Voter?

A chaque élection, même refrain : « Le droit de vote, pour lequel  nos aïeux se sont battus …». Oui,  révoltes, révolutions, conspirations , il y a eu : contre des tyrannies ; avec comme effet  logique leur  remplacement par des systèmes d’ élections populaires. Mais, des rébellions pour le droit de vote lui-même : où et quand ?

Le  « droit de vote » n’est un devoir qu’autant que le citoyen suit, le plus possible, la vie de  la cité (s’informer, penser, agir), donc  exerce ce droit, de façon plus ou moins éclairée : élire un député, des conseillers municipaux, etc., n’est pas jouer à la loterie.

Or, l’opinion publique (selon l’expérience universelle et intemporelle) est diverse, divisée, incohérente, changeante (dernier exemple : Macron,   réélu en 2022 et « battu » en 2024), profane et peu intéressée (faute de goût, de temps et/ou  de connaissances) sur le fond par la politique ; par contre, volontiers critique.

Les campagnes électorales sont trop brèves et espacées pour modifier  profondément, sauf coup de théâtre, des opinions formées, sans trop y réfléchir, au fil du temps : les résultats électoraux reflètent l’état des esprits à un moment donné. A cette nuance près que le « message » adressé à travers les urnes par les électeurs (leur volonté, leurs espoirs) à la « classe politique » n’est pas toujours compris de la même façon par tous : pour elle, quelle(s) action(s) mener ?

Dans le cadre de leurs sensibilités politiques respectives, les électeurs se seront déterminés en fonction de cette perception, souvent biaisée, des partis et des candidats, lesquels, de leur côté, leur auront menti sans scrupules (flatteries, promesses en l’air, comportements trompeurs …il faut plaire). La distance est grande entre les béotiens d’en bas et les « pros » de la politique, en haut. 

Ainsi, l’électeur se leurre et est, en plus, manipulé par le futur élu. Le «droit de vote » ? Dévoyé par la crédulité des uns et la démagogie des autres, il est une « duperie » selon  Marx-Engels comme selon Maurras.

… « Au pouvoir », « aux portes du pouvoir », entend-on : en fait, quel « pouvoir » véritable pour un gouvernement ? Une politique encadrée par les institutions et la Constitution, subordonnée aux accords internationaux, contrariée éventuellement par le Président, limitée par les opposants de tout poil (parlementaires, syndicats, lobbys, etc.,), contrainte par la conjoncture économique, chamboulée par les « crises », toujours inattendues, (telles que Guerre froide, évènements d’Algérie, mai 68, pétrole 1973, effondrement soviétique 1989-1991, Ukraine, Israël-Gaza …). Quelle liberté  d’action par conséquent pour les dirigeants ? Et comment gouverner un peuple politiquement inculte, versatile, indiscipliné ? Dans le temps long, s’impose une orientation – politique mais aussi sociétale donnée, bien que chahutée au gré des évènements ; sur elle, l’impact des élections est marginal.

Inexpérimentés, donc pleins d’illusions, nos lointains aïeux révolutionnaires se faisaient une idée sacralisée du suffrage, suffrage réservé à leur classe d’abord puis universel (masculin) : le peuple (et

 chacun au sein du peuple) maître de son destin, souverain !

… Les batailles électorales déchaînent les hommes : moment intense, joie du combat, ambitieuses espérances, frissons de peur … D’où dramatisation, hystérisation, radicalisation.

Pendant 40 ans (1945-198…), les partis dits démocratiques ont brandi en chœur l’épouvantail communiste pour affoler les masses et les contrôler. Le PC traitait, à rebours, ses adversaires de « fascistes ». Puis, le communisme s’écroulant, le danger mortel (pour les libertés) s’est incarné, d’après les « démocrates », dans le Front national (devenu RN), sa relève. Enfin, innovation avec le macronisme : trois grands blocs ; un, central (le juste milieu, bien sûr), et deux, « extrêmes »  (comprendre « extrémistes », barbares), farouchement rivaux (RN-Le Pen, LFI-Mélenchon).Les anti-RN (macroniens et Nouveau Front Populaire) ont ressorti le florilège « anti-fasciste » (« collabos », nazisme, etc.). Le RN renvoie l’ascenseur  à LFI : « islamo-gauchisme », « antisémitisme » … Au milieu, Macron, toujours pondéré, accuse chacun des deux autres de préparer  rien moins qu’une « guerre civile » (sic). Les deux « extrêmes », rétrogradant Macron dans  l’ordre des méchants, le qualifient chacun de marche-pied de l’autre, seul extrémisme. Les anti-Front Popu (macroniens et RN) déplorent la « soumission » du PS et des « écolos » à la France Insoumise, une « indignité ».

Ainsi, tous remuent les peurs (fascisme, racisme, antisémitisme, islamisme …), principales armes de campagne, loin devant les promesses, peu convaincantes ; on sait que le danger ou l’ennemi 

 commun est le meilleur moyen d’unir ou réunir les individus également concernés. La critique, souvent virulente, du présent en France et dans le monde, est donc abandonnée pour celle d’un

 futur hypothétique, création d’une imagination parfois délirante. On impute au RN et/ou à LFI des scénarios d’épouvante (extermination des Juifs quasiment ou des Arabes, salaires de misère, etc.), autant de procès d’intention basés sur des indices douteux : qu’ont à voir exactement le jeune Bardella avec Pétain et Vichy et  Jean-Luc Mélenchon avec le massacre du 7 octobre en Israël ? N’a-t-

on rien d’autre à leur reprocher ?  Peurs pour l’avenir ? Soit, mais tout va -t-il si bien dans ce bas monde aujourd’hui ? 

Moi, pardon ! je me rappelle, il y a … 70 ans, quand certains se complaisaient à évoquer une 3e Guerre mondiale  (dix ans seulement après la Deuxième !) parfaitement fantasmée, je me sentais mal des guerres, alors bien réelles et bien meurtrières, d’Indochine et de Corée : comment arrêter ces tragédies ?

Il est particulièrement  irresponsable d’agiter le spectre de la guerre civile. Sans raison valable mais  au risque que certains y croient et s’angoissent et que d’autres y songent. Sur tous les sujets de dispute, il n’y a pas 2,3, ou 4 camps à couteaux tirés, mais une gamme de points de vue. Sur l’immigration par exemple, il n’y a pas deux camps irréconciliables : racistes enragés contre ravis de la crèche, mais tout un éventail de positions, fondement d’un large consensus possible : « deux Français sur trois » aurait dit Giscard. Ne nous montons pas les uns contre les autres.

 Heureusement, le peuple de France est un peuple modéré. Même les défilés et rassemblements (LFI, CGT, etc.) protestant contre les résultats « incorrects » des élections européennes, ne les contestent pas  (comme d’autres à Washington). Le suffrage universel est sans doute le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres.

                                                                                                                        Guy BARBIER (1er juillet 2024) 

1 Juil 2024

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