Le communiqué de presse qui suit ( que nous publions dans sa totalité, titre compris) nous a été transmis par notre ami Stéphane Courtois. Il a étérédigé à l’issue d’un Huis Clos organisé par le Collège des Bernardins et le Forum Normandie pour la Paix entre le 24 et le 26 septembre 2024.
Nous nous excusons du retard avec lequel nous le publions. Il peut cependant susciter aujourd’hui encore un débat enrichissant parmi nous sur l’importance de la dimension religieuse du conflit russo-ukrainien ou sur le lien entre la victoire de l’Ukraine et la tenue d’un procès des crimes du communisme et du post-communisme par une commission internationale.


H&L

Introduction

1.Nous, experts ukrainiens et russes, membres de l’opposition russe en exil et experts internationaux, avons décidé de nous réunir afin d’émettre des propositions pour agir et avancer sur le chemin de la paix.
2.Convaincus que le régime de Vladimir Poutine s’effondrera, que l’Ukraine gagnera la guerre avec le soutien des forces démocratiques, nous pensons qu’il est de notre devoir de préparer, dès maintenant, l’avenir de la Russie pour une Europe en paix.

Nous reconnaissons que les régimes communistes ont commis des crimes, non pas simplement en Union soviétique, mais également en Europe centrale et au-delà.

Plusieurs diagnostics ont été posés

Outre leur caractère punitif, les procès ont une vertu symbolique et éducative : ils permettent de stopper l’impunité et de rétablir une forme de confiance civique. Nous sommes convaincus que c’est l’absence de jugement des crimes du communisme qui a permis à Poutine de lancer la guerre en Ukraine et qui empêche la Russie d’évoluer. Il n’y a pas eu de mise en place des outils de justice transitionnelle en Russie : pas de droit à la justice, ni à la vérité, ni aux réparations, ni de garantie de non-répétition, qui sont les 4 piliers de la justice transitionnelle.

Vladimir Poutine a organisé une amnésie collective de certains faits, tout autant qu’une hypermnésie pour d’autres faits sur le même schéma que Lénine et Staline avant lui : avec des victimes, des héros et des salauds. C’est cet écueil sur lequel il faudra penser les choses autrement quand la guerre sera finie.

Nos Propositions

  1. Nous, experts russes, experts internationaux et membres de l’opposition russe en exil, reconnaissons la responsabilité de l’Etat soviétique dans l’organisation du Holodomor (1932- 1933), qui a fait plus de 4 millions de morts de faim en Ukraine, que l’on doit qualifier comme un génocide contre la nation ukrainienne. Nous demandons que ce génocide, aujourd’hui fortement documenté, soit enfin reconnu par la Fédération de Russie, et internationalement. Nous attendons que la Fédération de Russie reconnaisse de nouveau la supériorité du droit international sur le droit national, comme c’est le cas dans tout Etat démocratique.
  2. Nous pensons qu’il faut prendre conscience de la réalité impériale de la culture russe et de ses effets, dont elle doit sortir, en travaillant notamment à des formations auprès des jeunes.
  3. Nous constatons que le patriarcat de Moscou est devenu une organisation d’Etat qui promeut une religion civile apocalyptique et violente.
    Pour aider cette Eglise à se réformer, nous devons nous inspirer des exemples qui ont fonctionné au 20e siècle, en Allemagne ou en Pologne.

Par exemple, la Plateforme « Paix à tous » aide les prêtres pour leur position anti-guerre, plateforme russe, devrait faire l’objet d’un soutien européen. Il est fondamental de raconter l’histoire authentique de l’Eglise russe et de ses compromissions avec l’Etat soviétique depuis 1927 et 1943. Il faut condamner la destruction de tous les mouvements en faveur de l’identité nationale et les Eglises nationales en URSS et qui continue aujourd’hui dans les territoires occupés en Ukraine.

  1. Nous souhaitons la création d’une commission internationale qui permette la mise en place d’un tribunal pour juger les crimes du communisme commis au XXe siècle, en Europe et dans le bloc soviétique. A cet égard, nous avons apprécié l’idée émise par la plateforme de la mémoire et de la conscience européenne, de créer un tribunal symbolique pour juger des crimes commis par le régime communiste. Nous pensons qu’il faut l’étudier plus en profondeur, notamment pour en définir plus précisément les limites géographiques et juridiques.
  2. Nous avons trouvé un consensus sur la nécessité pour l’Etat Russe de réparer tous les crimes commis par le régime soviétique : réparation financière et morale, de façon proportionnelle selon les niveaux de responsabilité (individuelle, étatique et collective).
  3. Nous sommes convaincus que l’archive est la preuve documentaire par excellence.
    Aussi, il faut dès maintenant travailler, dans chaque pays qui a été concerné, à la publication des documents d’archives. Il faudra créer des comités nationaux qui pourront faire des recherches dans les archives, en lien des commissions internationales qui travailleront ensemble à un document général sur les crimes commis.
  4. Il convient de développer des formations, dès maintenant, pour former les jeunes, mais aussi éveiller et alerter les consciences de la population russe sur les événements et des crimes de l’Histoire.

Pour permettre la décontamination idéologique de la population, il faudra former les jeunes générations européennes, par un immense travail de pédagogie démocratique. On pourra prendre comme exemple l’expérience mise en place à Sighet, en Roumanie, avec des stages, des cycles de conférence, des prisons transformées en musées des dictatures communistes (une expérience soutenue par le Conseil de l’Europe).

  1. Il est nécessaire de travailler, pour éviter la concurrence des mémoires, à l’élaboration de manuels scolaires européens établis par des historiens de tous ces pays, par un travail collectif en utilisant la méthode des regards croisés. Et en même temps, enseigner les valeurs de la démocratie, de la liberté et une culture mémorielle.

Nos propositions pour l’avenir

  1. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, il est indispensable, dès maintenant, de constituer les bases de données les plus fiables sur tous les crimes et les exactions commis par la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine.
  2. Simultanément avec un travail de vérité et de justice, quand le temps sera venu, il faudra favoriser les échanges entre jeunes ukrainiens et russes, permettant, en partageant les souffrances, de ne pas être dans le ressentiment et la revanche, mais dans la projection d’un avenir de paix pour les jeunes générations.
  3. Pour permettre ce travail de vérité et de réconciliation, il faudra l’engagement de toutes les parties prenantes : Etats, Régions, Communes, Associations civiles, mais aussi réseaux d’élus, d’anciens combattants, etc.

Personnes à contacter :
Antoine Arjakovsky & Valentine Tessier +33 618600289

6 Nov 2024

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