Il y a normalement quelques semaines de sottises verbales après les assemblées d’investiture des candidats à la présidence, qui se tiennent en juillet ou en août, Puis, à la fin de l’été marquée par le Labor Day, qui tombe le premier lundi de septembre pendant le dernier tournoi de tennis du grand chelem à New York et les fêtes juives (qui cette année commencent début octobre), a lieu le sprint final qui aboutit le « first Tuesday after the first Monday » de novembre – ce sera le 8 cette année – suivi d’un vote pour choisir les membres du collège électoral, lequel, à son tour, en décembre, normalement, procédera à un vote qui sera certifié par le Sénat (normalement en janvier). Le mandat du nouveau président commencera alors, dès son intronisation, deux semaines après… normalement.
L’époque étant anormale, qui peut dire que ce calendrier sera suivi? Pour le moment, il tient bon. Mais en ce mois d’août, on donne très peu dans le sérieux. Il y eut d’abord des défis réciproques à propos des débats qui devaient être programmés. Pour le moment il semble que le champion républicain (D. Trump) et la championne démocrate (K. Harris) sont d’accord pour organiser trois débats télévisés en septembre, mais il faut se méfier : ça peut changer ! Une question inutile de Trump sur l’ascendance raciale ou tribale de Mme Harris a ouvert la porte à des accusations de racisme, usées depuis longtemps alors qu’on sait très bien que Trump n’est pas raciste mais qu’il utilise volontiers un langage parsemé de blagues ethniques (« ethnic jokes ») qui, en plus d’être d’un gout douteux ont le défaut de souligner son âge (78 ans) dans la mesure où la forme en est plutôt désuète, alors que son adversaire, ayant remplacé le Vieux Biden après avoir assuré jusqu’à la veille de son désistement qu’il était « en pleine forme », joue maintenant (à 59 ans) la carte de la jeunesse.
C’est idiot mais normal pour l’été. Toutefois il faut remarquer que les « boss » Démocrates ont profité de ce qu’on nomme la silly season (la saison bête) pour opérer un « coup d’Etat » (comme disent les Républicains) en remplaçant Biden par son vice-président sans demander leur avis aux électeurs des primaires de leur parti; Biden lui-même voulait maintenir sa candidature – ce qui pose une première question à faire peur: s’il n’est pas en état (physique et mental) d’être candidat, est-il prudent qu’il garde la main sur les codes nucléaires jusqu’en janvier? Et cette autre : son état de santé a-t-il été caché aux Américains depuis 2020? Mais alors qui gouverne, sinon des « putschistes » se présentant comme sa famille, son entourage, ses ministres…?
Il y eut ensuite des échanges d’insultes entre les candidats à la vice-présidence, J. D. Vance sur la liste républicaine, Tim Walz sur la liste démocrate, à propos de leurs années de service militaire, sans toucher du tout à ce que sont, de fait, leurs positions face aux défis internationaux.
Or il est certain que ces défis posent des questions auxquelles les Américains doivent avoir des réponses. Trump et Vance se contentent de rappeler que sous l’administration Trump le monde n’était pas en guerre, et que les politiques munichoises et peu cohérentes de Biden, et par association de Harris, ont mené le monde au bord de l’abime.
Car il n’est pas faux de dire que le désordre va croissant, et il est vrai que déjà sous l’administration Obama la politique des Etats-Unis envers l’Iran encouragea le régime des mollahs à soutenir les agressions contre Israël et la liberté de navigation. Obama avait donné l’ordre de débloquer des milliards mis sous séquestre dans le cadre d’un embargo visant a stopper le développement d’une arme nucléaire islamo-iranienne. De façon plus générale, il avait ouvert une diplomatie de « détente » que les Perses ne lui rendirent pas. Bien au contraire, ils redoublèrent leur soutien aux Hamas, Hezbollah, et autres Houtis. Depuis quelques temps on assiste aussi à une recrudescence des activités de « l’Etat islamique », sans parler de l’abandon honteux de la campagne pour donner a l’Afghanistan une chance de sortir de l’emprise des talibans.
Il y a aussi la guerre en Ukraine et l’immigration, pour ne pas dire l’invasion en cours via le sud-ouest américain, et les budgets de la défense en chute libre. La Chambre des représentants a voté en juin le budget Défense de 2025, avec des augmentations par rapport a presque tous les budgets depuis le gouvernement Reagan: manoeuvre politicienne mais d’où l’on peut tirer un certain soulagement. Il faut quand même savoir que, dans le contexte de l’inflation et des années de pénurie, la Défense américaine est sérieusement en retard sur plusieurs dossiers, l’un des plus inquiétant étant l’augmentation de la puissance navale chinoise.
Si Biden n’a pas de quoi se vanter de sa politique étrangère, il faut reconnaître que la montée des périls aurait eu lieu même si Trump était resté aux affaires en 2020. Il y a dans le monde, qu’on le veuille ou non, des mouvements et des Etats totalitaires qui vouent une haine implacable à l’Occident.
Roger Kaplan,
journaliste à The Américan Spectator
le 15 août 2024
