Mon île natale, Cuba, est plongée dans le noir. De La Havane à Santiago, les photos et vidéos qui nous parviennent montrent un décor de désolation. Personne dans les rues, hormis quelques conducteurs de voitures -il y en a si peu qu’elles occupent tout l’espace des chaussées défoncées-, dont les phares brisent pour un instant cette terrible couleur uniforme, des habitants terrés chez eux à la faible lueur de bougies émergeant de quelques fenêtres mais, tout de même, des fonctionnaires gouvernementaux officiant dans certains sièges du Parti (communiste, le seul autorisé, bien sûr), mais aussi l’éclairage insolent, maintenu par des groupes électrogènes, de quelques hôtels de luxe existants ou en construction pour des touristes, canadiens, russes, espagnols, italiens, français, brésiliens, mexicains et j’en passe, qui adorent contempler les ruines de ce pays qui fut considéré, autrefois, comme « la perle des Caraïbes ».
Un seul responsable : le castrisme. Celui-ci se maintient au pouvoir depuis… 65 ans, bientôt 66 ! Depuis ce 1er janvier 1959 où les frères Castro ont pris le pouvoir avec l’assentiment des foules et l’admiration aveugle de leurs innombrables sympathisants à travers le monde. Ceux-ci ont souscrit à tous les mensonges, à tous les crimes (exécutions massives des opposants, condamnations des dissidents à des peines de prison démentielles, condamnation à l’exil de millions de Cubains de toutes conditions), ainsi qu’à la misère déguisée en égalitarisme et à la délation ou à la terreur exercée quotidiennement contre une population sans défense.
Vendredi 18 octobre, c’est la principale centrale thermoélectrique qui est tombée en panne. Mais auparavant, toutes les autres étaient soit en-dessous de leurs capacités théoriques soit « en maintenance ». Depuis des décennies, ces structures préhistoriques, souvent de fabrication soviétique, étaient l’objet de délestages à répétition. Mais il ne fallait pas s’en faire, selon les dirigeants, qui expliquaient jour après jour à la télé que la situation était sur le point de s’améliorer, égrenant le nombre de mégawatts disponibles et ânonnant les lieux et les horaires des coupures d’électricité programmées, jusqu’à 20 heures et plus. Au point que les gens ne parlaient ne parlaient plus de coupures (« apagones ») mais de moments d’éclairage (« alumbrones »). Et puis, d’un coup, plus rien. Les mesures dérisoires d’économies d’énergie n’ont servi qu’à retarder l’inéluctable. Même les deux bateaux d’approvisionnement en électricité fournis par des entreprises turques se sont révélés notoirement insuffisants. Tout est parti à vau-l’eau. Le combustible, en provenance du Venezuela, de la Russie n’arrive plus qu’au compte-gouttes, du fait des problèmes engendrés par la dictature de Nicolás Maduro, digne successeur de Hugo Chávez, et de la guerre menée par Vladimir Poutine contre les braves Ukrainiens.
Les Cubains, à présent, décomptent le nombre d’heures qu’ils passent dans cette sinistre obscurité, devant jeter les quelques aliments, désormais pourris, qu’ils réussissaient à conserver dans leurs frigos ou leurs congélateurs, malgré les pénuries chroniques. Ils doivent aussi faire face, sans ventilateurs, à une chaleur insupportable, qui amène ses nuées de moustiques, vecteurs d’épidémies. Gare à leurs victimes ! Certains services des hôpitaux, dont les urgences, ne fonctionnent plus, dans cette nation qui se targue d’être une « puissance médicale » capable d’exporter ses médecins pour porter leur savoir- faire -et la propagande castriste la plus éhontée- jusque dans les derniers recoins de l’univers contre des devises sonnantes et trébuchantes pour le régime, pas pour eux ni pour leurs familles.
Plus d’école non plus, ce qui signifie, en passant, quelques heures de moins d’endoctrinement pour les enfants et les jeunes de Cuba. Finalement, ceux qui ont eu plus de chance, ce sont ceux qui ont réussi à fuir, à échapper au péril de leur vie, par mer, via le détroit de la Floride, ou par des terres inhospitalières d’Amérique du sud, au « paradis socialiste ». Les autres, les quelques onze millions qui restent, ne connaissent que le désespoir. « ¿ Hasta cuándo ? », (« Jusqu’à quand ? »), répètent-ils, comme un mantra. Jamais cela ne s’arrêtera, tant que cette folie communiste obsolète restera en place.
Les dirigeants, le « président » fantoche Miguel Díaz-Canel, désigné par Raúl Castro, toujours de fait aux commandes, malgré ses 93 ans, depuis la maladie de son demi-frère Fidel, survenue en 2006 puis son décès en 2016, et ses ministres en appellent à l’esprit révolutionnaire, celui de la guérilla de la « Sierra Maestra » et d’autres souvenirs révolutionnaires. Díaz-Canel, dont le nom est toujours complété par ceux qui le prononcent du qualificatif de « singao » (enc…), est apparu à la télé en uniforme militaire rutilant pour menacer ceux qui osent manifester, comme lors de la révolte spontanée du 11 juillet 2021, provoquée par la faim et -déjà- les coupures d’électricité, des pires calamités (plus de 1000 personnes ont été incarcérées depuis), en même temps qu’ils accusent le « blocus » (l’embargo) nord-américain d’être responsable (qu’a à voir l’embargo avec la déliquescence des vieilles installations venues tout droit de l’URSS et abandonnées progressivement par la Russie ?) des mouvements de protestation, ainsi que les « apatrides », les « vers de terre » (« gusanos »), en somme nous, les exilés, d’encourager les « indécents » et « vendus » qui osent protester.
Cette situation intervient quelques jours après une marche soi-disant spontanée, en présence des plus hautes autorités, qui a mobilisé les recours de l’Etat pour faire défiler les participants, afin de démonter la solidarité de la révolution avec Yahya Sinouar, Hassan Nasrallah et les mollahs iraniens, victimes du « sionisme », et à la veille du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) qui se déroule à Kazan, en Russie, où le « président » (élu par qui ?) compte se rendre. Les alliances de Cuba restent les mêmes que du temps de la guerre froide, en y ajoutant les terroristes islamistes.
Au fait, que disent les sympathisants de toujours de cette obscure révolution à propos de la situation calamiteuse que vit l’île de leurs rêves d’autrefois ? Rien, du côté de l’Insoumis Mélenchon, de l’anticapitaliste Besancenot, ni des autres, tous les autres. Mais peu importe. Qu’ils s’emmurent dans leur silence, ces complices honteux de la dictature en vigueur dans l’île de leurs rêves et de nos cauchemars, comme ils l’ont fait le 28 juillet dernier en constatant la fraude massive lors des dernières élections vénézuéliennes, qui permet à Maduro de continuer à usurper le pouvoir.
Les pauvres Cubains apprennent à surmonter l’obscurité (qui peut devenir une opportunité, car ils ne peuvent pas être identifiées) et la terreur exercée par les forces répressives. Ils se rendent compte que l’avenir radieux que leur a promis la révolution est pire que la mort. Ils ne peuvent compter sur aucune solidarité, sauf celle de leurs compatriotes de l’exil pour rompre leur solitude. Le moment est venu pour se débarrasser, par tous les moyens, de cette misérable tyrannie. Seulement alors, la lumière reviendra.
Jacobo Machover le 22 octobre 2024
