Combattre les dictateurs

Ces mots ont été prononcés (en anglais) à Lviv, en Ukraine, le 5 juillet dernier, dans le cadre d’ « Ukrainian Renaissance »,une conférence organisée par l’association Students for liberty.
Je suis né dans un pays, Cuba, où la dictature communiste, dirigée par les frères Castro, Fidel et Raúl, est vieille de soixante-six ans déjà.
Malgré ça, il y a encore de nombreux penseurs, hommes et femmes politiques (et pas seulement de gauche), qui considèrent qu’il s’agit d’un régime « cool ».
C’est pourquoi l’un de mes livres s’intitule Cuba, totalitarisme tropical.
« Salsa », rhum, cigares, « mulatas », « revolución » et… le Che !
Che Guevara… C’est l’icône de tous les révolutionnaires à travers le monde, avec son regard tourné vers le futur (une image réaliste socialiste ?), son béret noir frappé d’une étoile. Personnellement, je ne pense pas qu’il était vraiment beau.
J’ai essayé de démonter le mythe du guérillero argentin dans mon livre La face cachée du Che, publié d’abord en 2007, réédité et traduit en plusieurs langues.
Je l’ai écrit en mémoire de ses innombrables victimes.
Car Che Guevara n’était pas un brave gars romantique. C’était un tueur. Littéralement, comme il l’a lui-même écrit, en affirmant que le véritable révolutionnaire devait devenir « une machine à tuer » (« una máquina de matar »). Il a mis en pratique ses paroles, massivement, à travers des pelotons d’exécution qu’il avait justifiés au cours d’une intervention devant l’Assemblée générale des Nations Unies.
J’ai recueilli durant de longues années des témoignages de survivants de ses crimes, ainsi que ceux d’anciens prisonniers politiques qui ont passé vingt ou trente ans dans les geôles des frères Castro.
L’un des frères, Raúl, dirige toujours mon pays, derrière un président officiel désigné : Miguel Díaz-Canel.
Dire la vérité sur ce régime est ma manière de le combattre. Au passé et au présent.
« Il n’y a pas de futur sans mémoire », comme le dit mon ami Jean-Pierre Pasternak, président de l’Union des Ukrainiens de France, avec lequel je participe à des marches avec des membres de Students for liberty, Clément et Ahmad, présents ici, à Lviv.
Vous, les jeunes et moins jeunes Ukrainiens, vous êtes notre lumière et notre espoir.
Un espoir pour les Cubains libres, qu’ils se trouvent dans l’île ou en exil. Et dans les prisons où se trouvent actuellement plus de mille détenus politiques, oubliés par le monde qui préfère le maintien de cette dictature, héritière de la Guerre froide. Pour le gouvernement castriste, nous sommes des « vers de terre » qu’il faut écraser, ou bien des « mercenaires ».
Ce n’est pas vrai. Les « mercenaires », ce sont les Cubains qui combattent aux côtés des Russes de Poutine, qui a trouvé dans le régime castro-communiste un allié important et digne de confiance, un complice.
En novembre 2022, le président-fantoche Miguel Díaz-Canel est allé à Moscou inaugurer avec Vladimir Poutine lui-même une statue ridicule de… Fidel Castro.
Je suis certain que mes paroles parviendront jusqu’à mes compatriotes qui souffrent et que vous leur transmettrez votre solidarité avec les révoltes qui, tôt ou tard, se produiront de nouveau. De même je vous exprime notre solidarité avec les braves Ukrainiens que vous êtes…
En tant qu’écrivain (à la fois en espagnol et en français), je voudrais rendre hommage à Victoria Amelina, une jeune écrivaine et journaliste ukrainienne, tuée au cours d’un bombardement russe en juillet 2023. Elle écrivait des livres pour enfants, ainsi que le récit de cette guerre. Je le fais au nom du Comité directeur du PEN Club français, une association internationale de défense de la liberté d’expression.
Et j’entends aussi réclamer la libération de mon ami algérien, le grand écrivain Boualem Sansal, emprisonné à Alger pour avoir combattu, par ses livres et ses déclarations, à la fois l’islamisme et le régime socialiste de son pays natal, qui est aussi un allié de la Russie.
Je ne suis plus étudiant mais, en tant qu’enseignant à l’Université (mon dernier poste était à Avignon), je partage vos souhaits de paix et de liberté. Je suis sûr que de nombreux étudiants, tels mes jeunes amis d’ici, préfèrent arborer des tee-shirts proclamant leur admiration pour le penseur libéral originaire de Lviv Ludwig von Mises avec l’inscription « Less Marx, more Mises» (« Moins de Marx, plus de Mises ») et lire les textes de Mario Vargas Llosa, le prix Nobel de littérature péruvien récemment décédé, qui a été mon ami et l’un de mes maîtres, plutôt que ceux du stalinien Pablo Neruda ou du castriste Gabriel García Márquez.
C’est un grand honneur pour moi d’être ici parmi vous, à Lviv, en Ukraine, d’où provenaient certains de mes ancêtres juifs, qui avaient dû fuir, il y a longtemps, les pogroms effectués en ce lieu, et mes parents ceux de Pologne ainsi que l’Occupation nazie en France, d’où une partie de ma famille a été déportée et exterminée.
Mon père y avait trouvé refuge – ma mère l’a rejoint après la guerre, sur l’île de Cuba, d’où nous avons dû partir, avec mon frère, à cause de la révolution communiste de Castro.
Je tiens à vous remercier tous, et particulièrement Jan Mosovsky, de Students for liberty, de m’avoir donné l’opportunité de raconter cette histoire, avec la conviction que, par nos mots, nous pouvons combattre toutes les dictatures, à Cuba, en Algérie et en Russie, bien sûr.
Je ne suis pas un homme de slogans mais je conclurai néanmoins par ceux que je prononce à la fin de nos marches à Paris, comme un trait d’union indélébile :
Slava Ukrajini !…
Viva Cuba libre !…
Jacobo Machover, le 20 août 2025
