Ce n’était pas du tout le grand homme qu’à la suite de Bardella, les principaux cadres du RN viennent de se permettre de saluer publiquement.
Et par ailleurs, nos médias, intimidés par les 35% que recueillent désormais électoralement MLP et ses alliés, ont négligé de lui reprocher un certain nombre d’éléments, pourtant établis factuellement.
Des éléments qui ne sont pas simplement « des provocations » mais bel et bien des actes et des déclarations qui devraient accabler cet individu et qui devraient accabler aussi ceux qui continuent à l’admirer et à s’en réclamer.
J’essaye ici de classer méthodiquement les reproches qui devraient lui être adressés (en espérant avoir été le plus exhaustif possible) au moment où on commence à le désigner comme « un brave type » (« les morts sont tous des braves types » disait Brassens, cet excellent observateur) :
- Son refus, jusqu’à sa mort, de condamner Hitler et Pétain. Cette admiration pour la dictature totalitaire nazie avait bien entendu pour corollaire un rejet des principes démocratiques.
L’instauration de liens avec les anciens nazis et en particulier avec Léon Degrelle, le politicien wallon qui pendant toute la guerre chercha à se faire reconnaître par Hitler, qui alla jusqu’à constituer une unité militaire formée de citoyens belges pro-nazis, la Légion Wallonie, qui rejoignit les militaires allemands pour combattre les soviétiques, ce qui lui valut une médaille militaire allemande que Hitler lui accorda personnellement. Comme les autres politiciens européens nostalgiques du nazisme, Jean-Marie Le Pen vint rendre visite à Léon Degrelle à Malaga (Franco lui avait accordé d’abord l’asile politique puis la nationalité espagnole). - Ses déclarations multiples visant à minimiser la Shoah et sa participation active avec son ami Gollnish au mouvement négationniste qui, à partir des années 70, vise à nier la Shoah et son ampleur.
Son antisémitisme affiché et répété dont il n’accepta jamais de se défaire. Une preuve parmi d’autres consistant à avoir parrainé, en 2008 encore, une fille de Dieudonné (antisémite notoire et revendiqué). C’est d’ailleurs cet antisémitisme affiché qui inspira à sa fille Marine de renverser son père à la tête du FN en vue de faire disparaître, par l’opération dite de dédiabolisation, les connotations antisémites de l’ADN du RN (ex-FN). - Son opposition prolongée à la décolonisation qui lui valut de soutenir jusqu’au bout les partisans puis les nostalgiques de l’Algérie Française.
- Sa misogynie qui l’amena à la Chambre des députés à être parmi les plus résolus et les plus violents à combattre la loi Veil sur l’avortement (il alla jusqu’à oser une comparaison entre les avortements et les fours crématoires).
- Sa mobilisation politique en opposition à l’homosexualité.
- Sa revendication de pratiquer la torture et de la banaliser (lorsqu’on lui rappelait ce qu’il avait fait pendant la guerre d’Algérie).
- Son opposition à toute construction européenne et à la participation de la France à l’Union Européenne.
- Son opposition à la participation de la France à l’OTAN.
- Son accointance avec le KGB/FSB après 1991 (chute du Parti Communiste d’URSS et dislocation de l’URSS en 15 Etats souverains). En 1994 puis en 1996, il prend l’initiative de venir rencontrer à Moscou le sinistre Jirinovski qui était le premier politicien russe à revendiquer son positionnement dans une extrême-droite russe musclée, à la fois ultranationaliste et expansionniste, et qui était sous Eltsine le principal opposant à l’instauration de la démocratie en Russie. Après la prise du pouvoir par Poutine et le KGB/FSB en 2000, ce Jirinovski a dirigé, sur la droite de Poutine, une sorte d’ « opposition officielle » à Poutine (permettant à Poutine d’affirmer sans vergogne que la Russie serait restée pluraliste), une opposition en réalité totalement factice et artificielle, une opposition sous le contrôle du KGB/FSB. Jirinovski par exemple réclamait publiquement une invasion de l’Ukraine fin 2021 (sans doute avec l’approbation tacite de Poutine).
Cette liaison établie entre Jean-Marie Le Pen et Jirinovski aura enclenché des liens qui se sont ensuite renforcés et avérés entre le RN de Marine le Pen et Poutine (visite de Marine Le Pen en Crimée en 2015 pour y saluer l’invasion de la Crimée par Poutine ; réception officielle de Marine Le Pen par Poutine début 2017 pour lui conférer une stature internationale…)
Je crois qu’il nous faut garder soigneusement en tête cette liste de griefs majeurs à l’encontre de Jean-Marie Le Pen au moment où le RN s’approche dangereusement de prendre le pouvoir dans notre pays et tend à nous faire oublier les forfaits de son fondateur.
La dédiabolisation n’est que partielle et la collusion de Marine Le Pen avec Poutine est plus marquée encore qu’elle ne le fût entre Jean-Marie Le Pen et la Russie.
Jean Francart, le 10 janvier 2025
[Réponse] Sur la nécrologie de Jean-Marie Le Pen par notre ami Jean Francart
Je remercie notre ami Jean Francart d’avoir rappelé sans complaisance les positions détestables qui jalonnèrent toute la carrière de Jean-Marie Le Pen.
Ce rappel doit servir aux électeurs français d’une ligne rouge à faire respecter par ses successeurs qui s’affirment plus ou moins repentis.
J’ajoute au tableau des griefs à adresser au père Le Pen qu’il a été grandement responsable d’avoir empêché les démocrates d’aborder les problèmes posés par l’immigration musulmane sans racisme ni inhibition.
La même vigilance informée et lucide s’impose par ailleurs pour Giorgia Meloni .
Parallèlement, le passé du communisme doit être rappelé face à ses divers héritiers, je pense évidemment à LFI plus encore qu’au PCF, qui se présente en héritier des militants de base du PCF plus que de Marx, Lénine et Staline.
Ce rappel des sources premières des mouvements politiques actuels doit s’accompagner d’au moins trois appendices
- Il ne faut pas négliger les révisions dédiabolisantes qui sont explicites et mises en pratique. Ce n’est pas le cas pour l’AFD en Allemagne.
En France, (par exemple sur « Vichy et la Shoah », Marine Le Pen est aux antipodes de Zemmour. Et elle ne s’autorise aucune forme de racisme et de xénophobie. - Nous ne sommes pas en 1934. Les électeurs du RN ne sont pas massivement identifiables à des « fachos » et les ennemis du RN ne sont pas nécessairement des démocrates fréquentables
- Ne nous trompons pas d’époque et d’ennemi principal
Notre ennemi principal est désormais notre extrême gauche islamisto-révolutionnaire.
Personnellement, si j’ai un jour à choisir aux élections entre un candidat du RN et un candidat de LFI, je voterai pour le moindre mal , je voterai pour le RN.
En me souvenant que les ennemis de mes ennemis peuvent être mes alliés de circonstance, sans devenir pour cela mes amis.
André Senik, le 12 février 2025.
