Pris la main dans le bocal de confiture, Marine Le Pen et quelques autres cadres de son parti viennent d’être condamnés par la Justice. Les réactions scandalisées de leurs amis et de leurs partisans valaient la peine d’être entendues, le soir du 31 mars !

D’abord – la formule est usée jusqu’à la corde mais pourquoi ne pas s’en servir encore ? – « ce n’est pas un hasard si elle a été condamnée », disent-ils. Bien des magistrats sont membres du Syndicat de la Magistrature. Ils ont donc fait parler leur opposition (gauchiste) au Rassemblement National.

N’ont-ils pas seulement appliqué le code pénal, répondez-vous ? Pas du tout ! Leur condamnation, même conforme aux articles du code pénal, a été tout ce qu’il y a de plus politique ! Sans éprouver de gêne à l’idée que la France puisse être dirigée par quelqu’un qui a admis et couvert le détournement de l’argent du contribuable, amis et partisans de Mme Le Pen préfèrent mettre en cause les options politiques des juges. Ce sont elles qu’ils accusent ouvertement d’être en dernière instance à l’origine de la condamnation de Mme Le Pen et non le fait que celle-ci ait enfreint la loi, un fait qui entraîne logiquement le verdict que nous connaissons.

En ces temps de « déconstruction », en cette époque de triomphe du soupçon d’intérêts à défendre, de volonté de puissance, de désirs cachés mais à l’œuvre; en ces temps d’abandon (et pas seulement par Donald Trump !) de toute référence au vrai ou au faux, au bon ou au mauvais; en ces jours de rejet des propos fondés sur le raisonnement et l’expérience au profit des rumeurs « complotistes » les plus folles, le contraire eut été, il est vrai,  étonnant.

Les partisans de Mme Le Pen ne se contentent pas, hélas, de ce premier pas. Ils en franchissent un second en passant du soupçon à la mise en cause en nous assurant que la décision des juges est un déni de démocratie. Les juges rendent la justice « au nom du peuple français ». Ce n’est donc pas à eux, en ce moment important de notre vie politique, de décider si Marine Le Pen peut ou non être condamnée à l’inéligibilité mais au Peuple. Si celui-ci s’apprête en effet à voter pour elle, c’est qu’il ne la tient pas pour inéligible contrairement à ce que prétendent les magistrats. Et comme il vaut mieux s’adresser au bon dieu (le Peuple français) qu’à ses saints (les juges), le désaccord patent entre ces deux instances doit être tranché en faveur de la première.

Joli tour de passe-passe et posture propagandiste car les juges, et les juges seuls, se prononcent légitimement de par leur connaissance reconnue des règles du droit, ce qui n’est pas le cas de tout un chacun, fut-il électeur, et parce que le peuple leur a délégué cette légitimité …

D’autres arguments secondaires, annexes, ont été entendus sur le fait par exemple qu’il n’y a pas eu volonté d’enrichissement personnel. Comme si le détournement d’argent public en faveur d’un parti et d’une certaine idée de la France n’était pas tout autant condamnable que la recherche d’avantages personnels ! Les hommes politiques usant de moyens prohibés pour faire triompher leurs idées paraîtraient-ils plus sympathiques que ceux qui se servent les premiers ? De Savonarole à Staline, la liste est longue des tyrans « désintéressés » !

Pierre Rigoulot, le 31 mars 2025

2 Avr 2025

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