Le passé humain a mis longtemps à sortir d’un mode de structuration religieux qui consacrait l’entente entre le sacré et le social. C’est ainsi que dans la société féodale, la domination se présentait sans masque, appuyée sur une justification religieuse.

Celle-ci a été remplacée par un principe alternatif aux « droits de Dieu » : L’Habeas  Corpus, officialisé en 1679. Puis les Droits de l’Homme ont supplanté le droit divin des rois. Après un long processus qui a mis cinq siècles à se mettre en place, on a donc vu émerger nos sociétés démocratiques et libérales qui combinaient un cadre politique, une légitimation des rapports sociaux et une vision collective.

Ce mode d’organisation est en train de voler en éclat.

L’arrimage à un passé fondateur réputé indépassable a fait place à l’ouverture vers un avenir à inventer qui a conduit à un extrémisme démocratique.

C’est ainsi que les libertés individuelles se sont totalement exprimées au détriment d’un destin collectif dont la nation se sent aujourd’hui dépossédée. Autrement dit le collectif a été partiellement dissous au profit de l’individu.

Et, sans bruit, la crise de la démocratie s’est installée.

Marcel Gauchet appelle à la création d’une instance de diagnostic indépendant dont la mission consisterait à rechercher des éléments collectifs pour sauver la démocratie.

L’auteur constate qu’aujourd’hui l’histoire s’est effacée derrière le présent économique, la socialisation derrière l’individualisation enlevant aux individus le sens de la responsabilité sociale tout en s’acharnant à les faire exister comme individu. Et la politique porteuse d’une vision derrière le politique, à courte vue.

En outre, le droit s’est imposé comme la référence centrale qui commande partout et inspire toute la vie sociale au détriment du pouvoir des élus.

Aujourd’hui, nous devrions vivre un âge d’or de la démocratie puisque la société civile a gagné son indépendance complète.

Pourtant, nous assistons à une radicalisation des appels à démocratiser la démocratie.

Cette tendance entraîne les acteurs politiques traditionnels à faire marche arrière pour remobiliser l’idéal démocratique. Ils sont considérés comme illibéraux.

Parallèlement, on voit se développer une protestation populiste qui s’incarne par une affirmation d’ordre identitaire en réaction à la pluralisation de l’existence collective. Elle appelle à redonner la priorité à la cohésion collective grâce à l’autorité du politique.

Le nouveau défi politique lancé aux démocraties est de préserver les libertés individuelles tout en maîtrisant le destin collectif. Ceci ne pourra se faire, d’après le philosophe, que si la politique et la « moralité » reprennent leur place. On a vu, en effet, surgir un couple juges/medias qui conduit en douceur à un moralisme émotionnel et le pouvoir à l’impuissance.

Il s’agit de redonner aux indépendances une appartenance hors de laquelle elle flotte dans le vide et de réarmer la conscience historique du présent.

Affirme t-il.

Sabine Renault-Sablonière, le 2 avril 2025

1 Avr 2025

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