Fissures dans le silence : la révolte des travailleurs nord-coréens à Helong

Ada Trybuchowska est Polonaise. Elle travaille avec le Comité américain pour les droits de l’homme en Corée du Nord. Le récit qu’elle donne d’une révolte de travailleurs nord-coréens en janvier 2024 à Helong, dans la province chinoise de Jilin – une révolte dont la presse occidentale n’avait jusqu’ici pas eu connaissance – est terrible et passionnant. Nous nous contenterons de traduire en français la première partie de ce texte qui esquisse ensuite une comparaison avec l’action du mouvement polonais Solidarnosc.

H&L

Helong

Par une matinée glaciale de janvier 2024, un événement extraordinaire s’est produit dans la ville de Helong, non loin de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. Cet hiver-là, des centaines de travailleurs nord-coréens se sont soulevés contre leurs surveillants, organisant une rare protestation pour réclamer le paiement de leurs salaires impayés et leur rapatriement.

Le foyer de la contestation fut Nanping, un centre industriel majeur de transformation alimentaire et de confection employant des Nord-Coréens. Des ouvriers de plus de dix usines textiles et d’habillement de la région s’y sont joints. Pendant trois jours tendus, près de 3 000 travailleurs migrants nord-coréens ont mené une révolte massive. Ils ont enfermé leurs superviseurs chinois et nord-coréens, stoppé la production et exigé plusieurs mois de salaires impayés, estimés à environ 10 millions de dollars.

Cet affrontement n’était pas un conflit du travail ordinaire : il visait directement l’un des systèmes de contrôle du travail les plus répressifs au monde, où l’obéissance découle non seulement de la coercition étatique, mais aussi de la peur pour sa famille, son avenir et sa vie. La tension atteignit son paroxysme lorsqu’un des officiels nord-coréens — envoyé pour surveiller les travailleurs — fut battu à mort par les manifestants.

Face à la situation, des agents de sécurité nord-coréens acceptèrent de verser immédiatement plusieurs mois de salaires aux ouvriers, ce qui mit fin à la grève le jour même. Aucune autre protestation connue de travailleurs nord-coréens à l’étranger n’avait jamais atteint une telle ampleur.

Le soulèvement de Helong a ébranlé le système de peur soigneusement entretenu par Pyongyang. Officiellement, la Corée du Nord affirmait envoyer de jeunes ouvriers à l’étranger par patriotisme et devoir économique. En réalité, il s’agissait d’un vaste système étatique d’exportation de main-d’œuvre, mobilisant des dizaines de milliers de Nord-Coréens dans des usines et sur des chantiers en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient.

En 2024, on estimait à 100 000 le nombre de Nord-Coréens travaillant encore à l’étranger. Bien que certaines affectations restent théoriquement légales, elles contournent souvent le droit international du travail et violent la Résolution 2397 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui avait interdit en 2017 l’emploi de travailleurs nord-coréens à l’étranger et exigé leur rapatriement d’ici 2019, afin de couper au régime une source de revenus destinée à son programme nucléaire. Faute d’application stricte, beaucoup restèrent en poste, générant une économie grise estimée à 500 millions de dollars par an pour Pyongyang.

La révolte de Helong débuta lorsque les ouvriers découvrirent que leurs collègues rapatriés en Corée du Nord n’avaient jamais touché les salaires promis. Pyongyang confisque 70 à 90 % des gains, généralement versés seulement au retour au pays, pour maintenir dépendance et obéissance. Cette révélation fit voler en éclats l’illusion que la soumission pouvait mener à une récompense. Les ouvriers occupèrent l’usine, barricadèrent les portes et refusèrent de reprendre le travail. Ce geste collectif était d’autant plus marquant qu’il impliquait des risques immenses.

Les travailleurs expatriés nord-coréens vivent sous une surveillance constante : leurs passeports sont confisqués à l’arrivée, ils sont logés dans des dortoirs exigus aux conditions misérables, soumis à des journées de 16 heures, privés de téléphone et dont les conversations sont surveillées. Toute contestation entraîne des sanctions sévères, dont le rapatriement forcé, synonyme d’emprisonnement, voire d’exécution, ainsi que de représailles contre la famille restée en Corée du Nord. Dans ce contexte brutal, la révolte de Helong a constitué une affirmation rare et radicale d’autonomie.

À la fin janvier, les autorités chinoises et nord-coréennes réagirent. Des officiels dépêchés de Pyongyang versèrent plusieurs mois de salaires en retard pour calmer la situation. Les ouvriers furent ensuite dispersés, déplacés vers d’autres sites ou rapatriés ; la plupart subirent des sanctions. La moitié fut renvoyée de force en Corée du Nord, vraisemblablement envoyée en camps de prisonniers politiques ; les autres furent placés sous une surveillance accrue.

Cette réaction illustre la stratégie habituelle de Pyongyang : les travailleurs envoyés à l’étranger ne sont pas seulement une source de devises, mais aussi un test de loyauté, puisqu’ils proviennent souvent de familles jugées politiquement fiables.

La révolte fut écrasée par Pékin et Pyongyang, mais elle reste un épisode révélateur : même dans les systèmes les plus répressifs, le contrôle peut connaître des failles. Helong montre que des travailleurs étroitement surveillés peuvent malgré tout résister. L’épisode pose aussi une question : combien de temps Pyongyang pourra-t-il contenir de tels actes de défiance ?

Ada Trybuchowska, le 22 septembre 2025

22 Sep 2025


Parmi toutes les décisions inquiétantes venues de Corée du Nord, s’en est glissée une, plutôt cocasse d’apparence, que n’a pas relevé la presse: la suppression du calendrier du Juche. Depuis 27 ans, la Corée du Nord avait comme les grandes religions son propre calendrier qui partait de l’année de naissance de Kim Il-sung, le grand-père de l’actuel dirigeant.

Certains interprètent cette mesure, prise il y a un mois environ, comme une manière pour Kim Jong-eun de ne pas avoir à partager avec son grand-père l’aura sacralisée qui nimbe le pouvoir en Corée du Nord.

On peut aussi parler, de modernité accrue. On est loin aujourd’hui d’afficher les prétendus signes de complicité et de respect que la Nature adressait à l’exceptionnelle dynastie Kim, comme cela se faisait il y a une vingtaine d’années : le brouillard enveloppant par exemple le n°1 en tournée d’inspection près du 38 ème parallèle pour le protéger des méchants Américains ou se dissipant opportunément pour permettre une belle photo souvenir avec ses soldats ! On préfère aujourd’hui l’image d’un Etat adossé à la technique et à la science plus qu’aux contes de fée pour lancer des missiles balistiques, miniaturiser les bombes nucléaires, fermer hermétiquement les frontières ou calculer quelle alliance sera la plus favorable au sommet de l’Etat totalitaire. Calcul assez simple d’ailleurs : c’est du côté de la Russie qu’il faut se tourner. La Chine n’a besoin ni d’obus ni de missiles. La Russie en a grand besoin. La Chine, première armée du monde en termes d’hommes sous les drapeaux, n’a pas besoin non plus de soldats. La Russie en a grand besoin au contraire. La Corée du Nord peut les lui fournir. Et facilement : preuve en a été à la mi octobre 2024, le flot d’environ 1,4 million de jeunes gens qui se seraient portés volontaires pour rejoindre l’armée au moment d’un incident de frontière avec le Sud !

L’aide en matériel et en hommes à la Russie peut ainsi s’effectuer moyennant une facture libellée sous forme alimentaire et technologique. On aimerait à ce sujet savoir combien sont payés les soldats nord-coréens envoyés au front. Vu les sommes rondelettes que Poutine alloue à ses propres soldats sur le front, la direction nord-coréenne qui ponctionne habituellement 90 % des gains acquis par les travailleurs qu’elle envoie à l’étranger, devrait y trouver son compte ! De quoi alimenter les caisses de l’Etat et accroître encore sa puissance militaire.

Les voisins de la Corée du Nord s’en inquiètent et les incertitudes stratégiques que peuvent apporter la présidence Trump mais aussi le retrait d’Afghanistan de Biden et les menaces d’Obama non suivies d’effets au sujet de l’usage d’armes chimiques par Bachar El Assad en Syrie, ont comme effet la montée en puissance parmi la population du Japon et de la Corée du Sud d’un souhait de mise en place d’une défense nucléaire autonome. Vu leur niveau technologique, il ne faudrait guère de temps pour que ces deux Etats y accèdent.

Pourtant, tout ne va pas bien malgré le renforcement des moyens financiers à la tête de ce délicieux pays qu’est la Corée du Nord. Le taux de fertilité des femmes du pays, par exemple, est descendu récemment en dessous de 1,8 enfant. Aussi, l’an dernier, devant le « Congrès national des mères » (sic), le génial leader avait appelé les femmes à « élever des enfants » pour pouvoir poursuivre la révolution menacée par sa démographie apathique ! Les avortements sont donc interdits (mais réalisés clandestinement moyennant finances) et la contraception découragée ( sous le manteau, les pilules se vendent très cher cependant !).


Certes, la Corée du Nord n’est pas tombée au niveau de la Russie (1,4), du Japon (1,2), de la Chine continentale (1) et de l’ennemi sud-coréen (0,7). Mais les Nord-Coréens tiennent visiblement de moins en moins à avoir d’enfants, qu’ils puissent ou non servir la « révolution » ! Certains montrent même un goût déplacé pour la culture décadente : le pouvoir doit faire la chasse aux images venues d’ailleurs pour éviter la corruption de sa belle jeunesse. Il y a quelques mois, tous les étudiants envoyés à l’étranger (surtout en Chine et en Russie) ont dû être rappelés dans leur chère patrie. Et pour renforcer la conformité de leur style de vie aux « valeurs nord-coréennes », on surveille leur tenue vestimentaire et jusqu’à leur vocabulaire. Tous les karaokés, des lieux de loisirs pourtant prisés sur toute la péninsule coréenne, ont aussi été interdits. Le style de ces établissements ne correspondrait pas avec l’éthique « révolutionnaire » telle qu’on la conçoit officiellement à Pyongyang.

Pierre Rigoulot, le 17 novembre 2024

25 Nov 2024


La société nord-coréenne bougerait-elle?

La Corée du Nord ou plutôt sa direction, fait parler d’elle : signature d’un accord avec la Russie poutinienne sur des échanges de matériel et d’informations d’ordre militaire, poursuite des essais balistiques, pressions sur la DMZ, la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées.…La guerre en Ukraine ne concerne pas seulement l’Europe. Par l’aide que la Corée du Nord apporte à la Russie sous la forme d’obus et de missiles anti-chars, aide qui suscite de la part de la Corée du Sud la menace d’une aide possible de sa part à l’Ukraine, on sent qu’est dépassé le simple niveau d’une guerre localisée. A 9 000 km de Kiev les deux parties de la péninsule coréenne qui se font face depuis plus de 7 décennies s’impliquent de plus en plus dans le conflit qui fait rage à l’est de l’Europe. Le Sud accroît le long du 38 ème parallèle qui le sépare du Nord la diffusion de discours hostile au régime totalitaire du Nord et des groupes de réfugiés du Nord vivant au Sud envoient des ballons au dessus de la DMZ vers le Nord, avec des clefs usb contenant de la musique pop’ du Sud. La réponse méprisante de Pyongyang qui envoie des ordures et diverses déjections au Sud,  cache mal  son inquiétude. Malgré la fermeture totale de la frontière sino-nord coréenne, malgré le brouillage des chaines de radios et de télévision, le Nord capte quelques échos venus du Sud,  Des tics de langage, du vocabulaire et des expressions en cours à Seoul sont adoptés ici et là. Les modes vestimentaires de Seoul sont suivies par la jeunesse, comme ses succès musicaux. La réponse de l’Etat totalitaire nord-coréen ne surprendra pas. La répression la plus brutale vise ces « comportements anti-socialistes ». Des amendes peuvent frapper les zazous nord-coréens. Des exécutions (en public) de jeunes Nord-Coréens surpris avec des enregistrements venus du Sud ont même eu lieu. 

Sans doute ne faut-il pas exagérer l’importance de cette réceptivité à la culture du Sud.  Mais  elle existe, à la manière dont les jeunes des pays de l’Est européen dans les années 1970/1980 étaient fascinés par la musique des Beatles ou des Rolling stones. Quelque chose bouge dans cette société nord-coréenne que le pouvoir tente de mettre sous cloche. On a pu voir également mis en cause les infidélités au sein des couples ainsi que le divorce, évidents reflets de l’immoralité des sociétés occidentales  dépravées. On a pu aussi voir pleurer en public le numéro 1 Kim Jong Eun qui se lamentait de ce que les femmes du Nord ne faisaient plus assez d’enfants, à l’instar des femmes du Sud ! Comment la belle patrie « socialiste » allait-elle être défendue contre l’impérialisme américain et ses valets du Sud? 

Où l’on retrouve ce « clou » qu’il faut sans cesse enfoncer : c’est en contribuant à informer la population nord-coréenne de ce qui se passe ailleurs que nous minerons le pire régime totalitaire de la planète.

Pierre Rigoulot

13 Août 2024


Faut-il avoir peur de la Corée du Nord?  

On parle beaucoup de la Corée du Nord actuellement. Elle lance un satellite espion, tire 200 obus à proximité d’une île sud-coréenne; on annonce dans un avenir proche un essai nucléaire et l’on répète sans fin la formule par laquelle Kim Jong Eun a menacé il y a quelques jours d’anéantir la Corée du Sud.
Les journalistes ne privilégient visiblement pas les paroles rassurantes ou simplement mesurées.                                             
Pourtant, on ne nous en voudra pas de rappeler qu’en 2010 déjà, la même île sud-coréenne avait été bombardée et qu’une frégate sud-coréenne avait même été coulée par le Nord. Le moins qu’on puisse dire est qu’à Pyongyang on manque d’imagination et qu’on nous sert des scénarios éculés de marches à l’abime.
Notons aussi qu’autour de l’an 2000, les relations des deux Etats coréens étaient bien meilleures avant de se détériorer en 2010, puis de s’améliorer à nouveau en 2018 avant de se détériorer à nouveau comme on peut le constater aujourd’hui. Pyongyang semble apprécier la progression sinusoïdale. Peut-être même elle l’amuse, mais elle nous lasse.
La Chine a appelé « les deux parties » ( donc notamment son alliée nord-coréenne) a « faire preuve de retenue » et l’on peut parier ( certes, peut-être, après un nouvel essai nucléaire) que la tension retombera avant de remonter, sans doute.                                                    
Derrière les guignolades de la direction nord-coréenne visant à terrifier le monde occidental et ses alliés d’Asie orientale à intervalles plus ou moins réguliers – avant de proposer une réconciliation éphémère, le temps de bénéficier des aides venues du Sud prospère – un peuple vit et souffre au Nord dont on se préoccupe trop peu. Hors la capitale-vitrine du régime, règnent la pauvreté, la disette, et sur tout le pays une dictature totalitaire implacable interdit toute liberté d’expression, d’information et de circulation.  Ces conditions de vie sont de plus en plus mal supportées par plus de 25 millions d’habitants bien incapables hélas, pour le moment, d’en finir avec le régime en place.                                

Quelques informations sortent du pays cependant, qui laissent entendre que le mécontentement croît. Certains organes de presse les recueillent.  La revue Géo par exemple y a fait écho dans un article signé Benjamin Laurent dont nous reproduisons ci-dessous quelques extraits. L’article, accessible sur le net, a plus de six mois mais des informations allant dans le même sens sont parfois diffusées, notamment par le Comité américain pour les droits de l’homme en Corée du Nord dont le président, Greg Scarlatoiu, avait participé à un colloque de l’Institut d’histoire sociale en 2019. Les informations quotidiennes fournies par cette ONG sont remarquablement précises et touchent tant au Nord qu’au Sud de la péninsule. Mais laissons parler Géo :

«(…) un document secret du régime dévoilé par Radio Free Asia révèle une information inquiétante pour la dynastie de Kim Jong-Un : excédés par une vie de misère, les citoyens du pays se sont mis à attaquer physiquement la police (…)

« Entre juillet et décembre 2022, des dizaines d’incidents de personnes protestant contre la tyrannie de la police, voire de passages à tabac en guise de vengeance ont eu lieu dans la province de Ryanggang » (dans le nord du pays), dévoile un officiel du pays de manière anonyme pour éviter des représailles (…)

Un habitant (…) interrogé par Radio Free Asia a pu confirmer la situation dévoilée par ce document : « la colère des habitants contre la police, qui utilise toutes sortes de méthodes tyranniques sous le couvert de la loi, est en pleine progression (…) Quand on va au marché, on peut souvent voir des femmes se plaindre et se disputer, ainsi que pointer du doigt les agents de police ». Conduisant parfois à des affrontements entre des marchands et des femmes contre l’autorité, quelque chose « d’inimaginable dans le passé« .

(…) Les exemples dévoilés par le document secret sont nombreux et éclairants. À Hyesan, le chef-lieu de Ryanggang, après qu’un policier a arrêté un homme qui n’avait pas sur lui tous les documents sur le véhicule qu’il conduisait, « le conducteur a renversé avec sa voiture la moto de l’agent et l’a frappé jusqu’à ce qu’il devienne inconscient ».

Le gouvernement, qui a également interdit à ses citoyens de se suicider (!) a fini par imposer des mesures strictes pour contenir cette flambée de violences, allant de séances éducatives sur le respect de la loi à des lois punissant sévèrement la violence contre la police. Mais pour une partie de la population, excédée par des décennies de tyrannie et de misère, un point de non-retour semble être de plus en plus proche.

Sans doute, l’article finit par tomber dans le travers de ceux qui présentent comme très possible dans un avenir proche un affrontement de la Corée du Nord avec celle du Sud. La liberté pour les Nord-Coréens, ce n’est malheureusement pas pour demain. Mais l’auteur a l’intelligence de regarder derrière les coulisses de la scène médiatique dominante et de souligner que la population n’est pas vouée ad aeternam aux souffrances imposées par le régime des Kim. Le totalitarisme nord-coréen tombera malgré ses bombes, ses missiles et ses satellites espions. Après tout, l’URSS s’est effondrée elle aussi, malgré ses milliers de têtes nucléaires.

Pierre Rigoulot

(crédit photo: https://www.flickr.com/photos/f097653195031/51463599251)

10 Jan 2024


(1) Corée du Nord

La Corée du Nord n’en finit pas de nous horrifier. On apprenait ainsi,  il y a quelques semaines, que  Kim Jong Un, le n°1, avait donné l’ordre  aux Nord-Coréens de… cesser de se suicider ! Le taux de suicide serait en nette progression. Les malheureux habitants du pays, subissent, il est vrai, une violente oppression politique, la frontière avec la Chine est mieux « bouclée » que jamais. La pauvreté est le lot de beaucoup et la FAO, l’organisme de l’ONU pour l’alimentation, estime que 40% des habitants du pays manquent de nourriture.  

Kim Jong Un  a désigné le suicide comme un  « acte de trahison contre le socialisme. »

H&L

(2) Corée du Nord

Les régimes totalitaires en décomposition ou/et menacés cherchent à réactiver l’unité chancelante de la société qu’ils contrôlent dans le nationalisme.

La Corée du Nord multiplie ainsi actuellement les campagnes idéologiques en faveur de postures et de traits de la culture traditionnelle.

Aux efforts – limités, il faut le reconnaître – pour faire baisser le nombre des fumeurs, ont succédé, avec beaucoup plus de vigueur, cette fois, d’autres efforts pour faire baisser le tabagisme chez les femmes. Ce sont les femmes occidentales qui fument! Les femmes de la tradition coréenne nettoient le cendrier de leur mari. Elles ne se permettent pas de fumer elles-mêmes !

La chasse est donc ouverte contre celles qui, de fait, font la promotion de la « culture capitaliste » et tournent le dos aux « idéaux socialistes ».

En 2020 une nouvelle loi avait été promulguée pour mieux encadrer la production et la vente des cigarettes et pour élargir les espaces publics où il est interdit de fumer. Mais depuis cette année, des amendes  (30 000 wons, soit environ 3,30 euros) sont infligées – à des femmes! Et les punitions iront croissant en cas de récidives !

Kim Jong Eun, lui, se fait régulièrement photographier une cigarette à la main.  Il n’est pas soumis à la loi : il est La loi…

PR

(3) La Chine renvoie en Corée du Nord les réfugiés  qui s’en étaient échappés

Malgré les appels de diverses associations et de quelques gouvernements, Xi Jinping a commencé à rapatrier de force les Nord-Coréens qui avaient pu passer la frontière clandestinement. Le 29 août, deux autobus chargés d’environ 90 réfugiés nord-coréens appréhendés par la police chinoise ont passé le grand pont qui traverse le Yalou, de Dandong en Chine à  Sinuidju, en Corée du Nord.

On peut tout craindre : tortures, détentions et même exécutions en cas de contacts avec des pasteurs sud-coréens engagés justement dans l’aide aux réfugiés. 

P.R. (1er septembre 2023)

(4) Kim Gun Ok

Personne ne s’est interrogé sur l’origine du nom donné au sous-marin nord-coréen inauguré en grande pompe par Kim Jong Eun, le n°1 nord-coréen. La presse l’a présenté, sur les indications nord-coréennes, comme un sous-marin « nucléaire », ce qu’il n’est pas : d’une conception vieille d’un demi-siècle, il est à propulsion classique (diesel-électrique). Et on lui a ajouté six lance-missiles susceptibles de transporter des charges nucléaires tactiques.

Quant à Kim Gun Ok,  c’est le nom d’un « héros » de la guerre de Corée qui aurait coulé un bateau américain…lequel n’a jamais existé!

Décidément, beaucoup de théâtre et d’esbroufe dans cette affaire!

(9 septembre 2023)

(5) Exécutions publiques  en Corée du Nord

25 000 personnes de 17 à 60 ans ont reçu l’ordre d’assister, près de l’aéroport de Hyesan, en Corée du Nord, à l’exécution de neuf détenus (sept hommes et deux femmes), fusillées pour avoir organisé un réseau clandestin de vente de viande. Le réseau fonctionnait depuis environ quatre ans et alimentait des marchés et des entreprises et même un restaurant de la capitale.

14 Août 2023


Quoi de neuf en Corée du Nord ?

Pour une fois, ne parlons pas des essais balistiques et nucléaires nord-coréens. Ce qui ne veut pas dire que nous les tenions pour   négligeables. S’il n’y a pas eu depuis quelques temps d’essais nucléaires, les experts affirment cependant que le 7ème peut être effectué d’une semaine à l’autre.

Les essais balistiques n’ont jamais été aussi nombreux : pas moins d’une quarantaine en 2022 et, un rien provocateurs, les Nord-Coréens les font  aboutir le plus souvent à la limite de la zone économique exclusive du Japon.

Mais il existe une autre dimension, à la fois bien connue et quelque peu effacée, des préoccupations internationales du monde démocratique face à la Corée du Nord : le sort qui y est fait aux droits de l’homme. Quelque peu effacée parce qu’on sait depuis longtemps quelles privations de liberté subit la population nord-coréenne sans qu’on ne trouve la méthode ni les moyens de l’améliorer. La lassitude gagne même certains devant cette impuissance. Quelques-uns parmi les défenseurs des droits de l’homme remettent cependant courageusement sur le métier leur ouvrage et veulent par exemple rappeler l’importance qu’a eue, il y a une dizaine d’années, le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU sur les droits de l’homme en Corée du Nord. Sans doute, ce qu’elle soulignait dans ses conclusions n’était pas une découverte pour les observateurs et les défenseurs des libertés de par le monde : les libertés d’opinion, d’expression, d’information, de circulation, d’expression sont sévèrement et continument  bafouées en RDPC depuis la naissance même du régime, et il n’y a même jamais eu de comparaison possible avec le régime politique du Sud quoi qu’en ait dit Claude Bourdet ou Jean-Paul Sartre à l’époque. 

Toutefois la précision des faits évoqués par cette commission d’enquête, la prudence et le sérieux avec laquelle ils ont été établis, l’insistance systématique avec laquelle différents témoignages ont été sollicités, sans parler naturellement du respect envers l’ONU, ont fait  que ce tableau dressé des manquements nord-coréens aux droits de l’homme a marqué les esprits.

Depuis cette fameuse enquête,  que nous tenons à saluer dix ans après, qu’est-ce qui a changé ?

Essentiellement trois choses. Les deux premières tiennent en grande partie à des développements techniques. La troisième à des changements politiques chez les deux grands alliés de la Corée du  Nord.

La première évolution perceptible, négative, est un bouclage renforcé de la frontière sino-nord-coréenne par la mise en place de moyens électroniques plus performants. Liée à ces mesures, et plus généralement à l’accroissement de la lutte contre divers « comportements anti-socialistes », le repérage des appels  téléphoniques venus de mobiles est désormais plus rapide et plus précis, Le nombre de réfugiés a en conséquence baissé drastiquement. D’environ un millier en 2019, ils ne sont plus que quelques dizaines cette année, réduisant dans les mêmes proportions le niveau de nos informations. Même les médias d’Etat sont plus opaques que jamais. La Corée du Nord a rarement été aussi refermée sur elle-même et l’épidémie de Covid n’a rien arrangé : les diplomates occidentaux ont quitté le pays. Un tiers  seulement des représentations diplomatiques subsistent ( et encore, en sous-activité).

Le second changement important depuis les conclusions de la Commission d’enquête compense, au moins partiellement, le tarissement des sources habituelles d’informations : c’est la mise en évidence de plus en plus nette, par un ensemble de photos satellitaires américaines, de l’existence d’un réseau de camps de concentration. Il ne s’agit plus de récits de témoins. Il s’agit d’images photographiques claires. Le goulag soviétique, les camps nazis, ont à peu près échappé aux images. Les développements techniques permettent au contraire de faire éclater à la face du monde l’évidence en quelque sorte expérimentale des camps de concentration nord-coréens. Ils confirment que plus de 100 000 hommes, femmes et enfants sont détenus dans un système  qui résulte d’une conception collective de la responsabilité où la « faute » d’un seul aboutit à la punition de toute une famille; un système qui classe les individus selon leur loyauté envers le pouvoir, et qui tire le maximum de ressources de chaque individu pour développer sa force militaire, balistique et nucléaire, et procurer des produits de luxe à ses élites.

La troisième nouveauté est liée à un changement dans les sources d’approvisionnement en devises étrangères. La Corée du Nord a massivement recours actuellement à l’envoi en nombre de travailleurs à l’étranger : le Qatar, par exemple, a utilisé des travailleurs nord-coréens pour la construction des stades de football où s’est déroulée la coupe du monde. Leur nombre maximum sur les chantiers fut d’environ 2500 en janvier 2016. Travaillant dans des conditions difficiles, ils n’étaient pas après tout si mal payés selon les normes nord-coréennes, mais près de 90% de leur salaire allait au gouvernement !

En juillet 2022, on estimait à plusieurs dizaines de milliers ces travailleurs d’outre-mer, surtout en Russie et en Chine qui avaient pourtant voté en faveur d’une résolution onusienne sanctionnant la Corée du Nord pour ces essais militaires, en interdisant notamment l’envoi de ces travailleurs sur-exploités…Chine et Russie avaient voté en faveur de sanctions en représailles des essais nucléaires et balistiques nord-coréens et en 2019, un mouvement de retour des ces travailleurs nord-coréens s’était amorcé. Il ne s’est pas confirmé et pour cause : Chine et Russie contournent maintenant les sanctions en faveur desquelles elles avaient elles-mêmes voté ! On trouve aujourd’hui 20 000 de ces travailleurs nord-coréens en Russie On trouve environ 20 000 de ces travailleurs nord-coréens en Russie mais le nombre de ceux qui prennent la fuite a largement progressé ces derniers temps, surtout quand le bruit a couru parmi eux ( bruit non confirmé à ce jour) qu’ils pourraient être  envoyés dans les zones ukrainiennes occupées par la Russie !

Les affaires et le commerce contrôlés par l’Etat nord-coréen continuent donc. Et tout ce qui peut rapporter des devises étrangères est apprécié de ce dernier mais de manière différente. La presse a parlé des soupçons américains quant à des ventes d’armes nord-coréennes aux Russes pour leur guerre en Ukraine. La Russie serait en particulier intéressée par l’achat d’obus de 152 mm and 122 mm. La Corée du Nord a démenti, évidemment, comme elle démentait les accusations de fabrication de fausse monnaie et de trafic de drogue ou…de déclenchement de la guerre de Corée!

Elle n’a pas encore démenti la confection d’uniformes pour les soldats russes. Trois ateliers fonctionneraient à Pyongyang, chacun abritant des centaines de couturières, et davantage en province. Celles-ci travaillent à partir de matières premières russes qui arrivent par train ou par la zone économique spéciale de Rajon à l’extrême nord-est du pays, près des frontières russe et chinoise. Dans ce cas-là aussi, une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU avait été adoptée en septembre 2017, interdisant toute exportation de textiles par la Corée du Nord.

Mais qu’importe l’ONU ! Un véto suffit à assurer son inefficacité. Et hors du contrôle onusien, les relations russo-nord coréennes ont rarement, et pendant si longtemps, été aussi bonnes. L’Etat-voyou nord-coréen deviendrait-il un modèle pour les poutiniens?

Pierre Rigoulot

(Image: North Korea’s ballistic missile – North Korea Victory Day-2013, source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:North_Korea%27s_ballistic_missile_-_North_Korea_Victory_Day-2013_01.jpg)

26 Fév 2023


Kim Jong Eun, un « criminel humanitaire »

Après avoir nié toute atteinte de son pays par l’épidémie de covid, Kim Jong Eun vient d’y reconnaître les premiers cas mais n’envisage pas pour autant d’autre riposte majeure que la mise en quarantaine de tous les habitants.

La plupart d’entre eux, il est vrai, sont habitués à ne pas pouvoir sortir de leur pays sinon clandestinement et à ne se rendre d’un endroit à l’autre, à l’intérieur, qu’avec l’autorisation de la police

Il est donc possible que l’épidémie n’ait effectivement pas touché jusque-là de manière importante ce qu’on appelle « le royaume Ermite ». Les déplacements sont exceptionnels et contrôlés. Les diplomates et les responsables privilégiés du secteur économique qui  entrent et sortent du pays sont peu nombreux et sans doute…vaccinés !

La Corée  du Nord allait cependant plus loin, se disant totalement épargnée par le fléau. Et qui émettait un doute sur cette protection quasi miraculeuse était vilipendé. C’était ne pas tenir compte de l’image que la direction nord-coréenne veut renvoyer d’elle-même : celle d’un État parfait, dirigé par une dynastie de génies politiques. Il était conforme à la légende dorée officielle que la covid ne puisse faire de mal à cet Etat-modèle.

Affirmer que les choses  pouvaient changer aurait été reconnaître que la perfection du régime était discutable. C’était se ranger du côté de l’Ennemi, l’impérialisme américain, acharné à détruire le monde des régimes populaires, comme ceux de Pyongyang, Moscou ou Pékin.

Pire : vouloir aider la population dévoilait une nature malfaisante en essayant de lui faire profiter, au nord du 38 ème parallèle, de l’expérience acquise dans le monde dit occidental, de ses médicaments, de ses vaccins. Mais charbonnier est maître chez lui, comme disait Goebbels, et il ne pouvait  être question de laisser des étrangers choisir les modalités d’une action humanitaire qu’ils proposaient pourtant de mener bénévolement.

Médecins sans Frontières, Médecins du monde et Action contre la faim avaient, il y a plus d’une vingtaine d’années, renoncé à aider la population nord-coréenne, qui manquait déjà à cette époque de soins médicaux et de nourriture, parce que les médecins et infirmiers envoyés par ces associations ne pouvaient pas entrer en contact avec les malades comme ils le souhaitaient.

Devant la gravité de l’épidémie et le nombre de cas et de morts dus à la covid, Kim Jong Eun a renoncé provisoirement au mythe de la Cité idéale sous la conduite éclairée d’un Chef génial. Et le 13 mai dernier, l’agence officielle de presse annonça que Kim Jong Eun, toujours aussi génial, avait repéré et dénoncé un point faible dans le dispositif de prévention  et admis que près de 190 000 malades étaient touchés. Leur nombre, aujourd’hui, aurait décuplé.

Ces estimations sont naturellement à prendre avec des pincettes. Le vrai problème est que l’épidémie, tardivement avouée par les autorités, frappe une population depuis longtemps affaiblie par le manque de nourriture et le sous-équipement médical; une population à laquelle obstinément, les dîtes autorités n’ont pas permis jusqu’ici d’avoir accès à aucun des vaccins et des remèdes que l’étranger honni lui offre.

Le monde entier serait-il impuissant face à une telle tyrannie?

L’ONU et son Organisation Mondiale de la Santé ont dit leur inquiétude et proposé leur aide mais si le silence des autorités de Pyongyang se prolongeait, ne pourraient-elles faire pression sur la Chine communiste pour qu’elle obtienne de sa protégée nord-coréenne de laisser le monde porter secours à son  peuple en danger ?

L’OMS ne devrait-elle pas tenter d’imposer une vaccination générale de la population et, si celle-ci était refusée, dénoncer ce qu’il faudrait bien appeler le « crime humanitaire » de Kim Jong Eun ?

Se résigner à abandonner la population de la Corée du Nord sans rien tenter pour lui venir en aide médicale et sans dénoncer un régime qui s’oppose à l’assistance sanitaire à peuple en danger, ce serait lancer un signal désespérant à tous ceux qui savent que les Nord-Coréens sont les victimes du pire des régimes totalitaires qui existent aujourd’hui là-bas et ailleurs.

 Pierre Rigoulot et André Senik, Comité d’aide à la population nord-coréenne

24 Mai 2022


« Le Parti du Travail de Corée du Nord a 75 ans : pas de quoi pavoiser »

Nous avons reçu du Comité américain pour les droits de l’homme en Corée du Nord, l’article qui suit de son directeur, Greg Scarlatoiu. Ce dernier avait participé, en septembre 2019, au colloque de l’Institut d’histoire sociale sur la Corée du Nord. Scarlatoiu rappelle la primauté du Parti communiste en Corée du Nord et donne des détails précis sur la manière dont il exerce son pouvoir.

Nous reprendrons de temps à autre, en français ou en anglais, un des articles de la remarquable revue de presse que diffuse ce Comité quasi-quotidiennement.

Le 10 octobre 2020, le Parti du Travail de Corée du Nord (PTC) a fêté son 75ème anniversaire, mais les médias et experts du monde entier devraient-ils pour autant célébrer un parti et un régime qui ne cessent de commettre des crimes contre l’humanité ? Bureaucratie stalinienne ossifiée, le PTC survit à la chute du communisme depuis trois décennies. Le PTC de Kim Il-sung exerce un contrôle absolu sur une population coréenne qui n’a connu que des régimes totalitaires pendant plus d’un demi millénaire : 40 ans d’occupation impériale japonaise (1905–1945) précédés par les 500 ans de régime féodal de la dynastie Chosun. Kim est le Parti, et le Parti, c’est Kim, à s’en tenir à l’idéologie monolithique en vigueur en Corée du Nord. C’est par l’endoctrinement, une discipline totale, un contrôle draconien, la surveillance générale, les peines sévères infligées à tous ceux, parents proches et éloignés compris, qui sont soupçonnés de déloyauté, et par une chaîne de commandement et de contrôle qui infiltre tous les niveaux et domaines de la vie en Corée du Nord que survit ce parti. Qui plus est, il a connu par deux fois une transmission héréditaire du pouvoir : du père et fondateur du parti Kim Il-sung à son fils Kim Jong-il en juillet 1994 et de Kim-Jong-il à son fils Kim Jong-Eun en décembre 2011. Malgré les rumeurs qui courent sur sa mauvaise santé, Kim Jong-Eun a le Département de l’Organisation et de l’Orientation (DOO) du Parti comme base de son pouvoir, exactement comme son père avant lui. Cette agence a purgé des centaines d’officiels de haut rang par elle qualifiés de déloyaux envers le Parti. Nombre d’entre eux ont été exécutés à coups de canons anti-aériens. Leurs corps pulvérisés n’ont alors plus été que brouillard rouge. 
Comme l’indique Robert Collins dans son rapport de 2019, cette agence des plus puissantes sert de conseiller à Kim et de filtre entre lui et le reste de la Corée du Nord et du monde extérieur. Le DOO du PTC transmet ses ordres à toute la chaîne de commandement et s’assure de leur exécution au niveau local. Il punit les échecs et récompense la fidélité absolue à l’œuvre dans la juste application des orientations du parti. C’est par lui que le parti décide de tout. De qui vit et de qui meurt, de qui a droit à une promotion et de qui est déchu. Rien ne sépare le parti du Leader Suprême. Ils ne font qu’un.

Actuellement le Parti compte 3.5 millions de membres et 200.000 candidats sur une population totale de 25 millions de Coréens. Il existe deux autres partis, mais seulement sur le papier, et le Parti a le contrôle absolu de tous les aspects de la vie, de la politique, de l’économie et de la société depuis le 10 Octobre, 1945. De temps à autre, les médias internationaux font état de « tensions » entre le parti et l’armée populaire, mais ils se trompent. Il ne saurait y avoir la moindre faille entre eux. Tout individu qui compte en Corée du Nord est d’abord un membre du Parti. L’Armée appartient au Parti, comme toutes les autres institutions telles que l’Assemblée suprême du Peuple, les Assemblées provinciales du Peuple, les agences de la sécurité intérieure qui comptent 270.000 membres et la Ligue des jeunesses socialistes. Programmes de missiles ballistiques nucléaires, Ministère des Affaires étrangères et corps diplomatique, rien n’y fait exception. Les donju, ou entrepreneurs nouveau riche du pays doivent se soumettre à Kim et au Parti. Dans un pays ou de par la loi, il n’existe pas de propriété privée et où le code pénal interdit toute activité d’entreprise, c’est la protection du parti qui garantit les réussites entrepreneuriales. L’antique contrat social tacite était : « Sois totalement loyal au parti et au chef et tu recevras tout ce dont tu as besoin par l’intermédiaire du Système de Distribution publique.” Cette distribution dépend du travail que l’on a, ce travail dépendant lui-même de la classe socio-politique songbun à laquelle on appartient au vu de sa loyauté envers le régime. Après la grande famine des années 1990 et l’effondrement de ce SDP, le contrat social tacite est devenu « Sois totalement loyal au parti et au chef et nous t’accorderons la possibilité limitée de prendre soin de toi et de ta famille.”

En Corée du Nord, les acteurs du marché ne sont ni révisionnistes ni révolutionnaires. Pour survivre, ils doivent toujours prouver leur loyauté inébranlable au Parti. Lors du défilé militaires du 10 octobre place Kim Il-sung, les médias et les experts ont concentré leur attention sur la version apparemment améliorée du missible balistique Hwasong-15 et du tracteur à 11 essieux qui le portait et sur d’autres améliorations du matériel militaire nord coréen. Tout cela de la plus haute importance. Mais un détail a été oublié : à l’arrière, un slogan déclarait : « Dang-ui Gundae » : « Armée du Parti »

Il ne faut jamais oublier le rôle écrasant du PTC depuis 75 ans. Diplomates, négociateurs, experts militaires et défenseurs des droits de l’homme, tous doivent toujours se rappeler que le Leader Suprême et le Parti ne font qu’un. Tel est le seul et unique décisionnaire en Corée du Nord. Le reste n’est que façade. Le PTC est responsable des quasi 5 millions de morts de la Guerre de Corée, des 3 millions de morts de la grande famine des années 1990 et des centaines de milliers de nord coréens enfermés dans les camps de concentration. En ce 75ème anniversaire du Parti du travail Coréen, il n’y avait vraiment rien à célébrer.

Deuil, chagrin et rage de voir tant de millions de vies humaines perdues, tel est le bilan de ce parti.

Greg Scarlatoiu, Directeur du Comité pour les droits de l’Homme en Corée du Nord

NB : si le blog Histoire & Liberté était responsable de la décision de publier les textes qu’on pouvait y lire, cela ne signifiait pas pour autant l’approbation de la totalité des thèse qui était défendue. Le blog H & L est d’abord un moyen de dialogue et d’approfondissement.

4 Déc 2020