Roger, est inoxydable. Mais nous traversons décidément sur le plan politique un moment difficile !

Pierre Rigoulot, le 4 mars 2025

5 Mar 2025


Il y a longtemps que nous n’avions pas été autant secoués, nous, les anti-antiaméricains, nous, toujours prêts à rappeler l’aide de Wilson en 1918 et de Roosevelt en 1944; nous, qui étions aux côtés de Truman contre la Chine et le monde communiste en Corée; nous, qui réflexion faite, n’étions pas aussi sûrs qu’il y a 50 ans de la légitimité de la soi-disant « lutte de libération nationale » menée par les communistes vietnamiens; nous, enfin, qui croyions que l’OTAN était notre parapluie bienvenu contre les milliers de têtes nucléaires soviétiques puis russes.

Un vertige nous saisit devant la succession rapide d’événements ou d’annonces d’événements. Trump envoie un ultimatum au Hamas. Il fallait remettre tous les otages, oui tous, le samedi suivant – c’était le 15 février. Sinon, ce serait l’enfer. Mais rien ne se passa ce 15 février. Trump n’invoquait plus l’enfer. Ni lui, ni personne.

La veille à Munich, James D. Vance, son vice-président, avait sans vergogne donné une leçon de démocratie aux Européens qui selon lui, piétinaient la liberté d’expression. On ne pouvait annuler une élection (les présidentielles de Roumanie, par exemple) pour cause d’ingérence d’un Etat étranger dans la campagne et l’on pouvait comparer l’exigence d’un minimum de régulation sur les réseaux sociaux à la censure jadis pratiquée dans  les Etats totalitaires !

La « dernière » de l’équipe Trump (last but not least, sans doute) fut de souligner le caractère non démocratique de la présidence ukrainienne. Zelensky était un quasi dictateur qui régnait sans passer par un processus électoral. Pire: c’est ce personnage refusant de se soumettre à l’épreuve des élections qui avait déclenché la guerre en Ukraine !

Voilà probablement le plus gros mensonge proféré par Trump. Mais pourquoi pas? Nul n’est tenu de parler vrai. Toute tentative de réguler les débats par référence à l’expérience et à l’exigence de logique est assimilable à la censure et une atteinte à la liberté d’expression.

Sombres jours…

Nous payons sans doute des années de parasitisme, des années à profiter des dépenses et des efforts de l’Amérique pour nous épargner de nous serrer la ceinture et de mettre en cause notre sacro-saint pouvoir d’achat. Cette posture, exigée par la gauche politique et syndicale, avait en un autre temps été dénoncée (de manière non exclusive il est vrai) par Marc Bloch. Mais qu’importe : bientôt au Panthéon, totémisé et sacralisé, celui-ci flattera notre bonne conscience et on oubliera ses critiques comme on a oublié Munich et le traité de 1938 tout autant que le refus, seize ans plus tard, d’une Communauté européenne de Défense par les gaullistes et les communistes.

Oui : sombres jours pendant lesquels le déclenchement par Vladimir Poutine d’une guerre contre l’Ukraine pour la punir de se tourner du côté de l’Europe libérale et démocratique n’a jusqu’ici entraîné que de faibles réactions européennes et un silence obstiné de nos révolutionnaires et de nos souverainistes.  Ceux-ci, disent vouloir seulement ce que veut le Peuple, scandaleusement méprisé par des «élites hors sol», européennes et même mondialisées. Mais «élites» n’est pas un gros mot : ne voit-on pas que la scène politique est en effet mondialisée? Qu’à 3000 km de la France sont venus combattre des soldats nord-coréens ? Et que Poutine tente de s’installer dans les anciennes colonies françaises? Ne voit-on pas qu’il est facile de s’en prendre à l’Europe quand surgissent des difficultés mais que l’architecture complexe de l’Union européenne est bien utile à chacun des pays qui la composent s’ils veulent compter sur la scène internationale? Mieux vaut avoir alors quelques notions d’économie, de commerce – comme en ont les « élites » – et si possible maîtriser quelques langues – comme certains parmi ces « élites ».

La volonté du peuple s’exprime non par l’approbation passionnée d’un leader vedette comme cela peut se faire dans un stade de football ni en agitant des épouvantails comme au guignol mais par des élections précédées de débats honnêtes entre citoyens informés en vue d’un choix pluraliste, bref des élections garanties par un état de droit. L’ « expression libre » c’est-à-dire en l’absence de règles  comme la conçoit M. Vance, ou l’acceptation des seuls candidats inoffensifs pour le pouvoir comme le souhaite M. Poutine, rejoignent la conception de la politique que nos souverainistes, nationalistes ou révolutionnaires, défendent. Sous couvert de soumission à la voix du Peuple, ce sont autant de machines de guerre qui visent la destruction de la démocratie libérale. Il convient de s’armer contre elles, intellectuellement, politiquement et militairement.

Pierre Rigoulot, le 26 février 2025

27 Fév 2025


Histoire & Liberté a reçu d’un de nos lecteurs les plus fidèles, vivant à Washington, la « lettre » qui suit. Ses précédentes interventions avaient suscité de vives réactions de certains d’entre nous. Nous espérons, en publiant ce nouveau texte, favoriser la reprise d’un débat utile, sinon indispensable. Eclaircir les perspectives de la politique américaine à venir ne peut en effet être que profitable à notre lutte contre le danger totalitaire quel que soit le lieu où il se manifeste.


P.R.

Espérer, même en novembre? Les élections américaines

Comment peut-on être pessimiste en avril, le mois du renouveau, le mois qui annonce le temps des cerises et des amours sur les bancs publics? Pour apporter une réponse à cette question, on peut relire The Waste Land de T. S. Eliot, dont le premier vers,  « April is the cruelest month », est canonique dans la littérature anglophone moderne. Enfant de Saint-Louis, une grande ville située entre deux Etats, le Missouri et le Kansas, ce dernier étant souvent vu, avec sympathie ou mépris selon le regard, comme le pur centre géographique et socio-culturel des USA, Eliot émigre en Angleterre où il fera la grande carrière que l’on sait. Mais en dehors de la (très) haute culture, il y a beaucoup de bonnes choses au Kansas, où se situe le classique roman de Frank Baum, The Wonderful Wizard of Oz qui, sous forme de comédie musicale, lancera la carrière de Judy Garland, et qui affirme qu’hors du Kansas, on n’est plus dans le monde normal. C’est peut être pour cela qu’Eliot fit ses valises. 

Octobre, novembre, dans l’imaginaire occidental, sont autrement ambigus, avec les souvenirs de désastres (coup d’Etat bolchevik en Russie qui inaugure le siècle des totalitarismes) et de triomphes après d’indicibles sacrifices comme la dernière offensive des Alliés, dont l’avant-garde était une bande de jeunes venant de New York ( de Harlem, pour être exact) en uniforme de poilus.  Kipling : If you can meet with triumph and disaster/And treat those two imposters just the same…  

Octobre est le dernier souffle – jusqu’à sa renaissance en avril – du baseball, sport éminemment américain, en accord avec l’optimisme printanier et la douceur estivale. C’est en ces temps fâcheux que se disputent les matchs du World Series, le championnat du monde, qui oppose les deux équipes les plus performantes tout au long de la « saison régulière » – 162 matchs ! Cette année, le drame se joue entre Los Angeles et New York, mais dans le même temps, c’est l’équipe de football de Kansas City qui mène la danse dans l’autre sport national.

Novembre commence avec la calamité des élections qu’un peuple se voulant libre doit cependant régulièrement subir – le poids du « least bad choice« , le moins mauvais choix – et dont il doit accepter les conséquences. 

Mais novembre se termine avec la fête du Thanksgiving, pour marquer la reconnaissance que l’on adresse à la Providence, l’ultime et meilleure source d’espoir, qui protège et assure l’avenir des Etats-Unis d’Amérique.

Paradoxe : le camp de l’espoir en cette année présidentielle est représenté par un vieux fâcheux, narcissique indécrottable, bretteur et menteur sans vergogne, qui lance des vérités en frôlant le mépris des faits, mélange flatteries et insultes sans hésitation, se moque des attaques hystériques (« fasciste, putschiste! ») et se vante des applaudissements qu’il reçoit (« il est le seul à parler vrai! ») 

Le camp du « réalisme », par contre, est représenté par une femme d’âge moyen qui exsude en permanence joie et bonne humeur, amour pour tout et tous.  Le hic est qu’elle n’a jamais exprimé ces attitudes dans des actes conséquents lors d’une carrière publique qui l’a menée à des postes de pouvoir considérables – procureur puis sénatrice de Californie, et vice-présidente à l’heure actuelle, responsable notamment du dossier de l’immigration et du contrôle des frontières.  

Donald Trump n’a pas de programme, il n’a jamais donné l’impression d’avoir lu un livre ou étudié des dossiers, mais à partir de ses réflexes, de ses coups de gueules, de des propositions et de ses initiatives pendant sa première présidence, on peut suggérer ce qu’il voudra faire s’il redevient locataire de la Maison Blanche :

– Mettre fin à l’immigration illégale, expulser les illégaux coupables de crimes (en plus d’avoir passer la frontière sans autorisation), renforcer les gardes-frontières ;

– Soutenir Israel contre l’islam impérialiste et anti-occidental tout en tendant la main à un islam qui accepterait le modus vivendi avec le monde libre –  ce qui serait du jamais-vu;

– Promouvoir une paix, ou au moins un armistice entre la Russie et l’Ukraine, même au dépend territorial de cette dernière;

– Promouvoir une détente entre les deux Chines;

– Renégocier les règles du commerce international au dépend des régimes actuels favorables au libre-échange, sans doute au dépend de tout le monde et en fin de compte sans grande conséquences négatives.

– Ne rien faire à l’intérieur sur les dossiers « anti-racistes », « parité entre les genres » et « liberté reproductive » parce que c’est hors du domaine fédéral;

– Continuer l’endettement national par une politique fiscale dépensière et irresponsable.

Kamala Harris non plus n’a pas de programme, sauf l’amour pour tout et pour tous, et elle n’a insisté pendant sa campagne sur aucun dossier spécifique, au contraire de Trump qui, lui, l’a fait de façon contradictoire, voire incohérente.  Mais vu son passé, on peut hasarder que sa politique consistera  à :

– Laisser ouvertes les frontières, continuant la politique de l’administration dont elle est le numéro deux, ce qui n’est pas sans relation avec une politique anti-sécuritaire (anti-police et anti-militaire) qui aurait sans doute pour effet d’accélérer la montée de la criminalité qui a caractérisé les années récentes, et de façon générale, la baisse de l’esprit civique, patriote, et pour tout dire, moral; 

– Encourager le laxisme dans les lois sur l’interruption volontaire de grossesse, c’est à dire poursuivre une politique qui a, qu’on le veuille ou non, sa part de responsabilité dans le délitement des moeurs;

– Détruire l’équilibre institutionnel en pliant la justice aux exigences du législatif et en affaiblissant le législatif sous les pressions d’un exécutif agissant au travers de pouvoirs administratifs non-élus.

Il faut noter que si l’on connait assez bien le personnage qu’est Donald Trump, personne ne peut dire avec assurance qui est Kamala Harris, parce que elle se réinvente quotidiennement, prenant des poses et des attitudes, selon la mode ou le déplacement du jour. 

Donc, fi du pessimisme de T S Eliot ! Même si le nouveau siècle est déjà dans son deuxième quart d’heure et que ses débuts pourraient, pour certains, paraitre annonciateurs de tragédies et de déceptions non moins cruelles que le précédent, il faut choisir, comme Robert Frost nous y engage, son sentier, avec courage et le peu de conscience dont nous sommes capables. Comme dans certaines petites phrases musicales qui nous reviennent de temps en temps, de Mahalia Jackson, par exemple: « I’m going to live the life I sing about. »

Roger Kaplan, le 22 octobre 2024

Cette très jolie lettre d’Amérique me confirme dans l’idée qu’aucun des deux candidats n’est ni le diable ni le bon dieu.

Si j’étais un électeur, là bas  j’hésiterais avant de me résigner finalement à mettre un bulletin pour Kamela Harris.

Trump n’est pas du tout notre genre, mais il a aussi des avantages.

En France, j’aimerais pouvoir voter pour Claude Malhuret

Amitiés à tous

André Senik, 22 octobre 2024

Trump a tenté un coup d’Etat. Il reste un apprenti-dictateur.

Ce texte de Roger Kaplan est inadmissible et honteux. Je le rejette totalement. Sa caractéristique essentielle consiste à recourir au verbiage pour mieux passer sous silence le comportement antidémocratique et pro-dictatorial de Trump entre le 4 novembre 2020 et le 6 janvier 2021.


Quand on revoit les évènements intervenus (par exemple avec le documentaire sur Histoire diffusé le 23 octobre 2024 intitulé « Trump prédident, une création fatale » réalisé par Michael Kirk en 2022), on en ressort encore davantage convaincu que Trump est un politicien qui est délibérément hostile à la démocratie.


A compter du 4 novembre 2020, il n’a cessé de contester les résultats de l’élection qui le donnaient pourtant perdant à mesure qu’étaient validés les résultats officiels des divers Etats. Lorsqu’il eut compris que les résultats lui étaient défavorables, il s’est lancé dans une campagne mensongère et manipulatrice selon laquelle « on lui aurait volé la victoire ». Une base essentielle de toute démocratie libérale consiste pourtant à ce que tous les camps respectent le résultat des élections dès lors que celles-ci ont été loyales (ce qui était parfaitement le cas le 4 novembre 2020).


Le 6 janvier 2021, il a piétiné une deuxième fois la Constitution américaine en exigeant de son vice-président Mike Pence qu’il fasse obstacle à la proclamation officielle de la liste validée des grands électeurs ; il s’agissait d’empêcher la passation de pouvoirs à Biden en sorte que Trump reste à la Maison-Blanche.


Devant le refus de Mike Pence de se soumettre à la volonté de Trump, Trump en a alors appelé à ses électeurs les plus exaltés pour qu’ils sortent dans les rues de Washington pour protester contre « le vol de sa victoire » et il les a chauffés à blanc par des interventions répétées pour qu’ils aillent menacer au Capitole Mike Pence (aux cris de « pendons Mike Pence ») et les autres congressistes américains s’ils ne laissaient pas Trump conserver la Maison Blanche.


La suite on la connaît : une troisième fois la démocratie américaine est piétinée ; le Capitole, lieu sacré de la démocratie, est envahi et saccagé par une foule de miliciens extrémistes, exaltés et violents ; ils visent à terroriser les congressistes et ils bousculent violemment les forces de police (très peu nombreuses) ; en dépit des appels répétés émanant des dirigeants républicains du Congrès, Trump se refuse longtemps à appeler la Garde Nationale pour protéger le Congrès. C’est seulement quand Trump se résout enfin à appeler au calme que les troubles prennent fin. Au total cinq morts dont un membre des forces de police.


Ces évènements du 6 janvier 2021 auront contribué à ce que les miliciens qui lui sont dévoués instaurent un climat de terrorisation sur le reste de la population ; les menaces de morts contre les personnes opposées à Trump se sont ensuite répandues, y compris à l’encontre des congressistes républicains. Ce sont ces menaces qui contribuèrent à ce que les dirigeants républicains, après avoir désavoué l’opération Capitole, refusent de désavouer Trump et de s’associer aux Démocrates pour prononcer sa destitution par le Congrès. Dès lors le Parti républicain se transformait en un parti dévoué à Trump.


Le 6 janvier 2021 aura donc été une vraie tentative de coup d’Etat. Si Mike Pence avait alors cédé à Trump, le coup d’Etat réussissait.


Dans une démocratie qui fonctionne bien, l’auteur d’une tentative de coup d’Etat est normalement condamné à l’inéligibilité. Trump et ses affidés se sont employés avec succès à ce que la Cour Suprême statue sur son inéligibilité seulement après le 5 novembre 2024.


On entreprend un coup d’Etat quand on veut instaurer une dictature. Trump peut donc être qualifié d’apprenti-dictateur. Et cet apprenti-dictateur non seulement reste éligible mais ose maintenant se présenter sans honte aux élections présidentielles de novembre 2024.


Les électeurs américains voient de ce fait leur choix réduit aujourd’hui à deux candidats, Kamala Harris, avec ses qualités et ses défauts, et Donald Trump l’apprenti-dictateur avéré.


Il est pour moi évident que la démocratie aux Etats-Unis se trouve aujourd’hui en grand danger. Si Trump était élu, ce serait un rejet de la démocratie qu’exprimeraient les électeurs américains et Trump se saisirait de ce blanc-seing pour instaurer une dictature aux Etats-Unis.


C’est la raison pour laquelle les partisans de la démocratie aux Etats-Unis se doivent absolument de lui faire barrage et de voter pour Kamala Harris. C’est la démocratie aux Etats-Unis et avec elle la démocratie dans le monde qui est en jeu.


Jean Francart, le 24 octobre

26 Oct 2024


 Le vrai problème, pour cette élection, est que ni les uns ni les autres, jusqu’à présent, n’ont voulu dévoiler clairement leurs perspectives et leurs propositions.

Kamala Harris et Tim Walz ont des biographies politiques marquées à gauche, et même à la gauche la plus radicale. Elle en tant que procureur, puis sénateur de Californie, lui en tant que gouverneur de l’Etat du Minnesota.  Ils ont soutenu toute la gamme du socialo-wokisme et ses résultats : police démoralisée, enseignement public en faillite, invasion migratoire sur le Rio Grande, abolition de la notion de genre (Walz a ordonné aux écoles publiques du Minnesota de mettre des serviettes hygiéniques dans les toilettes des garçons, au cas où…). Il y a aussi toute une politique « d’énergie verte » qui nuit à l’indépendance énergétique que le pays connaissait sous Trump, la baisse du pouvoir d’achat, l’inflation, l’endettement à perte de vue pour des générations, ces difficultés grandissantes étant bien entendu, autant  d’avantages concédés à nos adversaires russes, chinois, perses et autres.

Kamala Harris bénéficie d’un avantage qu’on aurait pu facilement anticiper.  L’électorat américain depuis longtemps exprimait un manque d’enthousiasme pour les deux fâcheux Trump et Biden, et pensait depuis 2020 qu’il serait raisonnable de tourner la page des années de guerre civile verbale et de proposer des hommes nouveaux.  Contre Biden, Trump avait toutes les chances de gagner l’élection car il était de toute évidence « centriste » dans ses positions (sinon dans son comportement), tandis que Biden était de plus en plus visiblement le prisonnier le l’extrême gauche de son parti. Celui-ci, d’ailleurs, était de plus en plus prisonnier de ses gauchistes.  Mais les Démocrates ayant réalisé un coup d’Etat contre leur propre tête de liste – du jamais vu en Amérique et un très mauvais signe pour la démocratie libérale dont les Démocrates ne cessent de dire qu’elle est menacée par la droite -, reste Trump à qui bien des électeurs auraient préféré dire merci et au revoir. La démocratie étant toujours un peu démagogique, Harris-Walz, contre toute évidence, apparaissent « nouveaux », permettant ainsi de prétendre que ce sont eux les centristes modérés et respectueux des institutions. Et tant pis s’ils ont affirmé dans un passé très récent qu’il fallait, par exemple, donner au législateur un pouvoir de surveillance (et de veto) sur la branche judiciaire et en particulier sur la Cour Suprême…

L’important, donc, est de savoir si, quand les sottises de l’été auront cessé et quand la campagne électorale sera dans sa phase finale, les Républicains et l’équipe Trump-Vance sauront convaincre les Américains qu’ils représentent le parti de la prudence — défense des institutions, politique étrangère sérieuse, attitude normale envers la biologie –, ou s’ils succomberont  aux  tentations de l’invective et ne récolteront alors que les raisins de la colère.

Roger Kaplan

Journaliste à The American Spectator

le 15 août 2024

17 Août 2024


Il y a normalement quelques semaines de sottises verbales après les assemblées d’investiture des candidats à la présidence, qui se tiennent en juillet ou en août, Puis, à la fin de l’été marquée par le Labor Day, qui tombe le premier lundi de septembre pendant le dernier tournoi de tennis du grand chelem à New York et les fêtes juives (qui cette année commencent début octobre), a lieu le sprint final qui aboutit le « first Tuesday after the first Monday » de novembre – ce sera le 8 cette année – suivi d’un vote pour choisir les membres du collège électoral, lequel, à son tour, en décembre, normalement, procédera à un vote qui sera certifié par le Sénat (normalement en janvier). Le mandat du nouveau président commencera alors, dès son intronisation, deux semaines après… normalement.

L’époque étant anormale, qui peut dire que ce calendrier sera suivi? Pour le moment, il tient bon. Mais en ce mois d’août, on donne très peu dans le sérieux.  Il y eut d’abord des défis réciproques à propos des débats qui devaient être programmés. Pour le moment il semble que le champion républicain (D. Trump) et la championne démocrate (K. Harris) sont d’accord pour organiser trois débats télévisés en septembre, mais il faut se méfier : ça peut changer ! Une question inutile de Trump sur l’ascendance raciale ou tribale de Mme Harris a ouvert la porte à des accusations de racisme, usées depuis longtemps alors qu’on sait très bien que Trump n’est pas raciste mais qu’il utilise volontiers un langage parsemé de blagues ethniques (« ethnic jokes ») qui, en plus d’être d’un gout douteux ont le défaut de souligner son âge (78 ans) dans la mesure où la forme en est plutôt désuète, alors que son adversaire, ayant remplacé le Vieux Biden après avoir assuré jusqu’à la veille de son désistement qu’il était « en pleine forme », joue maintenant (à 59 ans) la carte de la jeunesse. 

C’est idiot mais normal pour l’été. Toutefois il faut remarquer que les « boss » Démocrates ont profité de ce qu’on nomme la silly season (la saison bête) pour opérer un « coup d’Etat » (comme disent les Républicains) en remplaçant Biden par son vice-président sans demander leur avis aux électeurs des primaires de leur parti; Biden lui-même voulait maintenir sa candidature – ce qui pose une première question à faire peur: s’il n’est pas en état (physique et mental) d’être candidat, est-il prudent qu’il garde la main sur les codes nucléaires jusqu’en janvier? Et cette autre : son état de santé a-t-il été caché aux Américains depuis 2020?  Mais alors qui gouverne, sinon des « putschistes » se présentant comme sa famille, son entourage, ses ministres…? 

Il y eut ensuite des échanges d’insultes entre les candidats à la vice-présidence, J. D. Vance sur la liste républicaine, Tim Walz sur la liste démocrate, à propos de leurs années de service militaire, sans toucher du tout à ce que sont, de fait, leurs positions face aux défis internationaux.

Or il est certain que ces défis posent des questions auxquelles les Américains doivent avoir des réponses.  Trump et Vance se contentent de rappeler que sous l’administration Trump le monde n’était pas en guerre, et que les politiques munichoises et peu cohérentes de Biden, et par association de Harris, ont mené le monde au bord de l’abime.  

Car il n’est pas faux de dire que le désordre va croissant, et il est vrai que déjà sous l’administration Obama la politique des Etats-Unis envers l’Iran encouragea le régime des mollahs à soutenir les agressions contre Israël et la liberté de navigation.  Obama avait donné l’ordre de débloquer des milliards mis sous séquestre dans le cadre d’un embargo visant a stopper le développement d’une arme nucléaire islamo-iranienne.  De façon plus générale, il avait ouvert une diplomatie de « détente » que les Perses ne lui rendirent pas. Bien au contraire, ils redoublèrent leur soutien aux Hamas, Hezbollah, et autres Houtis.  Depuis quelques temps on assiste aussi à une recrudescence des activités de « l’Etat islamique », sans parler de l’abandon honteux de la campagne pour donner a l’Afghanistan une chance de sortir de l’emprise des talibans.  

Il y a aussi la guerre en Ukraine et l’immigration, pour ne pas dire l’invasion en cours via le sud-ouest américain, et les budgets de la défense en chute libre. La Chambre des représentants a voté en juin le budget Défense de 2025, avec des augmentations par rapport a presque tous les budgets depuis le gouvernement Reagan: manoeuvre politicienne mais d’où l’on peut tirer un certain soulagement. Il faut quand même savoir que, dans le contexte de l’inflation et des années de pénurie, la Défense américaine est sérieusement en retard sur plusieurs dossiers, l’un des plus inquiétant étant l’augmentation de la puissance navale chinoise.

Si Biden n’a pas  de quoi se vanter de sa politique étrangère, il faut reconnaître que la montée des périls aurait eu lieu même si Trump était resté aux affaires en 2020. Il y a dans le monde, qu’on le veuille ou non, des mouvements et des Etats totalitaires qui vouent une haine implacable à l’Occident.

Roger Kaplan,

journaliste à The Américan Spectator

le 15 août 2024

15 Août 2024


TEXTE PAR ROGER KAPLAN, 06 JUIN 2024

Joe Biden est-il un chef de bande  incompétent qui mène les USA à la ruine et la planète  à la guerre mondiale?

Donald Trump est-il un escroc financier et un vilain habitué des « filles de joie » capables de le faire chanter au prix fort?

L’un et l’autre sont-ils des imbéciles qui mettent en péril la sécurité de la Nation en laissant trainer chez eux des documents marqués « secret défense » ?

Difficile de se croire en année électorale aux USA et non dans un cauchemar ou un film de Mel Brooks.

Mieux encore : des membres de la Chambre des Représentants participent à des manifestations ouvertement anti-américaines sur des campus, organisées par des agents du Hamas et de l’Iran et soutenues par des professeurs, des recteurs et même des présidents d’université; d’autres, enragés, tentent de faire tomber les chefs de leur propre parti, rendant quasiment impossible le fonctionnement de la Chambre tandis qu’au Sénat, l’un des chefs du parti adverse appelle au renversement du gouvernement démocratiquement élu d’un pays allié et en guerre.

Pendant ce temps, le président obtient, par le biais des tribunaux, la suspension d’une initiative du gouverneur du Texas pour contrôler la frontière avec le Mexique, par où passent des centaines de milliers de clandestins miséreux, sans travail  et parfois criminels ou agents de puissances ennemies comme la Chine communiste, l’Iran ou Cuba.

Mais si les partis n’ont pas su trouver parmi les 300 millions d’Américains d’autres candidats que deux vieillards gâteux ou fâcheux, à qui la faute? Symbolisent-ils le mauvais fonctionnement d’un système inventé à l’époque de la Révolution française pour gérer une République vouée à protéger un peuple d’hommes libres et entreprenants contre tout abus tyrannique?

A l’heure actuelle, il apparait que Donald Trump gagnera en novembre. Il mène – selon des sondages encore incertains – dans les Etats qu’on dit « battleground », c’est à dire pouvant basculer d’un parti à l’autre.

Ainsi, Trump devrait gagner en Arizona, en Géorgie, dans le Wisconsin, en Pennsylvanie ainsi qu’en Caroline du Nord, dans le  Michigan et le Nevada.

Oui, les Républicains sont en position de force, dans la mesure ou l’on peut qualifier de « force » une collection de nuls (mis a part quelques personnalités d’honnêteté et de conviction, tel le président de la Chambre, le député Mike Johnson de Louisiane ou telle Elise Stefanik, de l’Etat de New York. Ils ont aussi la possibilité de retrouver leur majorité au Sénat (qu’ils perdirent en 2020 surtout à cause de Trump et de son refus d’accepter le verdict des urnes).

Evidemment, à cinq ou six mois des élections, rien n’est joué. Mais rien ne donne à penser que Joe Biden, affaibli et sous l’influence de l’aile de gauche de son parti, changera de message. Il représente aux yeux des électeurs l’homme de l’inflation, du démantèlement des industries automobile et énergétiques, et de l’abandon des alliés (Israel, Taiwan. et Ukraine). En plus, Biden, qui se prétend catholique, est favorable à l’IVG et aux transgenres.

Donald Trump subit l’usage qui est fait des tribunaux pour le mettre hors-jeu. Dans une République bananière, on ne ferait guère plus grossier. Jusqu’à présent, toutes ces tentatives ont échoué.

Donald Trump subit l’usage qui est fait des tribunaux pour le mettre hors-jeu. Dans une République bananière, on ne ferait guère plus grossier. Jusqu’à présent, toutes ces tentatives ont échoué. Mais le procès qui vient de se dérouler à New York va-t-il réussir là ou les autres ont échoué? Rien n’est encore joué mais l’on s’oriente semble-t-il, après un verdict de culpabilité, vers une peine assez légère. Et il y aura probablement appel.

En face, de sérieuses suspicions portant sur le trafic d’influence auquel Joe Biden et son entourage, auquel son fils se livrait dans des pays étrangers, dont l’Ukraine (avant l’agression russe) et la Chine communiste, ont été levées par les procureurs, sauf  une inculpation pour fraude fiscale du fils de Biden, Hunter.

Il est difficile pour beaucoup d’électeurs,  de ne pas voir  dans ces différents cas une instrumentalisation de la justice.

Donald Trump, s’il manque de tact et pratique l’outrance verbale, avait entre 2017 et 2021, mené une politique pragmatique. Certes, il avait l’habitude de se tirer lui-même une balle dans le pied, par exemple en écartant par maladresse et petitesse les meilleurs de ses ministres et conseillers, tel Jim Mattis ou John Kelly, deux généraux des Marines, ou Nikki Halley, son ambassadrice à l’ONU.

Les Démocrates pourraient reprendre l’initiative en choisissant un centriste comme le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro.

La manoeuvre serait plus risquée du côté des Républicains, vu le caractère de Trump et de sa base militante, si certains étaient tentés de faire sécession et de lancer une troisième force (ou une quatrième voire même une cinquième puisqu’il y a déjà Robert Kennedy Jr., Démocrate « indépendant » et Jill Stein, « écologiste ».)

Qui sait? Dieu protège les orphelins, les crétins et les USA, disait, je crois, Oscar Wilde. Et le monde est fichu si nous perdons la foi.

Mais de foi, il n’en manque heureusement pas dans ce grand et magnifique pays où, ne l’oublions pas, rien n’est impossible.

Roger Kaplan, 06 juin 2024

TEXTE JEAN FRANCART en réponse à ROGER KAPLAN

12 JUIN 2024

Dans son texte, Roger Kaplan entreprend de nous délivrer une vision noire des Etats-Unis où les deux candidats en lice pour la présidentielle de novembre 2024 seraient à renvoyer dos-à-dos pour leur commune nullité supposée. Ce texte, qui se présente comme équilibré, constitue en réalité un plaidoyer caché en faveur de Trump. 

Après nous avoir expliqué que, sur la base des sondages, il retenait la victoire de Trump comme probable, Roger Kaplan ne s’en émeut pas pour autant, et il s’affirme même serein pour l’avenir en faisant confiance « à la bonne étoile dont bénéficient les Etats-Unis ».

Roger Kaplan ne nous dit rien sur l’avenir de la démocratie aux Etats-Unis en cas de victoire de Trump. Il omet délibérément, il est vrai, de mentionner dans sa grande fresque la tentative de coup d’Etat commise par Trump le 6 janvier 2021. Cette tentative (ratée) de coup d’Etat devrait pourtant alerter tous les partisans de la démocratie de ce qu’une victoire de Trump pourrait enclencher un basculement des Etats-Unis dans une dictature. 

Comment penser qu’une fois élu, Trump respecterait les institutions américaines alors qu’il les a déjà violées à deux reprises, en refusant d’admettre le verdict électoral en novembre 2020 puis en tentant en janvier 2021 de se maintenir au pouvoir en dépit du verdict qui lui était défavorable. Et à cet égard, on ne peut que regretter que la Cour Suprême n’ait pas pu statuer sur l’éligibilité de Trump avant l’élection de novembre.

Roger Kaplan ne nous dit rien non plus sur l’impact qu’une victoire de Trump exercerait sur la démocratie dans le monde., A contrario de la vérité, il affirme que, dans son mandat, Biden serait resté passif sur les trois fronts où la démocratie se trouve menacée de l’extérieur : l’Ukraine menacée par la dictature totalitaire de Moscou, Taïwan menacé par la dictature totalitaire de Pékin, Israël menacé par la dictature totalitaire de Téhéran et ses alliés que sont les Frères musulmans et le Hamas. Autant de contre-vérités. 

Biden eut un mal fou à arracher aux Républicains du Congrès le soutien militaire et financier qui était nécessaire à l’Ukraine ; il aura fallu que Mike Johnson, le leader républicain de la Chambre, ait le courage de désobéir à son patron Trump en sorte qu’une fraction des représentants républicains s’associe aux représentants démocrates pour que soient adoptées les mesures de soutien à l’Ukraine. Biden et son allié de circonstances, Mike Johnson réussirent ainsi à débloquer ce que Trump bloquait depuis trop longtemps.

Quant à Taïwan, Biden a entrepris, à la grande fureur de Pékin, toutes sortes de mesures préventives, une des plus efficaces ayant constitué à rétablir face à Pékin une solidarité géopolitique forte entre le Japon, la Corée du sud et les Philippines.

Enfin, au Moyen-Orient, Biden déploie depuis octobre 2023 la seule stratégie possible, celle d’un soutien, conditionnel mais réel, à Israël tout en décourageant (à l’opposé de ce qu’avait fait Trump entre 2016 et 2020) les pulsions bellicistes de Nétanyahou et de ses alliés extrémistes.

Quant à Trump, il annonce à l’avance qu’il abandonnera l’Ukraine à son ami et complice, Poutine. Et son principal financier, John Paulson, se répand en disant qu’en contrepartie de son soutien financier, il a obtenu de Trump la promesse d’abandonner la stratégie de « decoupling » avec la Chine, une stratégie qui s’avère très efficace pour contenir Pékin et que Biden a amorcée avec un certain succès (en matière de semi-conducteurs en particulier). La déclaration Paulson est « un signal faible » du peu d’enthousiasme que Trump mettrait à se confronter à Pékin et à défendre Taïwan en particulier.

On aura compris que, défenseur résolu de la démocratie aux Etats-Unis et dans le monde, c’est une victoire de Biden que j’appelle de mes vœux même si celle-ci paraît actuellement peu accessible.

Jean Francart, 12 juin

Trump versus Biden: Texte Roger Kaplan en réponse à Jean Francart

30 JUIN

Certes, le comportement de Donald Trump après l’élection de 2020 est irénique au point qu’on peut le qualifier de narcissisme infantile – et cela manque de dignité et de respect pour la Constitution des USA et de fidélité envers la notion d’Etat de droit dont il était, en tant que président, celui qui se devait de donner l’exemple.

Le terme de « coup d’Etat » fait cependant problème.  Peut-on parler de coup d’Etat sans coup de force soigneusement préparé? Aucune unité militaire ou policière n’a bougé. Pas une voix n’a été entendue parmi les notables politiques ( comme des gouverneurs d’Etats qui auraient par exemple proposé de faire sécession en soutien du président sortant).  Aucune bande de conspirateurs n’a occupé les centre de radiotélévision et personne n’a utilisé les réseaux sociaux pour proclamer l’état d’urgence et la formation d’un comité de salut public décidé  à défendre la République.  En fait, « l’assaut » du Capitole est une manifestation qui a mal tourné, et c’est grave, mais ce n’est pas un coup d’Etat. 

Mais on pourrait dire que si coup d’Etat il y eut, ce fut celui mené contre Trump dès son investiture en janvier 2016. Les mêmes individus et organisations, notamment le clan Clinton et leurs hommes de mains du parti Démocrate, qui avaient oeuvré pour torpiller sa campagne en fabriquant de fausses informations à commencer par le « dossier Steele » qui devait démontrer que le candidat républicain était piloté (ou « tenu ») par V. Poutine et ont multiplié les fraudes électorales, recommencèrent leurs magouilles en 2020, au profit cette fois, de l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden.  

C’est ainsi que l’élection que les manifestants du 6 janvier dénonçaient, maladroite et mal surveillée, fut remportée par les gauchistes dont Biden était l’homme de paille. Cet homme, tout au long de sa carrière s’est trompé sur quasiment tout, abattant ses cartes au gré des modes et mentant sans vergogne. Il fut ainsi le parfait rassembleur d’un parti qui représente la meilleure raison de douter de la possibilité d’un régime fondé sur la démocratie libérale. C’est le parti de la ségrégation raciale, de la colonisation intérieure des populations démunies à travers les régimes d’assistanat étatiste, de la remise en jeu de la carte raciale, à travers le « wokisme » lorsque la très grande majorité des américains étaient, et agissaient, dans la réalité, sans arrière-pensées fondées sur d’autre considérations que les mérites individuels. 

Sans doute le côté mauvais perdant et bretteur de D. Trump rendent faciles les cris « au fascisme » des Démocrates, mais l’enjeu n’est pas la personnalité du président mais ses efforts pour changer la tendance vers le tout-Etat qui est leur seule politique.

Dès que Biden s’installe avec son entourage qui le manipule, toute la politique de Trump est renversée, provoquant la remontée de l’invasion des clandestins au sud, la catastrophe inflationniste, la folie wokiste.  Le but n’est point la « justice sociale », mot d’ordre qui devrait être terrifiant pour tout homme libre quand la gauche l’utilise, mais  le chaos et le désordre.  Il n’est pas du tout surprenant que les Américains se rendent compte que la nature même de leur pays est menacée.   

A l’étranger, les Bidenocrates hésitent à aider l’Ukraine et Israël dans leurs guerres défensives, encourageant par cela une montée des périls totalitaires que l’on croyait (naïvement) enterrée. Comme à une autre époque que l’on croyait (naïvement encore) révolue, la conjugaison de politiques maléfiques à l’étranger et à l’intérieur encourage un déferlement antisémite jamais vu sur les campus et ailleurs, ce qui n’est pas sans rapport avec la subversion des polices, entièrement le fait des Démocrates, et par là à une montée de la criminalité. 

Bref, on ne pourrait faire mieux si les gauchistes, voire les communistes étaient aux commandes.  Et c’est Trump que l’on accuse d’être le complice des Russes? 

Pour répéter ce que j’écrivais, la « guerre légale » (lawfare en américain) que les Démocrates ont lancé contre Trump représente rien de moins qu’une déformation de l’Etat de droit. La manoeuvre met en péril l’indépendance de la Justice. Un congressman gauchiste, Jeremy Rabkin si je ne me trompe, a même proposé de donner à la Chambre le pouvoir de décider quels appels la Cour Suprême peut entendre.  

Le premier débat entre Trump et Biden s’est déroulé le 27 juin et j’ose penser que ce sera un tournant: Biden a largement sombré pendant le débat au point que de nombreux Démocrates pensent à investir un remplaçant venant de ce qui reste de leur centre politique.  

Roger Kaplan, 30 JUIN

6 Juin 2024