Un monument aux victimes du communisme

Le 23 août dernier, date anniversaire de la signature du pacte germano-soviétique de 1939, Frédéric Mercadier, maire de Saint-Raphaël, a présidé une cérémonie accompagnant l’inauguration d’un monument aux victimes du communisme. Son discours fut remarquable de nuances et de contextualisations, mais aussi de distinctions entre militants communistes, persuadés de s’engager pour un monde plus humain et fraternel et une doctrine marxiste-léniniste – et pas seulement stalinienne – engendrant inexorablement des régimes totalitaires.

Quelques réactions venimeuses sont venues du Parti communiste et notamment du sénateur Ian Brossat qui conduisit une manifestation de protestation et trouva ensuite dans Le Monde du 25 août une oreille pour le moins attentive.

On lira dans Figarovox du 27 août une tribune signée Pierre Rigoulot apportant son appui à l’initiative de Frédéric Mercadier et, ci-après, une lettre d’André Senik, qui appuie, lui aussi, l’initiative du maire de Saint-Raphaël en remontant aux racines de la pensée communiste moderne et notamment à deux textes de Karl Marx : Sur la Question juive, de 1843 et Le Manifeste du Parti communiste, de 1848.

On trouvera enfin quelques mots saluant la publication (il y a 9 ans, déjà) de l’ouvrage d’André Senik consacré à l’étude du dit Manifeste.

H&L

En tant qu’ex-stalinien ayant viré sa cuti et prof de philo sachant lire le jargon marxiste, j’ai décidé un jour de remonter ma relecture jusqu’à Marx, alors qu’il reste massivement hors de cause chez les critiques du communisme

Le hasard a voulu que je commence à relire Marx par son commencement, l’article « Sur la question juive » paru en 1843

J’y ai découvert qu’au-delà de la judéophobie pathologique de Marx (« Marx était un Juif pur sang » écrira Engels seulement en 1890, après la mort de Marx) sa cible était la Déclaration des droits de l’homme, et plus précisément l’individu humain.

Le noyau dur initial de la pensée de Marx est l’hostilité à la démocratie libérale, c’est-à-dire au socle actuel du monde libre. Et cela en l’absence de la moindre allusion à la lutte des classes, au prolétariat et au capitalisme.

J’ai ensuite compris son refus de l’humanité de tout homme dans les Thèses sur Feuerbach, (1845). L’anti-humanisme fait partie du noyau dur initial de la pensée de Marx.

Quand je me suis mis à relire le Manifeste, j’y ai découvert que Marx avait recouvert (et maintenu au niveau de son soubassement) son hostilité à la démocratie libérale fondée sur les droits de l’homme au moyen d’un grand récit mythologique conduisant à la dictature du prolétariat, présenté comme réduit par le capitalisme à une forme moderne d’esclavage.

Cette réécriture opportuniste et ce déguisement expliquent que le communisme de Marx ait été reçu comme porteur des idéaux humanistes (voir par exemple la préface d’Humanisme et Terreur de Merleau-Ponty, paru en 1947).

Ma conclusion est que le communisme de Marx doit être combattu comme idéologie totalitaire et terroriste.

André Senik, le 29 août 2025

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A lire ou à relire : Le Manifeste du Parti communiste aux yeux de l’histoire

Responsables de millions de morts, Staline, Mao et Lénine ont fini par être discrédités. Pour autant, une question reste posée: Staline, Mao et Lénine ont-ils trahi la pensée de Karl Marx ou bien les catastrophes qu’ont engendrées tous les régimes communistes sont-elles en germe dès le Manifeste du Parti communiste pourtant souvent qualifié d’œuvre «visionnaire», d’« appel à la justice sociale » ou d’ « hymne à l’humanité».

Divers auteurs avaient déjà démontré que la prophétie marxiste sur l’écroulement de la société capitaliste avait été démentie ; que la théorie marxiste de l’appauvrissement continu de la classe ouvrière, qui finirait par absorber les classes moyennes et lutterait finalement avec elle contre un seul adversaire (la bourgeoisie), était un conte à dormir debout ; et que la promesse d’une société communiste permettant le plein développement de chacun et de tous représentait une sinistre plaisanterie.

Senik, lui, dans son étude critique du Manifeste Communiste parue en 2015, reconnaît que si l’on a pu lutter sous la bannière du marxisme pour une société idéale, juste et fraternelle, ce n’est pas dans le Manifeste qu’on en trouvera la promesse. L’ouvrage de Marx préconise au contraire d’accorder le monopole du pouvoir politique au Parti communiste, détenteur d’un savoir absolu sur l’histoire, et de conférer à l’État tous les moyens coercitifs nécessaires pour faire triompher ses vues et contrôler toutes les activités économiques. Il n’y a là rien de sublime: juste les éléments nécessaires à l’établissement d’un État totalitaire.

Certes, on n’y trouve «l’annonce d’aucun des crimes commis en son nom» et seulement «les prémisses de ces crimes et leur justification». Aussi se trouve-t-on plus à l’aise chez un certain nombre d’intellectuels de gauche pour continuer d’opposer systématiquement un pôle négatif (patronal, exploiteur, dominant) et un pôle positif (travailleur, exploité, dominé). Pour eux, ces oppositions sociales et économiques expliquent tout, «comme si la culture, la religion et les passions n’étaient pas, elles aussi, des facteurs déterminants des conflits qui déchirent la société et le monde» Incapables de mettre à distance le matérialisme historique du Manifeste, nombre de nos experts en sociologie sont ainsi persuadés que les difficiles conditions matérielles d’existence des jeunes issus de l’immigration constituent le facteur primordial de leur hostilité à notre société et de l’attirance de certains pour le djihadisme.

Les communiste n’avaient pas revu leur copie après cette remise en cause radicale et pertinente du «logiciel» de Marx. Neuf ans plus tard, Ian Brossat, ne fait que répéter les mêmes arguments que ses coreligionnaires ( j’emploie le mot à dessein) d’hier, quand parut le Livre Noir du Communisme, et d’avant-hier quand fut publié le premier tome de L’Archipel du Goulag. Il est vrai que les communistes sont de moins en moins nombreux. Le religion se fait secte peu à peu.

PS : Ce texte reprend quelques lignes d’un article que j’avais publié dans Le Figaro le 14 janvier 2016 pour souligner l’importance de l’ouvrage d’André Senik : Le Manifeste du Parti communiste aux yeux de l’histoire, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2015

Pierre Rigoulot, le 27 août 2025

29 Août 2025

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