Un terrible chemin vers la sagesse et la liberté
Anastasia FOMITCHOVA – Volia (Grasset 2025. 280 pages. 22 euros)

Bien sûr, nous sommes tous, dans la mouvance d’Histoire & Liberté, contre la guerre de Poutine en Ukraine et nous ruminons avec dégoût les motivations affichées du chef du Kremlin prétendant lutter contre les néo-nazis-bourreaux-des-malheureux-russophones-des-régions-de-Donetsk-et-de-Louhansk.
Bien sûr, nous savons qu’en 1991 la Russie a récupéré toutes les armes nucléaires ukrainiennes contre la reconnaissance officielle de l’indépendance de l’Ukraine dans ses frontières d’alors. Avec en prime les garanties de sécurité des Occidentaux (déjà !).
L’Etat ukrainien existait alors et il existe encore malgré l’occupation russe de la Crimée en février 2014 puis la tentative manquée, en février 2022, de le défaire militairement tout entier.
Bien sûr, nous dénonçons la complaisance du Rassemblement National et de LFI qui, refusent de participer à toute mobilisation en faveur d’une Ukraine qui défend pourtant l’Europe et la démocratie contre l’impérialisme russe.
Bien sûr, nous condamnons les horreurs commises par l’armée de Poutine contre la population civile, les bombardement aveugles, les tortures, les enfants raflés et déportés en Russie.
Mais nous n’avons pas l’idée depuis nos lieux de vie douillets de ce qui se passe précisément au front. La guerre : les morceaux de corps, les hémorragies qu’on ne peut arrêter, les éclats d’obus qui cisaillent les chairs, le phosphore qui brûle la peau jusqu’aux os et liquéfie les poumons en cas d’inhalation, les souffrances atroces.
Et en même temps, la volonté de résister, de tenir, d’être, tout simplement. C’est cela que nous fait toucher, du cœur, Anastasia Fomitchova, une jeune franco-ukrainienne des équipes médicales présentes sur le front, face à l’armée russe.
Volia (un mot qui signifie volonté et liberté), son journal de bord en quelque sorte, ses souvenirs de la ligne de front,vient d’être publié aux éditions Grasset.
Attention. On n’en ressort pas indemne. Vies brisées net ou longues souffrances vous poursuivent longtemps après avoir lu ce livre.
Et l’on tremble après l’avoir refermé pour les vies épargnées jusqu’ici, un rien fasciné par ce qu’elles endurent et comprennent, de s’être confrontées à elles-mêmes : « La guerre a cette faculté de nous ramener à l’essentiel où seule une frontière existe véritablement : celle qui délimite la vie de la mort ». Fasciné, on l’est aussi, par leur infinie volonté de voir l’Ukraine vivre libre. Volia.
Pierre Rigoulot, le 27 novembre 2025
