NEUF THESES SUR LE CONFLIT ISRAEL-HAMAS
1) Un mort vaut un mort, une mort ne vaut pas une mort. Prétendre le contraire est au mieux de la stupidité, plus probablement une manière de justifier le massacre des Juifs.
2) Ne pas voir que le crime contre l’humanité du 7 octobre est un événement inouï, sans précédent aucun dans certaines de ses modalités, pour les Juifs comme pour le monde, revient à donner raison à Jean-Marie Le Pen: que sont les chambres à gaz (deux millions de morts) sinon un « point de détail » dans une Seconde guerre mondiale qui en fit au moins 60 millions, dont de très nombreux enfants allemands et japonais? Pourquoi en faire tout un plat?
3) 8 Français sur 10, et 99 % du milliard de musulmans se révèlent de fait d’accord avec JM Le Pen sur ce point de détail. Ça m’effraie, pour moi, pour eux, pour le monde.
4) Abolir la distinction entre agresseur et victime, entre crime prémédité et morts collatérales, c’est: -se condamner à ne plus rien comprendre ni aux guerres, ni à la violence en général
-faire exploser une réflexion sur la guerre juste ou injuste, sur ce qui est permis et interdit dans un conflit, qui remonte à l’Antiquité, et qui est à la base de l’ensemble du droit international, de l’ONU, de la Justice internationale, et de dizaines de traités essentiels du XX ème siècle
-en réalité, sous prétexte d’humanisme et de pacifisme, rétablir la loi de la jungle, où tout sera permis, puisque tout sera mis sur le même plan.
Dénoncer à égalité tous les morts de toutes les guerres
serait une position valable s’il y avait la moindre chance de mettre réellement fin aux guerres présentes et à venir. Est-ce réaliste en 2023 ?
Car sinon, cela aboutit à rejeter indistinctement agresseur et agressé – et donc à donner une prime au premier. Cela conduit aussi à abolir le droit de la guerre, qui circonscrit ce qui y est admissible pour mieux proscrire ce qui ne l’est pas (le principe général en est simple : toutes les souffrances infligées qui n’ont pas d’efficacité en vue de l’acquisition de la supériorité sur l’adversaire). Cela signifie que les « dommages collatéraux » sur les populations civiles (enfants compris) ne sont pas des crimes de guerre (contrairement à ce que beaucoup d’ignorants et de militants prétendent), à condition que tout soit fait pour les limiter au maximum. Mais sans que cela aboutisse à l’impossibilité de mener une guerre.
Les précédents historiques sont intéressants à considérer. Les pacifistes intégraux des années 1930 se sont pour la plupart ralliés à Pétain, qui voulait le rétablissement de la paix et la réconciliation avec l’Allemagne, contre le va-t’en-guerre De Gaulle. Les pacifistes des années 1950-1960 ont été pour une large part attirés dans le Mouvement de la Paix, dirigé par le PCF, qui prônait le désarmement de l’Ouest (nucléaire en particulier) sans du tout se préoccuper ce celui de l’Est.
5) « Israël est tombé dans le piège du Hamas » en attaquant Gaza. Sans doute, et Israël le sait parfaitement. Mais quelle est l’alternative? Se soumettre à l’horreur? Ce serait accorder la victoire au Hamas, qui le proclamerait bruyamment, et triompherait définitivement auprès de l’ensemble des Palestiniens. Ce serait encourager le Hezbollah à attaquer Israël. Ce serait pousser vers le pouvoir les djihadistes dans l’ensemble du monde arabo-musulman. Ce serait encourager les crimes antisémites partout dans le monde.
Mieux vaut être détesté mais craint que jouir d’une certaine sympathie en étant méprisé. Cela vaut pour les pays comme pour les individus. Au diable donc l’opinion mondiale ! A-t-elle sauvé les Arméniens du Karabagh de l’épuration totale?
6) Si Israël fait exploser le piège, en même temps que les immeubles et les tunnels du Hamas, la leçon sera reçue par les agresseurs potentiels, et pas seulement au Moyen-Orient. Le crime ne paie pas. La prudence du Hezbollah s’explique déjà ainsi.
7) En conséquence, ceux qui s’époumonent « cessez-le-feu immédiat » sont au mieux des idiots, au pire des criminels qui ne visent qu’à la destruction d’Israël (et pas seulement de Netanyahou, ou des colons de Cisjordanie).
8) Il conviendrait plutôt de manifester notre soutien aux courageux soldats israéliens, qui, comme les non moins braves soldats ukrainiens, combattent et sacrifient leur vie pour défendre des valeurs d’humanité et de liberté (des peuples, mais aussi des individus) qui font ici largement consensus. Ou alors veut-on encourager la coalition des dictateurs et des fanatiques qui n’ont de cesse de les miner?
9) L’antisionisme est une notion généralement utilisée à contresens. Avant 1948 (création d’Israël), c’était une position largement partagée chez les Juifs – il fallait se battre contre l’antisémitisme là où on se trouvait, sans se « réfugier » dans un Etat juif. Aucune confusion possible avec l’antisémitisme. Cette position fut hélas explosée par le nazisme, via la destruction de la majorité de ceux qui la prônaient. Après 1948, l’antisionisme ne peut plus signifier que la volonté de détruire l’Etat d’Israël. D’où la confusion très large avec l’antisémitisme. Car, même si l’on admet qu’il y a eu au départ une injustice à l’encontre des Arabes palestiniens (injustice elle-même délicate à évaluer), n’est-ce pas le cas de la plupart des Etats du monde de s’être construits sur le dos d’un ou plusieurs peuples? Pourquoi réserver au seul Israël le « privilège » de devoir en être sanctionné par son élimination pure et simple? Par contre, critiquer même durement le gouvernement israélien, rejeter telle ou telle politique (en particulier l’installation de colonies juives en Cisjordanie), ce n’est pas de l’antisionisme – et beaucoup d’Israéliens le font.
Rappelons à ce point de vue qu’Israël comporte une très importante minorité arabe (20% de la population), qui jouit de la plupart des droits de la majorité juive (parler d’apartheid n’a aucun sens), alors que plus aucune minorité juive ne peut vivre paisiblement dans un quelconque pays musulman, à l’exception partielle du Maroc.
Jean-Louis Margolin
(crédit image: https://en.wikinews.org/wiki/File:Israel_vs_Hamas.png)
