Le wokisme pratique le scandale et la diabolisation publique hors procès  en justice comme moyen révolutionnaire d’éveiller les consciences aux injustices intolérables qui ne sont pas perçues comme telles, tant leur ancienneté les fait passer pour naturelles.

Je crois que je ne caricature pas.

Cette chasse aux sorcières renoue avec l’appel qui fut lancé par Marx dans l’un de ses tout premiers écrits philosophiques : « Il faut rendre l’oppression réelle encore plus opprimante, en lui adjoignant la conscience de l’oppression, la honte encore plus honteuse, en la rendant publique. Il faut dépeindre chaque sphère de la société allemande comme la partie honteuse de cette société.. »

La démocratie libérale,  mérite-t-elle cette hostilité générale ?

Notre société promeut et pratique l’examen critique des mots et des comportements hérités du passé et qui semblent en porter des traces condamnables.

Cet examen est une mesure d’hygiène culturelle et politique, car nos mentalités et nos valeurs évoluent, et les mots de notre langue commune doivent évoluer en conséquence.

Il est bon, pour ne prendre qu’un exemple, qu’on ne dise plus « une fille-mère » pour évoquer une « mère célibataire », et il est impératif qu’une personne ayant autorité sur une autre n’abuse pas de ce rapport de forces.

Mais l’évolution de notre langue et de nos comportements ne doit pas être dénaturée et transformée en un appel à leur déconstruction systématique et globale, comme s’il nous fallait nous purifier de tout ce que nous sommes en faisant table rase de notre héritage culturel.

En particulier, la chasse aux traces linguistiques d’un passé culturel qui serait totalement au service de la domination vise à imposer la novlangue politiquement correcte au sein d’une cancel culture.

 Dans la dynamique de cette épuration culturelle,  les mots ne devraient plus porter trace de leur histoire, et ils devraient également perdre la polysémie qui caractérise les mots de toutes les langues vivantes.

Seuls les mots des langues artificielles, tels ceux qui définissent les figures de la géométrie, sont parfaitement neutres et univoques

Pour contrecarrer la guerre révolutionnaire menée par le wokisme contre notre héritage culturel, il peut être utile de réfléchir à la généalogie du wokisme, et aux éléments qui composent son ADN.

Sa première caractéristique est de suspecter, de dénoncer publiquement sans procès le mal qui se cache.

Sur ce plan, le wokisme a pour ancêtre la bien nommée Terreur de 1793, et sa terrifiante loi des suspects.

 Celle-ci fut initiée par Robespierre, et on en retrouve les principes dans les procès staliniens : à l’image de ces antécédents, le wokisme exclut lui aussi la présomption d’innocence et lui oppose la présomption de culpabilité. Il refuse lui aussi les droits de la défense.

Et il manifeste lui aussi une forme de paranoïa.

J’ajoute que la filiation du wokisme à la Terreur de 1793 se double d’une filiation au communisme de Karl Marx.

Le wokisme actuel reprend en effet la formulation marxiste de ce qui est devenu la cancel culture.

Voici un des passages du Manifeste du parti communiste qui justifie la destruction de notre héritage culturel

« L’histoire de toute la société jusqu’à nos jours était faite d’antagonismes de classes, antagonismes qui, selon les époques, ont revêtu des formes différentes. 

Mais, quelle qu’ait été la forme revêtue par ces antagonismes, l’exploitation d’une partie de la société par l’autre est un fait commun à tous les siècles passés. Donc, rien d’étonnant si la conscience sociale de tous les siècles, en dépit de toute sa variété et de sa diversité, se meut dans certaines formes communes, formes de conscience qui ne se dissoudront complètement qu’avec l’entière disparition de l’antagonisme des classes. 

La révolution communiste est la rupture la plus radicale avec le régime traditionnel de propriété; rien d’étonnant si, dans le cours de son développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles. »

Cette cancel culture repose sur le paradigme marxiste de la lutte des classes, qui déclare une guerre sans compromis entre deux ennemis dont l’un doit disparaitre : les dominés et les dominants.

L’objectif avoué de la lutte des classes n’est pas de supprimer la domination d’une classe sur l’autre : il est d’inverser la domination, d’imposer la domination de la classe dominée, en l’espèce : la dictature du prolétariat.

L’universalité et l’égalité en droits et en dignité de tous les humains n’est pas son horizon

Le wokisme applique le paradigme marxiste de l’antagonisme irréductible entre les classes sociales à tous les rapports entre les groupes sociaux

L’intersectionnalité des luttes est le mot d’ordre de cette coalition revancharde qui voue la société à une guerre civile sans fin.

Que répondre à cette conflictualité radicale, vengeresse et irréductible érigée en loi universelle ?

Qu’il est exact que tous les rapports entre les individus et les groupes humains peuvent contenir une dimension conflictuelle, des rapports de force et des risques d’abus, mais qu’il est faux et paranoïaque de les y réduire.

L’ambivalence des sentiments est dans la nature de tous les rapports entre les humains, comme on le sait mieux depuis Freud, mais cette ambivalence n’entraine pas la guerre totale entre dominants et dominés

L’examen critique des mots et des comportements doit se faire dans l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme, expression qu’il faut désormais entendre comme Déclaration des droits des êtres humains.

Tout mot, expression ou comportement qui peut paraitre contraire au principe de l’égalité en droits et en dignité de tous les êtres humains peut être examiné, et être éventuellement critiqué et corrigé, au nom de ce principe politique premier.

Tous les progrès qui ont été accomplis dans ce sens, qu’il s’agisse du rapport entre les sexes et les sexualités, ou entre les groupes ethniques et sociaux, l’ont été au nom de ce principe premier.

Les progrès accomplis sont stupéfiants. Que l’on compare la situation actuelle à celle d’il y a un siècle concernant les droits et la dignité des femmes et des personnes homosexuelles.

Ces progrès devront se poursuivre au nom de ce principe qui est le fondement de notre société.

C’est ce principe, et lui seul, qui est systémique dans le monde libre.

C’est pourquoi il faut continuer à défendre la démocratie libérale contre ses ennemis.

Il reste des progrès à faire dans les mots, dans les mentalités, dans les comportements et ailleurs, mais ce combat devra se mener en défense de la démocratie libérale à laquelle les wokistes font une guerre révolutionnaire inspirée de la Terreur et de la lutte des classes.

André Senik, le 25 mars 2025

26 Mar 2025

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