Alain Besançon (1932-2023)
Alain Besançon vient de mourir. Il avait 91 ans. Il fut, comme tant d’autres de ses amis (Annie et Arthur Kriegel, Emmanuel Le Roy Ladurie par exemple) membre du Parti communiste dans sa jeunesse. Professeur de lycée à Montpellier, Tunis et Neuilly, il fut ensuite attaché de recherches au CNRS et intégra l’EHESS où il devint directeur d’études à partir de 1977. Il enseigna aussi aux Etats-Unis, notamment à Columbia, à la Hoover institution de Stanford, haut lieu des archives du communisme, puis à Princeton. En 1987, Alain Besançon publia des mémoires sous le titre Une génération où il raconte qu’il décida « d’explorer l’histoire de la Russie et de l’URSS afin de mieux comprendre ce qui lui était arrivé ». Il avait en effet rompu avec le communisme en 1956, mais était fasciné par les mécanismes affectifs et intellectuels par lesquels cette conception du monde s’auto-justifiait. Selon lui, le totalitarisme léniniste était une forme de gnose qui n’était pas sans rappeler le marcionisme, lequel exaltait le Dieu d’amour du Nouveau testament et dans le même temps rejetait le Dieu de la Loi, celui de l’Ancien testament. Cet examen, selon Besançon, devait « conserver son sens judiciaire » et aboutir à un jugement. Ce procès de l’histoire russe était à ses yeux une « cause capitale entre toutes ».
Ami de Branko Lazitch, qui animait la revue Est & Ouest, ancêtre des Cahiers d’histoire sociale et d’Histoire & Liberté, Alain Besançon fréquentait l’Institut d’Histoire sociale, participant en particulier à nombre de ses colloques où il nous associait avec clarté et force de conviction le Mal aux pratiques soviétiques et à l’idée même du communisme.
Membre du Conseil de rédaction de la revue Commentaire depuis 1986, Alain Besançon. fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1999.
On relira avec grand profit ses oeuvres, notamment Le Tsarévitch immolé (1967), le Court traité de soviétologie à l’usage des autorités civiles, militaires et religieuses (1976), préfacé par Raymond Aron, Les Origines intellectuelles du léninisme (1977), Présent soviétique et passé russe (1980), La Falsification du bien, Soloviev et Orwell, (1985), Le Malheur du siècle : sur le communisme, le nazisme et l’unicité de la Shoah, (1998), Sainte Russie, (2012).
Tous ses anciens étudiants, devenus souvent ses amis, pleurent sa disparition et adressent à son épouse, Maria, toutes leurs condoléances.
Pour les Amis d’Histoire & Liberté,
Pierre Rigoulot
Alain Besançon était une des personnes que je respectais le plus. « Les origines intellectuelles du léninisme » réduit ce dernier en cendres. Bien que non économiste il est à ma connaissance le premier à avoir mis en lumière l’imposture absolue qu’était la « brillante réussite économique » de l’URSS ( dans Anatomie d’un spectre, économie politique du socialisme réel que j’ajoute à la liste des oeuvres retenues par Pierre). Une surréalité construite en chiffres falsifiés, en mots, en théâtre et en images, surréalité qui, à l’époque, et encore longtemps après, trompait presque tout le monde, de gauche, comme de droite, surtout parmi les plus instruits dont la majorité des économistes les plus brillants de la planète ! En plus, un homme très humain, doté d’un sens psychologique aigu, à l’humour fin et capable d’autodérision
Larme sincère.
Pierre Druez
J’éprouve un grand respect pour ce très bel esprit
André Senik
Un représentant authentique de l’intelligentsia en France, avec une érudition et un humour qui faisaient de lui un interlocuteur délicieux et de haut vol.
Nicolas Miletitch
C’est une grande tristesse pour moi. J’avais lu un livre de lui qui était très décapant sur le léninisme et sur l’univers soviétique. Cela m’avait bien dessillé les yeux. J’avais toujours espéré avoir l’occasion de le rencontrer. Trop tard hélas trop tard.
Antoine Brunet
